Agroalimentaire: La menace des «vieilles poules américaines»

Publié le 16/11/2013 à 00:00

Agroalimentaire: La menace des «vieilles poules américaines»

Publié le 16/11/2013 à 00:00

«L'importation de vieilles poules américaines menace notre marché et la survie de nos entreprises», affirme Yves Ruel, directeur du commerce et des politiques chez Les producteurs de poulets du Canada (PPC), une industrie qui a contribué à apporter 6,1 milliards de dollars au PIB et à créer ou à maintenir près de 56 000 emplois au pays en 2011.

Les importations de «vieilles poules» en provenance des États-Unis ont bondi de 108 % de 2006 à 2012, selon PPC. Ces poules dites «de réforme» sont celles dont sont issus les oeufs et les poulets que nous mangeons, et qui finissent leur carrière transformées en bouillon, en viande hachée ou en croquettes.

«Les importateurs ont tout avantage à déclarer des vieilles poules lorsque le produit traverse la frontière et à le revendre à gros profit aux consommateurs canadiens sous l'appellation poulet. C'est de la fraude», dit M. Ruel, qui fait référence au fait que les importateurs ne paient rien à l'importation de vieilles poules alors qu'ils doivent acquitter des droits de douane de 230 % sur les poulets.

Concurrence déloyale

Le stratagème jouant sur la classification de la volaille et les droits de douane engendre une concurrence déloyale, selon PPC. Les importations canadiennes de poules de réforme représentent 112 % de la production américaine, selon les calculs des PPC. «C'est mathématiquement impossible ! On en conclut que la moitié des poules de réforme américaines importées sont en réalité des poulets qui entrent au pays sans aucuns tarifs douaniers, ce qui représente pour nous une concurrence directe», dit Pierre Fréchette, directeur des Éleveurs de volailles du Québec.

En 2013, les PPC ont estimé le volume de vieilles volailles importées des États-Unis à 115 millions de kg, soit un peu plus de 10 % de la production canadienne. «Ça équivaut à la production annuelle de notre coopérative, qui emploie 1 100 personnes», dit Joël Cormier, v.-p., approvisionnements et logistique, chez Exceldor, qui se dit préoccupé par l'avenir des 240 éleveurs propriétaires du deuxième transformateur de volailles du Québec.

«Ces volailles importées ne sont pas nées au Canada et n'ont pas contribué à générer la chaîne de richesse, de l'oeuf pondu à la ferme à la poitrine vendue au supermarché ou au restaurant», souligne Yvan Brodeur, vice-président, approvisionnement en volailles, chez Oymel, premier transformateur de volailles du Canada, qui abat 1,7 million d'oiseaux par semaine.

Un manque à gagner d'un demi-milliard

Selon une étude réalisée en 2012 par le Centre George Morris, une firme ontarienne de consultants, le volume des importations de vieilles poules aurait généré 8 900 emplois au pays si ces oiseaux étaient nés en sol canadien. Ces importations représentent une perte de 555,6 M$ et sont réparties surtout dans les deux grandes provinces productrices, soit l'Ontario et le Québec.

Bien malin le douanier canadien qui pourrait différencier une poitrine de vieille poule d'une poitrine de poulet. Même un test d'ADN ne servirait à rien. Mais l'industrie canadienne du poulet demande à Ottawa de colmater la brèche à la frontière par l'adoption, entre autres, d'un étiquetage mentionnant clairement «poule de réforme» ou «poulet». «Il y a seulement quatre ou cinq abattoirs de poules de réforme aux États-Unis. Ce serait très facile d'identifier cette viande à partir du lieu d'abattage», croit Pierre Fréchette.

Si la hausse des importations de vieilles volailles se poursuit, cela pourrait saboter le système de gestion de l'offre. «C'est un choix de société. À lui seul, le producteur américain Tyson produit en un mois ce que les 758 éleveurs du Québec produisent en un an», ajoute-t-il.

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2 682 - La production canadienne de poulets s'effectue selon un système de gestion de l'offre qui limite les importations et les exportations. Ce contrat social instauré dans les années 1970 entre producteurs et consommateurs garantit un revenu décent aux 2 682 éleveurs canadiens et un approvisionnement en poulets de qualité toute l'année aux consommateurs.

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