Bases de données et profitabilité

Publié le 01/07/2011 à 09:38, mis à jour le 08/07/2011 à 09:39

Bases de données et profitabilité

Publié le 01/07/2011 à 09:38, mis à jour le 08/07/2011 à 09:39

Par Premium

Dans le domaine des ventes, la clé réside dans le lien de confiance entre le client potentiel et le vendeur. Cameron Hurst, vice-président chez Assurant Solutions, a entièrement revu la gestion de la relation client, après avoir fait une analyse approfondie de la base de données de son entreprise. Avec, pour résultat, un succès fulgurant.

 Une entrevue réalisée par Michael S. Hopkins et Leslie Brokaw, MIT Sloan Management Review

Les assureurs ont un problème récurrent : comment garder leurs clients quand ceux-ci finissent par se lasser de payer, sans avoir jamais rien, ou presque, à réclamer ? La compagnie américaine Assurant Solutions, implantée dans dix pays dont le Canada, est spécialisée dans les produits d’assurance crédit et de protection contre le surendettement. Si vous perdez votre emploi ou si vous avez des problèmes de santé et que vous n’arrivez plus à effectuer les versements sur votre carte de crédit, Assurant vous y aidera. Son taux de rétention s’élevait à 16 %, un résultat comparable aux meilleures normes de l’industrie, avant l’arrivée de Cameron Hurst au poste de vice-président de la division Targeted Solutions d’Assurant. Mais cela signifiait aussi que la compagnie n’arrivait pas à convaincre cinq clients sur six de conserver leur protection d’assurance et encore moins d’envisager l’achat d’autres produits. Voilà qui laissait place à l’amélioration...

M. Hurst, vous avez innové en procédant à une analyse en profondeur du problème, et cela s’est traduit par des résultats spectaculaires : le taux de réussite de votre centre d’appels a triplé d’un coup. Comment avez-vous eu cette idée ?

Nous voulions conserver plus de clients et faire en sorte que chaque client soit plus rentable grâce à des ventes accrues. Nous avons donc soumis le problème à d’autres experts, afin de bénéficier de leur regard neuf sur notre industrie. Nous nous sommes donc adressés à des spécialistes des sciences de la décision, à des actuaires et à des mathématiciens, et nous leur avons demandé : « Voyez-vous quelque chose qui nous aiderait à mieux performer, ou des pratiques à optimiser ? » La plupart d’entre eux n’y connaissaient rien, si bien qu’ils ont regardé le problème autrement, c’est-à-dire en ne se demandant pas d’emblée comment exploiter au mieux un centre d’appels.###

Sur quoi se sont-ils alors penchés ?

Ils n’ont pas abordé le problème sous l’angle traditionnel, en s’attardant par exemple au délai moyen de réponse à un appel téléphonique ou au temps de traitement moyen de celui-ci, pour découvrir ce que nous faisions de bien ou de mal. Tout ça, ce sont des éléments qui permettent d’évaluer l’interaction entre les clients et les représentants. Non. Ils ont adopté un point de vue vraiment nouveau, à partir d’un constat : « Il y a des réussites et il y a des échecs. »

Dans notre domaine, la réussite et l’échec sont faciles à établir. Soit vous conservez un client qui appelait pour annuler sa protection, soit vous le perdez. Si vous le gardez, c’est que vous avez réalisé une vente croisée, que vous lui avez vendu quelque chose de plus ou de moins.

Les spécialistes ont donc commencé par se demander ceci : « Qu’est-ce qui est vrai quand nous gardons le client ? Et quand nous le perdons ? Ou encore, qu’est-ce qui est faux quand nous gardons le client ? Et quand nous le perdons ? » À titre d’exemple, nous avons appris que certains représentants du service à la clientèle obtenaient de bons résultats avec les clients figurant dans la catégorie des primes plus élevées, mais pas leurs collègues. Cette découverte, jumelée à d’autres, nous a amenés à créer un système de répartition des appels par affinités.

Les chercheurs ont donc tenté de recueillir de l’information dans un champ très large, n’est-ce pas ?

Absolument. Ils nous ont dit : « Donnez-nous tout ce que vous avez. Toutes les données disponibles. » Nous en avions des tonnes… Mais nous possédions surtout des renseignements sur nos clients — qui nous semblaient, du point de vue de la répartition des appels, complètement inutiles — et sur le rendement des représentants, comme le temps consacré à chaque appel et les résultats qui en découlent. Ils ont tout amassé et se sont mis à explorer ces données à l’aide d’outils de modélisation statistique.

Leur méthode a consisté à répartir notre clientèle en plusieurs groupes distincts ultraprécis, pour voir ce qui était vrai dans chaque cas. Elle se distinguait ainsi de l’approche habituelle, qui se contente de classer les clients dans une dizaine de groupes différents : eux en ont créé des centaines !

Il s’agissait de la première étape du processus, à savoir découvrir combien de types de clients nous avions : des clients présentant des soldes élevés ayant tendance à payer rapidement, d’autres ayant un ratio élevé de crédit par rapport à leur solde, d’autres encore possédant une faible cote de crédit… Forcément, plus il y a de variables pour créer un groupe, plus il y aura de groupes. Par exemple, on ne se limitera plus aux clients ayant des soldes élevés qui paient rapidement, mais on déterminera ceux qui affichent ces caractéristiques et qui, en plus, ont une faible cote de crédit.

Quand tout cela est ramené à sa plus simple expression, on peut examiner toutes les interactions avec la clientèle d’un groupe particulier en se demandant : « Qu’avons-nous fait de bon dans ce cas précis ? Comment ça s’est passé dans cet autre dossier ? »

Et qu’en est-il des clients : les voyez-vous maintenant d’un autre œil ?

Oui. Lorsqu’on dispose d’une base de clients satisfaisante, avec assez d’interactions et de variables, on peut prédire ce que ceux-ci ont de fortes chances de faire à l’avenir. Parce que tout cela s’appuie sur le principe de la variabilité : il y a un degré élevé de variabilité dans un groupe de clients, et c’est tout aussi vrai pour les représentants. Nous avons appris à exploiter cette variabilité.

En vous appuyant davantage sur des faits, qu’avez-vous découvert de nouveau par rapport à vos anciennes convictions ?

Selon la croyance populaire, le ratio d’intervention dans les centres d’appels est de 80/20 : nous répondons à 80 % des appels en 20 secondes ou moins. C’est une promesse faite par la plupart des compagnies, qui croient générer ainsi une bonne satisfaction de la clientèle.

Cependant, nous avons constaté que cette croyance était erronée. Certes, plus on répond vite, mieux c’est. Néanmoins, nous avons appris que la majorité des clients sont prêts à attendre beaucoup plus longtemps que ce qu’on croyait, soit de 39 à 49 secondes, avant que leur frustration nuise aux résultats du représentant.

Du coup, nous nous sommes dit que, si les clients acceptaient de patienter, nous pouvions prendre le temps d’améliorer le contact avec le représentant et de mieux leur répondre, et que par la suite les revenus iraient en progressant. Nous avons effectué des tests, en poussant le ratio jusqu’à 60/60 : une réponse à 60 % des appels dans les 60 secondes ou moins. Résultat : à un certain point, nous savions que l’entente aurait des effets négatifs sur le taux d’abandon, mais à notre grande surprise, il n’y a aucun impact négatif sur le taux d’abandon tant qu’on n’a pas frôlé les 60 secondes d’attente. En d’autres mots, nous avons trouvé le jumelage idéal client/représentant. Mieux, les revenus ont, eux aussi, connu une amélioration !

C’était incroyable de voir ces nouveaux ratios fonctionner aussi bien. En quelques jours, nous sommes passés de 80/20 à 80/40, et nous avons obtenu des résultats immédiats quant aux taux de rétention et aux taux de facturation. Nous étions renversés ! Assez pour nous demander comment il se faisait que personne ne l’avait envisagé avant nous.

Que s’est-il passé depuis ?

Nous avons vu notre taux de rétention et notre taux réel de clients conservés grimper à 30 %, parfois à 33 %, au lieu des 16 % d’auparavant. Ce n’est pas tout. Nous nous concentrons maintenant davantage sur le taux de facturation préservée. Calculer le taux de rétention est simple : si deux personnes appellent pour annuler, et qu’on garde un client sur deux, le taux est de 50 %. Mais si deux personnes appellent, que l’une peut nous rapporter 80 $ et l’autre, seulement 20 $, et qu’on réussit à conserver le client à 80 $, le taux de facturation préservée est de 80 %, parce qu’on a gardé 80 $ sur une possibilité de 100 $.

Ça revient à se demander quels clients servir en premier en période de pointe…

Exactement. Nous avons utilisé les modèles de prévisions économiques disponibles pour nous aider à nous concentrer sur les clients les plus rentables, sans pour autant négliger les autres. Par exemple, si un client à 20 $ nous appelle, nous avons le représentant qui convient, mais nous consacrerons plus d’efforts auprès de ceux qui peuvent nous rapporter davantage.

En conséquence, même si notre taux de rétention des clients est passé à 33 %, notre taux de facturation préservée, lui, frôle 49 %, et certains jours il atteint 58 % ! Concrètement, ça signifie que nous avons épargné 58 ¢ pour chaque dollar à risque. Ce sont des résultats très élevés dans notre secteur d’activité.

Que diriez-vous pour convaincre les autres de suivre la même voie que la vôtre ?

Nous pouvons démontrer, à partir de votre propre base de données, que vos processus ne sont pas optimisés et que l’acheminement de vos appels se fait en réalité plus au hasard qu’autrement — parce qu’en fin de compte, c’est de ça qu’il s’agit. Nous, nous avons mis de l’ordre dans ce chaos. Avec succès. Alors, pourquoi vous priver d’une telle possibilité ?

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