Gare à l'épuisement moral au travail!

Publié le 15/12/2022 à 07:28

Gare à l'épuisement moral au travail!

Publié le 15/12/2022 à 07:28

Par Olivier Schmouker

L'épuisement moral, un phénomène émergent qui est appelé à gagner en ampleur... (Photo: Dev Asangbam pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «J’ai porté plainte contre une de mes collègues auprès des ressources humaines, car elle a une attitude déplorable à mon égard. La responsable que j’ai rencontrée m’a dit, en résumé, qu’on ne pouvait pas prendre des sanctions aussi sévères que celles que j’avais imaginées. Autrement dit, les gestes commis ne sont pas jugés si graves que ça! Et ce que je subis, ce n’est pas si important que ça! Je suis dégoûtée! J’ai quasiment envie de démissionner!» – Marylaine

R. – Chère Marylaine, vous comprendrez que je ne peux pas me prononcer sur ce que vous vivez, faute d’éléments tangibles. Cela étant, votre courriel a attiré mon attention en raison du fait qu’il met en lumière un phénomène qui prend de l’ampleur de nos jours, même si tout le monde n’en a pas encore pris conscience: nous assistons aujourd’hui au début d’une vague d’«épuisement moral».

De quoi s’agit-il? L’épuisement moral se produit lorsque notre travail n’est plus du tout en adéquation avec nos valeurs. Il peut survenir à la suite d’un événement traumatisant: un boss qui nous crie dessus; un collègue qui nous rabaisse devant les autres; un client que se plaint à tort de notre travail auprès de la haute direction; etc. La personne concernée ressent dès lors un vif sentiment d’injustice ou d’impuissance face à ce qui lui est arrivé. Et elle peut en arriver à la conclusion qu’il y a une incompatibilité entre elle-même et l’entreprise en termes de valeurs.

Les conséquences sur le travail sont souvent majeures. La personne concernée peut se sentir fatiguée, anxieuse, ou encore négative. Elle file droit vers le découragement, la démotivation, le désengagement. Certains employés se mettent en mode «quiet quitting» (démission silencieuse, en français), d’autres finissent par partir du jour au lendemain dans l’espoir que l’herbe sera plus verte ailleurs.

Karina Nielsen, professeure de psychologie du travail à l’Université de Sheffield (Grande-Bretagne), estime dans ses travaux sur le sujet que l’épuisement moral traduit, la plupart du temps, un milieu de travail toxique. L’ambiance est nulle. L’esprit d’équipe est inexistant. Le gestionnaire est omniprésent, voire étouffant. Bref, les employés sont constamment mis sous pression et ne se sentent pas en sécurité: ils ont la conviction que le ciel peut leur tomber sur la tête à tout instant; et la première goutte de pluie est ressentie comme le signe avant-coureur d’un déluge imminent.

«Le préjudice moral a un impact direct sur les sentiments d’utilité et d’appartenance de l’employé concerné, et peut également affecter l’image que ce dernier a de lui-même», considère Karina Nielsen. Cela peut créer une «blessure psychique» qui peut prendre du temps à guérir et qui, d’ici là, peut avoir des conséquences sur la «performance au travail» et même sur le «degré de confiance» que la personne concernée a envers les autres.

Que faire quand l’épuisement moral nous tombe dessus? Il est vital de se concentrer sur la «récupération» et sur la «reconstruction», selon la professeure britannique. D’où l’intérêt, entre autres, de se retirer des situations toxiques dès qu’elles se présentent (si cela est possible, bien entendu), de participer à des activités qui soulagent à l’extérieur du travail (yoga, natation, etc.), ou encore d’adopter des routines d’autosoin (méditation, rédaction d’un journal intime, etc.). Et ce, en faisant appel aux services de professionnels de la santé.

Bon. Suis-je en train de vous dire que l’heure est grave, Marylaine? En aucune façon. Je ne veux surtout pas vous inquiéter, juste vous donner de l’information sur l’épuisement moral et ses conséquences potentielles. Car il ne faudrait surtout pas que votre sentiment d’injustice et votre différend avec votre collègue se transforment en blessure psychique, avec tout ce qui peut s’ensuivre.

Je comprends votre colère et votre inquiétude. Mais le plus important est d’en sortir, l’idéal étant de rétablir et de cultiver le dialogue, d’abord avec la responsable des RH et ensuite avec votre collègue. C’est bien connu, le meilleur moyen de lutter contre la guerre, qu’elle soit ouverte ou intestine, c’est et ce sera toujours le dialogue. Misez donc tout sur le dialogue.

Bref, ne sous-estimons surtout pas le nouveau phénomène de l’épuisement moral. Un phénomène d’autant plus préoccupant que les nouvelles générations de travailleurs ont des valeurs distinctes de celles des autres, et que la pénurie de main-d’œuvre facilite la décision de changer d’employeur en cas de différend concernant les valeurs. Oui, un phénomène dont on n’a pas fini d’entendre parler, j’en suis persuadé…

 

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