«Comment remettre à sa place un collègue arrogant?»

Publié le 11/08/2022 à 11:00

«Comment remettre à sa place un collègue arrogant?»

Publié le 11/08/2022 à 11:00

Par Olivier Schmouker

«Il paraît toujours plus intelligent, plus cultivé, plus expérimenté que moi; un peu comme s’il se faisait un plaisir de me donner une leçon. » (Photo: LinkedIn Sales Solutions pour Unsplash)

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Q. – « Au bureau, un collègue contre souvent mes arguments, ce qui pourrait être correct, mais il le fait de façon humiliante: il paraît toujours plus intelligent, plus cultivé, plus expérimenté que moi; un peu comme s’il se faisait un plaisir de me donner une leçon. Y a-t-il un truc qui me permettrait, pour une fois, de le remettre à sa place? » – Rayan

R. – Cher Rayan, j’ai une petite anecdote à vous raconter, dénichée dans un livre fascinant, «Avoir raison avec Schopenhauer» de Guillaume Prigent, qui exerce le fabuleux métier de professeur d’art oratoire à Sciences Po Paris. Une anecdote riche d’enseignements, comme vous allez le voir.

Le 2 novembre 2007, le philosophe Michel Onfray accordait une entrevue au journaliste Guillaume Durand dans le cadre de l’émission télévisée «Esprits libres», sur France 2. Il s’en est pris directement au penseur Jacques Attali, à qui il reprochait sa proximité avec les sphères du pouvoir, par opposition à lui-même, qui estime se situer en opposant aux puissants.

Pour ce faire, Michel Onfray a usé d’une technique oratoire d’une redoutable efficacité: la comparaison dégradante. Car, même si la comparaison est discutable, voire foireuse, elle a le chic de s’incruster dans l’esprit de ceux qui écoutent; et par suite, de nuire à l’image de celui à qui on vient de coller une étiquette.

Dans le cas présent, Michel Onfray a comparé Jacques Attali à… un collaborateur. À savoir aux Français qui ont collaboré avec les Nazis durant l’Occupation de la France, lors de la Seconde Guerre mondiale.

Voici un extrait de l’entrevue.

Michel Onfray. «Il y a toujours une ligne de fracture. Dans l’histoire de la philosophie, dans l’histoire de la pensée, dans l’histoire des idées, il y a les résistants et les collaborateurs. Ça paraît clair.»

Guillaume Durand. «C’est violent quand même. Donc, Attali est un collabo.»

Michel Onfray. «Il y a ceux qui sont du côté du pouvoir, et ceux qui résistent au pouvoir, disons-le comme ça. [...] Et oui, il y a bel et bien des gens qui sont d’un côté de la barricade, où on trouve effectivement les rois, les puissants, les gens du jour.»

Quel mécanisme mental entraîne la comparaison dégradante? Il faut comprendre que la force de votre interlocuteur tient en grande partie à l’image qu’on se fait de lui. Or, l’associer, lui ou ses idées, à des théses considérées comme honteuses ou choquantes revient à le disqualifier aux yeux du public. Car personne ne souhaite être dans le camp d’une doctrine moralement ou historiquement révoltante. D’ailleurs, le philosophe Francis Bacon le disait bien: «Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose».

D’où le conseil pratique de Guillaume Prigent: «Lorsqu’on est confronté à une affirmation adverse, un moyen très rapide de la balayer, à tout le moins de la rendre sujette à caution, est de la cataloguer en l’assimilant à une doctrine peu appréciée, dit-il. Et ce, quand bien même elle ne s’y rattacherait que par une vague ressemblance.»

Par exemple, on peut taxer l’affirmation adverse «de manichéisme, d’arianisme, d’idéalisme, d’athéisme, de rationalisme, de mysticisme, etc.» Car, ce faisant, on affirme implicitement que:

1. L’affirmation adverse est vraiment identifiable à cette doctrine, ou du moins pourrait s’en réclamer, aussi pourra-t-on s’exclamer: «Oh, mais j’ai déjà entendu ça quelque part!»

2. La doctrine en question a déjà été complètement désavouée, si bien que l’afirmation adverse qui lui est rattachée ne contient pas une once de vérité.

Guillaume Prigent estime qu’il est difficile de se dépêtrer d’un comparaison dégradante. Mais que ce n’est pas impossible.

On peut notamment s’en sortir par un trait d’humour, en assumant la comparaison et en en rajoutant tellement qu’elle en devient ridicule. Par exemple, si on vous traite d’ultralibéral, répondez que c’est bien connu que vous êtes ultralibéral, que vous souhaitez d’ailleurs privatiser la justice, l’armée, la médecine et tout ce qui est public!

On peut également s’émouvoir d’un ton grave du procédé «lamentable» de notre interlocuteur. Par exemple, si on est associé à l’idéologie fasciste, il convient de rappeler ce qu’a été le fascisme en Italie et en Espagne au XXe siècle, de raconter les arrestations arbitraires, les tortures de prisonniers, etc. Et de souligner que nos propos n’ont aucun rapport avec tout cela; ni de près ni de loin. Mieux encore, de marteler durant toute la discussion que notre interlocuteur n’est pas crédible, car il fait des comparaisons insultantes et infondées.

Bref, Rayan, il existe bel et bien une astuce rhétorique permettant de déstabiliser, pour ne pas dire décrédibiliser, votre collègue arrogant. Celle-ci devrait le remettre à sa place d’emblée. Mais avant de vous y aventurer, sachez qu’il risque fort de vous en vouloir, et qu’il vous faudra sûrement gérer à l’avenir une situation tendue avec lui et ses habituels partisans…

C’est par conséquent un pensez-y bien!

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