Faites la discipline

Publié le 16/10/2008 à 05:57

Faites la discipline

Publié le 16/10/2008 à 05:57

Par lesaffaires.com
L'application de mesures disciplinaires est la bête noire de beaucoup de gestionnaires. Voici des conseils pour qu'elle soit efficace.

Sophie arrive régulièrement en retard au travail. Elle allonge ses pauses, quitte le bureau à 16 h 45 au lieu de 17 heures et compte de nombreuses absences injustifiées. Pablo, lui, passe beaucoup de son temps de travail à s'amuser sur Internet. Quant à Manuel, son tempérament est - disons-le poliment - plutôt "bouillant". Il lui arrive d'apostropher violemment ses collègues ; un jour, il a même engueulé son supérieur.

Que faire ? Ou plutôt, qu'aurait-il fallu faire ? "Les gestionnaires attendent trop avant d'agir, déplore François Berthiaume, CRHA, psychologue et président de Dolmen Capital humain. Les employés difficiles se disent alors qu'ils peuvent transgresser certaines règles sans avoir à en subir les conséquences." En revanche, les comportements inappropriés risquent moins de se reproduire si leurs auteurs se font prendre chaque fois. La tolérance zéro face à la transgression de limites clairement établies et la constance à cet égard sont donc la meilleure stratégie de prévention.

Cela dit, comment agir avec Sophie, qui fait encore une fois le "travail buissonnier", même si son supérieur lui a dit de ne pas recommencer ? Et après avoir longtemps toléré les éclats de Manuel, que doit faire le gestionnaire qui décide que la mesure est pleine ?

Informer, encadrer, aider

La première étape consiste à coacher l'employé pour l'aider à se corriger et à améliorer son rendement. Selon Muriel Drolet, CRHA, présidente de Drolet Douville et associés, et coauteure du livre Comment gérer un employé difficile, il ne suffit pas de lui dire de changer d'attitude. "Il faut être précis et lui expliquer clairement en quoi son comportement est inacceptable, tout en précisant les conséquences de sa conduite sur ses collègues et sur l'entreprise."

Lors d'une première rencontre, le gestionnaire informe l'employé de ses attentes, lui donne de la rétroaction sur son rendement, souligne les écarts observés et détermine avec lui quelles règles respecter et quels objectifs viser pour s'améliorer. Autrement dit, il établit un plan de redressement. Il signale aussi à l'employé quelles seront les sanctions s'il ne s'amende pas.

Puis, il écrit un compte rendu de la rencontre, en remet une copie à l'employé et en verse une autre à son dossier. À cet égard, précisons qu'il faut y consigner les faits observés, les propos échangés avec l'employé et les résultats obtenus. Il faut aussi informer celui-ci de l'existence de ce dossier disciplinaire, qu'il a d'ailleurs le droit de consulter.

Le gestionnaire doit ensuite revoir l'employé à quelques reprises pour faire un suivi. Si ce dernier a besoin d'aide, par exemple, de parrainage ou de formation, il lui en offrira.

Cette démarche a suffi pour que Sophie et Pablo corrigent leurs écarts de conduite. Attention, toutefois : il faut continuer de les superviser étroitement. Dans son livre, Muriel Drolet compare l'employé difficile à un arbre qui doit être soutenu par un tuteur. "Lorsqu'on a l'impression qu'il est devenu droit et fort, on est tenté de retirer le tuteur. Le problème, c'est qu'après le lui avoir enlevé, on constate que les racines et la génétique de l'arbre lui redonnent bien vite sa courbe naturelle, ce qui le rend vulnérable face aux intempéries."

Manuel, malheureusement, continue d'enguirlander tout un chacun et ne montre aucune intention de modifier son comportement. Des actions plus musclées s'imposent. Il faut alors passer aux mesures disciplinaires proprement dites.

Quand la situation se corse

Le gestionnaire annonce alors ses couleurs : "Manuel, je vous ai fourni toute l'aide dont vous aviez besoin pour modifier votre comportement. Je me vois donc dans l'obligation d'engager des mesures disciplinaires". Puis, il convoque Manuel à une rencontre en présence d'un témoin, qui sera un représentant syndical si l'entreprise est syndiquée. Il lui remet alors un avis écrit lui signalant qu'à partir de ce jour, s'il lève le ton une fois de plus avec un collègue, des sanctions disciplinaires plus sévères qu'un simple avis écrit lui seront imposées.

La sanction appropriée varie selon la faute commise et peut aller de l'avertissement écrit au congédiement, en passant par la perte d'avantages particuliers, la suspension et la rétrogradation (cette mesure est plus délicate à appliquer et il vaut mieux consulter un avocat). "La suspension est couramment utilisée, mais elle pénalise l'employeur, qui se retrouve avec un employé de moins, dit Muriel Drolet. De plus, certains employés considèrent cela comme des vacances. La perte de privilèges fait parfois plus mal : retrait des journées de congé mobile, de l'auto qui lui est fournie, de la possibilité de profiter d'un horaire flexible, etc."

Pour chacune des sanctions infligées, il faut rédiger un avis résumant l'infraction et en remettre une copie à l'employé. "En règle générale, plus l'employé occupe un poste élevé dans la hiérarchie, moins on sera indulgent et plus la sanction sera sévère", précise Me André Sasseville, associé principal du cabinet Langlois Kronström Desjardins.

Avant de procéder à un congédiement, les employeurs prévoient souvent une gradation des sanctions : avertissement écrit, perte d'un privilège, puis suspension sans solde de deux jours, d'une semaine, d'un mois... Le psychologue François Berthiaume estime cependant qu'en agissant de la sorte, ils se nuisent. "La divergence des intérêts entre les deux parties s'accentue, et la relation se détériore. L'employé se monte encore davantage contre son employeur et peut même se faire des alliés parmi les membres du personnel." Bref, le diable est aux vaches.

Selon lui, il faudrait cesser d'allonger le processus et imposer plus rapidement une sanction sévère, voire un congédiement. "Si la personne persiste dans son comportement inapproprié malgré le coaching qu'on lui a offert, c'est qu'elle est de mauvaise foi. Au lieu de multiplier les avertissements, on l'avise que la prochaine fois, on appliquera telle ou telle sanction. Et si elle récidive, on passe à l'action." Attention : si les employés sont syndiqués, il faut suivre la procédure concernant les mesures disciplinaires prévues dans la convention collective.

Les avocats, par contre, militent en faveur d'une progression dans les sanctions. "C'est la meilleure façon de se préparer à faire face à une plainte que pourrait éventuellement déposer l'employé à la Commission des normes du travail pour congédiement sans cause juste et suffisante", indique Me Sasseville. La Loi sur les normes du travail permet en effet à un employé comptant plus de deux années de service continu de bénéficier d'une présomption en cas de congédiement. C'est donc à l'employeur de prouver qu'il avait raison de le licencier. Pour cela, il faut souvent démontrer que l'ensemble des sanctions a été appliqué de façon progressive, que l'employé a été invité à modifier sa conduite, et qu'on lui a donné le soutien nécessaire pour y parvenir.

Une faute grave peut cependant justifier un renvoi immédiat, sans passer par la gradation des sanctions. Le vol, la fraude et la concurrence déloyale en sont des exemples, d'après Me Sasseville. "En raison du lien de confiance particulier qu'ils ont avec l'entreprise, les cadres supérieurs peuvent également être congédiés sur-le-champ." Comme pour tout travailleur, toutefois, on a intérêt à bien étoffer les motifs du renvoi, car les cadres supérieurs peuvent intenter une poursuite devant les tribunaux en vertu du Code civil du Québec.

Des erreurs à éviter

- Fermer les yeux face aux écarts de conduite, de peur de faire des vagues. "Employés difficiles et entreprises peureuses ? C'est le match parfait !" lance Muriel Drolet, de Drolet Douville et associés. De son côté, Me Sasseville, du cabinet Langlois Kronström Desjardins, estime qu'il est injuste pour les bons employés de ne pas sévir contre ceux qui ne respectent pas les règles. "Sans compter que cette tolérance incite les employés au laisser-aller", ajoute-t-il.

- Tolérer un mouton noir sans jamais intervenir puis, quand la marmite saute, le congédier pour l'ensemble de son "oeuvre". "Si l'employé décide de contester son congédiement, il sera difficile de convaincre le tribunal qu'on lui a donné la chance de s'amender", souligne Me Sasseville.

- Accepter qu'un échéancier disciplinaire dure six mois dans les entreprises syndiquées. Concrètement, cela signifie que l'employeur dispose de six mois pour congédier un employé, une fois le processus disciplinaire enclenché. Au bout de ces six mois, le dossier redevient vierge. "C'est trop court, estime Muriel Drolet. L'employé risque de se tenir à carreau pendant six mois, puis de recommencer son manège une fois le délai écoulé. L'idéal, c'est un délai de 24 mois, mais si l'employeur en négocie un de 12 mois, c'est bien."

- Suspendre l'employé récalcitrant... avec salaire !

Cet article a été publié dans la revue Affaires Plus en juin 2008.

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