Le Musée canadien de la nature, à Ottawa, possède une collection de plus de 10 millions d'artéfacts de tout genre, mais son principal défi de « conservation » concerne ses employés : comment faire pour maintenir son personnel de quelque 180 employés, alors que plusieurs pourraient dès maintenant partir à la retraite.
Le problème est réel et il y a urgence : parmi les 13 gestionnaires cadres, au moins sept pourraient partir à la retraite demain matin s'ils le voulaient ! En effet, tout employé âgé d'au moins 55 ans et ayant 30 années de service est admissible à la retraite.
Le défi de la relève ne touche pas uniquement le personnel cadre, reconnaît Denyse Jomphe, directrice de la gestion des ressources humaines du Musée. En effet, 35 % de tous les employés seront admissibles à la retraite en 2012; dans 10 ans, la proportion sera de 70 % parmi les professionnels (chercheurs, gestionnaires de collections, professionnels en éducation, etc.).
Devant ce tableau, la direction du Musée a réfléchi dès 2003 aux meilleurs moyens de pallier la situation. Après avoir établi les compétences clés de leadership (voir encadré) dont le Musée aurait besoin pour l'avenir, un comité a entrepris la recherche d'un programme de formation qui saurait répondre à ces objectifs.
Un programme sur mesure
Ce comité a été séduit par l'approche développée par Reg Revans, spécialiste britannique du développement organisationnel. Cet ancien athlète olympique (saut en longueur) a été le premier à enseigner les relations industrielles à l'Université de Manchester, en 1955, sur la base de connaissances qu'il avait acquises dans l'industrie du charbon, notamment.
Le père de l'Action Learning (apprentissage par l'action) prétendait que l'amélioration du rendement des employés repose non pas sur l'apport d'experts, mais sur l'expérience des employés eux-mêmes, encouragés à réfléchir en groupe à leurs façons de faire. « Cette approche nous a permis de bâtir à faible coût un programme adapté à nos besoins, qui aide les participants à parfaire leurs connaissances tout en travaillant ensemble à des projets concrets et réels d'ordre organisationnel », explique Mme Jomphe.
Après un appel de candidatures auprès de l'ensemble du personnel, 10 employés se manifestent. Du nombre, sept sont retenus en échange d'une promesse de participation d'une séance de formation de groupe par mois.
En octobre 2007, le Programme d'apprentissage pratique prend son envol, avec un coach privé responsable de l'encadrement. Le projet retenu pour cette première expérience : faire prendre un virage vert au Musée.
Le défi s'est avéré plus complexe que prévu. Au lieu des 20 jours prévus initialement, le travail du groupe a pris le double du temps. Ce qui, on le devine, a eu pour effet de faire grincer des dents certains gestionnaires, ainsi privés d'une partie de leurs employés !
Qu'à cela ne tienne, assistés du directeur des installations du Musée de la nature (agissant comme client) et de deux conseillers en environnement, le petit groupe d'apprentissage a multiplié les démarches environnementales tout au cours de l'année : rédaction d'un cadre de gestion en environnement, abolition de la vaisselle jetable à la cafétéria, formation d'un comité permanent en environnement responsable d'initiatives de covoiturage et de gestion des matières recyclables, entre autres.
Une expérience concluante
« Le programme environnemental a été appliqué pendant un an [jusqu'en juin 2008] par toute l'organisation », explique Mme Jomphe.
La prochaine fois, les participants se feront confier une autre mission. « Ce n'est pas la nature de cette mission qui compte, mais les compétences de leadership que les participants ont su acquérir. » Un an plus tard, un participant a obtenu une promotion, quatre autres se disent disponibles et deux autres se sont prévalus d'un congé sans solde d'au plus un an pour gagner de l'expérience ailleurs... « Ça fait partie des risques auxquels nous nous exposions. En décidant de jouer la carte de la formation, nous courions le risque de créer des attentes qu'il faudra apprendre à gérer. Mais pas au point de remettre en question l'ensemble de la démarche », précise Mme Jomphe.
Tant et si bien qu'après une pause d'une année, le temps de laisser le Musée terminer ses rénovations, le service des ressources humaines entend reprendre l'expérience de façon régulière. Prochain rendez-vous : automne 2010 !
