Depuis 45 ans, Pierre Loisel joue un rôle de pionnier à Taiwan, d'abord dans le secteur informatique, et maintenant dans celui de la culture biologique.
Arrivé sur l'île en tant que missionnaire jésuite en 1964, M. Loisel, 70 ans, a encore un chaleureux accent québécois. " Je n'aurais jamais cru alors que je passerais ma vie à Taiwan ", dit ce natif de La Tuque.
Le missionnaire technophile
À 21 ans, M. Loisel suit une formation d'ingénieur et des cours de chinois au Québec, puis part perfectionner ses connaissances en Californie. Il y apprend les rudiments de l'informatique, qui en était alors à ses balbutiements. " À la fin de ma formation, je me suis fait offrir un emploi par une jeune entreprise en démarrage, Intel ", raconte-t-il.
Mais Pierre Loisel respecte son contrat avec les jésuites et part pour Taiwan. Du coup, il devient l'un des premiers whiz kids de l'île.
En tant que missionnaire, il est appelé à collaborer à divers projets, dont l'un consistait à intégrer la langue chinoise à l'ordinateur. " Nous avons réussi ce tour de force en renonçant à fabriquer un clavier à 50 000 caractères et en insérant plutôt des images dans la machine ", explique-t-il.
En 1970, les jésuites estiment qu'il est temps pour Pierre Loisel de rentrer au bercail. Mais ce dernier refuse, s'étant attaché à l'île et, surtout, à Sue, une Taiwanaise, qu'il épouse.
Il quitte donc l'ordre avec l'idée de travailler dans le secteur de l'informatique. Il s'adresse alors à la seule entreprise du domaine sur l'île, Hewlett-Packard (HP), qui y a ouvert un bureau en 1969. Mais l'entreprise n'y vend aucun équipement informatique, seulement des instruments électroniques et des systèmes de mesure.
Après avoir insisté auprès du vice-président de l'entreprise, John Young, il obtient de devenir le premier distributeur d'équipement informatique à Taiwan, et y vend le premier PC.
Travaillant 100 heures par semaine à ses débuts, le passionné d'informatique fait rapidement une percée auprès des entreprises, de l'armée, du gouvernement.
Mais en 1976, il quitte HP Taiwan après s'être fait offrir un poste de vice-président chez MiTac (maintenant Acer). Puis, à 51 ans, il décide de tout laisser tomber pour devenir père au foyer.
Monsieur Environnement
C'est durant ce moment d'arrêt qu'il réalise à quel point l'essor économique auquel il a contribué a créé un grave problème : la pollution. Batailleur, il endosse la cause environnementale.
" Aujourd'hui, les Taiwanais sont plus sensibles aux questions environnementales et cherchent des solutions pour dépolluer, dit-il. On recycle le papier, le plastique et le verre, mais rien n'est fait pour les déchets de table. C'est un grave problème, car les Taiwanais produisent 6 000 tonnes de restes de table par jour. Ces détritus sont enfouis, incinérés ou jetés dans l'océan. "
Cette question retient son attention, au point qu'il s'efforce de mettre au point une technique de compostage pour réutiliser tous les déchets de table, dont les fruits de mer.
Après plusieurs essais infructueux, il obtient enfin un résultat satisfaisant à la fin des années 1990. Mais aucun agriculteur ne veut de son compost. " Des spécialistes m'ont même dit que mon compost n'est pas applicable à la culture parce qu'il contient trop d'huile et de sel ", relate le Québécois.
Buté, Pierre Loisel décide en 2001 de tester lui-même son compost et démarre une ferme expérimentale.
Aujourd'hui, il est agréablement surpris des résultats. " Mes légumes poussent sans pesticides ni engrais chimiques. À mon avis, cela tient au fait que le compost fournit des nutriments au sol, ce qui permet aux plantes de développer des mécanismes d'autodéfense. "
Usant de sa notoriété sur l'île, Pierre Loisel convainc le ministre de l'Agriculture d'analyser sa production. " Les fonctionnaires viennent régulièrement prélever des échantillons ", dit-il.
Pierre Loisel espère que les résultats de cette analyse seront concluants, car cela pourrait multiplier les fermes biologiques sur l'île.
