La mine réjouie de Sean Roosen

Publié le 01/11/2009 à 00:00

La mine réjouie de Sean Roosen

Publié le 01/11/2009 à 00:00

Il a amorcé le déménagement de 200 maisons à Malartic alors que son étude de faisabilité n'était pas terminée et qu'il n'avait pas encore recueilli tout le financement nécessaire. Voilà les risques que le PDG d'Osisko a pris pour ouvrir sa mine à ciel ouvert en plein coeur de l'Abitibi.

Le 20 août dernier, Sean Roosen a vraiment bien dormi pour la première fois en cinq ans. Ce soir-là, il avait un poids en moins sur les épaules. Le gouvernement du Québec a donné le feu vert à son projet de mine d'or à Malartic, à une vingtaine de kilomètres de Val-d'Or. Un projet de près d'un milliard de dollars qui lui a valu des critiques de toutes parts. Les environnementalistes, les autochtones et de nombreux citoyens de la région y étaient opposés. Non sans raison. Jusqu'en novembre 2008, Sean Roosen n'était sûr de rien. Il n'avait pas non plus toute l'information en main quant aux risques présentés par son projet.

Ce pari fou a été lancé en 2004. Cette année-là, Osisko Mining acquiert la propriété aurifère Canadian Malartic, exploitée de 1935 à 1983 par quatre mines souterraines. Depuis, pas un gramme d'or n'en avait été extrait. "Nous ne savions pas avec certitude s'il y avait encore un gisement exploitable. Mais selon nos informations, nous pensions qu'il y avait encore au moins entre deux ou trois millions d'onces d'or", se souvient Sean Roosen. Pour s'en assurer, il n'avait qu'une solution : forer.

On commence à creuser au début de 2005. Une trentaine de forages sont réalisés sur une distance de cinq kilomètres. Ils permettent de repérer l'axe principal d'exploitation. Au même moment, Sean Roosen et son équipe découvrent qu'un des principaux gisements d'or se trouve... sous la ville de Malartic, là où vivent 3 600 personnes ! La situation se corse. "Quand nous avons constaté qu'il nous faudrait forer dans la cour des maisons et déplacer 200 familles, nous avons aussi compris que ce ne serait pas facile", reconnaît le dirigeant. "Personne ne veut d'une foreuse dans son jardin."

Mais Osisko n'a pas l'intention d'abandonner son projet. Elle met sur pied une vaste campagne d'information et tente de rassurer la population. Sean Roosen rencontre les citoyens à l'église pour expliquer les travaux à effectuer et les intentions d'Osisko. C'est loin d'être gagné. À l'époque, la société minière n'a aucune idée de la valeur à long terme et de la richesse du gisement. Difficile donc de répondre aux nombreuses questions des citoyens, qui portent sur les possibilités d'emplois, sur la durée de la mine et sur l'impact environnemental. "Nous devions justement leur faire comprendre qu'il fallait creuser pour connaître le potentiel du gisement", raconte-t-il.

Après une vingtaine de séances d'information et plus de 1 500 rencontres, Osisko convainc la population de Malartic d'adhérer au projet. Sean Roosen s'engage personnellement : tous les déménagements seront dédommagés, et une école, un CPE, un CHSL, un centre communautaire et des logements sociaux seront construits. "C'était la seule garantie que je pouvais leur offrir, souligne-t-il. Quels que soient les résultats, j'avais évalué que la relocalisation nous coûterait au moins 100 millions de dollars, et j'avais un fonds d'au moins 200 millions de dollars pour mener ces travaux à terme", ajoute-t-il.

Depuis quatre ans, Malartic s'est ainsi transformée en un vaste chantier de forage. Près de 2 600 sites ont été creusés. Au moment de la rencontre avec Commerce, il ne restait plus que quelques maisons à déménager. On a construit un tout nouveau quartier. Sean Roosen affiche une mine plus réjouie. Il peut maintenant dire que tout cet effort en valait la peine. Le gisement aurifère de Canadian Malartic contient un potentiel de 8,4 millions d'onces d'or, dont 6,3 millions d'onces de réserves assurées. De plus, à quelques mètres de là se trouve un autre site qui recèle deux autres millions d'onces d'or. Autrement dit, 10,4 millions d'onces d'or sont exploitables. "Cela dépasse de loin nos espérances", reconnaît le dirigeant.

Va pour le minerai, il reste le financement. Depuis le début, la minière se bat pour en obtenir : "Le plus grand risque d'Osisko a été de commencer les explorations et la relocalisation avant même d'avoir finalisé son budget", souligne Charles Jenkins, premier vice-président en actions canadiennes à Investissements Standard Life et spécialiste du secteur minier. "Ce genre de situation n'a rien de rassurant pour les actionnaires. La société a réussi à boucler son budget de peine et de misère en début d'années", continue l'analyste.

Lorsque Sean Roosen a lancé ce projet, seuls quelques investisseurs européens étaient prêts à le financer. "Ce n'était pas facile du tout. En Amérique du Nord, personne ne voulait investir dans des projets d'exploration minière et nous devions trouver au moins 800 millions de dollars pour nos activités d'exploration", se rappelle le PDG. "Nous avons réussi à obtenir un premier financement au Canada en 2005 lorsque le prix de l'or a commencé à augmenter. Mais ce n'est qu'en 2007 que nous avons pu conclure deux ententes de financement de 210 millions de dollars. Nous avons terminé cette année avec 430 millions de dollars supplémentaires", explique-t-il.

Maintenant qu'il a trouvé l'argent, Sean Roosen respire un peu mieux. Il a les fonds nécessaires pour mettre sur pied sa mine à ciel ouvert. "Osisko a un bon coussin pour mener son projet à terme, souligne Charles Jenkins. Sauf qu'il y a toujours les risques financiers liés au coût de la construction et aux délais éventuels. La hausse des matériaux, le prix du pétrole et les relations avec les citoyens peuvent entraîner d'importants coûts supplémentaires."

Sean Roosen en est conscient. Les études de rentabilité ont été faites en calcu-lant qu'un dollar américain valait 1,18 dollar canadien. Alors, si le dollar canadien augmente, les frais d'exploitation grimperont inévitablement.

Pour l'instant, le prix de l'or joue toutefois en faveur de la minière. Les études se fondaient sur un prix de 775 dollars l'once, alors qu'à la fin septembre, il oscille autour de 1 000 dollars. "À court terme, ce n'est pas encore très rentable d'investir dans un projet comme celui de Malartic puisque la mine n'est pas en exploitation. Mais à long terme, ce le sera probablement", croit Charles Jenkins. Si tout va bien, Osisko devrait vendre ses premiers lingots d'or dès le deuxième trimestre de 2011.

D'ici là, Sean Roosen doit veiller à la construction des installations et s'assurer qu'il aura tout le matériel nécessaire. En 2006, alors qu'il ne savait toujours pas si son projet fonctionnerait, il a pris un autre risque : celui d'acheter un broyeur de 30 000 pieds de diamètre. "Cette machine est très en demande dans le monde. Comme ces broyeurs sont construits uniquement en Chine et en Espagne, nous n'avions pas d'autre choix que de le commander à l'avance. Si notre projet avait été refusé, j'aurais été obligé de le revendre. Mais je n'ai pas eu à le faire, dit-il avec satisfaction. Il ne nous reste plus qu'à attendre les 12 camions et les 2 pelles hydrauliques que j'ai commandés en Europe."

En attendant, 400 travailleurs ont déjà été embauchés pour effectuer les premiers travaux. La minière prévoit en recruter le double pendant la phase de construction, quand il faudra assembler le convoyeur, le broyeur et toute la machinerie. Une fois la mine en exploitation, un millier d'emplois devraient être créés, dont la majorité en Abitibi. "On trouve une expertise dans cette région qui n'existe pas ailleurs", souligne Sean Roosen. Ce projet devrait donner un nouveau souffle à l'Abitibi, qui a durement été touchée par la crise forestière.

"Ce projet n'est pas seulement bon pour la région. Si le prix des métaux reste élevé, il créera de la richesse pour tout le Québec", dit Charles Jenkins.

Selon les prévisions, la mine de Malartic devrait être exploitée pendant dix ans. Et pour la première fois, Osisko a un plan de fermeture. "Près de 55 millions de dollars ont été prévus pour la fermeture de notre parc à résidus et pour la restauration du site à la fin de nos activités", précise Sean Roosen. Il ajoute : "J'ai 46 ans, je ne vivrai pas 30 ans avec un projet qui peut être dangereux ou désastreux pour nos enfants sur la conscience."

Sean Roosen sera honoré en 2010 au Gala du Commerce en compagnie des autres Audacieux. Les profits de ce gala serviront à remettre des bourses d'études.

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