EXCLUSIF La FIPOE, affiliée à la FTQ, n'a pas prêté qu'à Accurso

Publié le 14/12/2010 à 18:17, mis à jour le 15/12/2010 à 12:05

EXCLUSIF La FIPOE, affiliée à la FTQ, n'a pas prêté qu'à Accurso

Publié le 14/12/2010 à 18:17, mis à jour le 15/12/2010 à 12:05

Le constructeur controversé Antonio Accurso n'est pas le seul à bénéficier des prêts de la Fraternité inter-provonciale des ouvriers en électrcité du Québec. [Photo: Bloomberg]

EXCLUSIF. Le constructeur controversé Antonio Accurso est loin d’être le seul à bénéficier des prêts de la Fraternité inter-provinciale des ouvriers en électricité du Québec. En fait, le syndicat a pris pour plus de 28 millions de dollars en garanties pour des prêts accordés à des promoteurs immobiliers, selon les registres et les entrevues réalisées par Les Affaires.

Le syndicat, affilié à la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), accorde des prêts dits «mezzanines» depuis 2004 aux promoteurs de projets de construction au Québec, explique Arnold Guérin, directeur général de la Fraternité. Ce type de prêts est plus risqué qu’une hypothèque de premier rang, car le créancier qui l’accorde n’est pas considéré comme prioritaire en cas de liquidation du projet.

Plusieurs garanties prises par la Fraternité (FIPOE) excèdent les montants réellement prêtés. Selon nos calculs, les financements accordés totalisent environ 18 millions.

Selon deux avocats consultés par Les Affaires, c’est un usage douteux des cotisations syndicales. «Un syndicat gère le bien d’autrui, explique l’un d’eux. En vertu du Code civil, ils sont présumés faire des investissements sûrs, comme les hypothèques de premier rang.» Mais pour Arnold Guérin, pas de doute : la FIPOE est dans son bon droit. «Selon les interprétations de nos avocats, c’est 100% légal, dit-il. C’est pour faire fructifier l’argent de nos membres.»

Le syndicat a néanmoins décrété un moratoire sur ces prêts, a confié Arnold Guérin à Les Affaires.

En novembre, l’émission Enquête, à Radio-Canada, révélait que le syndicat a accordé un prêt de 3,75 millions de dollars pour le 6650, boulevard Couture, dans le quartier Saint-Léonard, à Montréal. Selon le reportage, le promoteur, Jan Pompura, a vendu la majorité des 21 unités à des dirigeants de la FTQ ou à leur famille, et à Tony Accurso. Des proches de la mafia ont acheté plusieurs unités. Selon les registres, il s’agissait du premier prêt accordé par la FIPOE pour un projet immobilier.

Une vieille relation

Plusieurs des derniers prêts accordés par la FIPOE, en 2008, 2009 et 2010, ont servi à financer des projets de Courbec, partenaire de longue date de la FTQ et du Fonds de solidarité FTQ. L’entreprise, dirigée par Réjean Leclerc, a son adresse dans la tour de bureaux de la FTQ, boulevard Métropolitain, à Montréal. Elle gère cet édifice et la tour du Fonds, à un coin de rue.

Selon les registres immobiliers, la FIPOE a pris des garanties d’une valeur de 10 millions de dollars depuis août 2008, sur des projets dont Réjean Leclerc est actionnaire. Chaque fois, c’est lui qui a négocié les prêts avec le syndicat.

Courbec est un vieux partenaire de la FTQ et du Fonds. Depuis 20 ans, l’entreprise administre leurs immeubles aux quatre coins du Québec. Selon Réjean Leclerc, l’entreprise a même géré les surplus financiers de syndicats affiliés à la FTQ «il y a une quinzaine d’années». «On négociait avec la Banque Laurentienne, les caisses populaires, pour obtenir les meilleurs taux d’intérêt dans des certificats de dépôt… On l’a fait au moins pour la FIPOE et le Syndicat des travailleurs des Postes.»

En 1993, quand il a pris une participation dans les Galeries Laval, appartenant à Tony Accurso, le Fonds de solidarité FTQ a confié la gestion de la galerie marchande à Courbec, explique Réjean Leclerc. En 2004, le Fonds s’est départi de son investissement, et Courbec a perdu le contrat de gestion «deux, trois ans plus tard», dit-il.

Les liens de Courbec sont encore plus étroits avec la direction de la FIPOE. L’entreprise avait des relations régulières avec l’ancien président du syndicat, Jean Lavallée, remplacé par Arnold Guérin en juin dernier. C’est avec lui que Réjean Leclerc négociait ses prêts à la FIPOE. «C’est un gentleman, dit-il. Je n’ai jamais eu de problèmes avec lui. Je le côtoie depuis 20 ans que je travaille pour la FTQ. Il me disait : “N’importe quand Réjean, amènes-en des projets!”»

Le neveu de Jean, Stéphane Lavallée, est le directeur de la construction de Courbec. Mais selon Réjean Leclerc, ça n’a aucunement contribué à favoriser l’entreprise pour l’obtention de prêts de la FIPOE. « Ce qui aide, ce sont des projets rentables, avec de bonnes garanties. C’est pas parce que l’oncle de Stéphane Lavallée était à la FIPOE que le syndicat nous prêtait!»

Réjean Leclerc ne digère pas d’être associé à cette controverse. «Quand on tente de m’associer à ça, j’ai mal aux tripes», dit le président de Courbec. À l’avenir, il trouvera son financement ailleurs. «Je peux vous dire qu’on n’ira plus, à la FIPOE!»

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