Jacques Parizeau, créateur de plusieurs institutions économiques du Québec, n'est plus

Publié le 02/06/2015 à 06:39

Jacques Parizeau, créateur de plusieurs institutions économiques du Québec, n'est plus

Publié le 02/06/2015 à 06:39

Par La Presse Canadienne
Le 15 novembre 1976, le vent tourne pour le PQ, qui forme un gouvernement majoritaire. Jacques Parizeau se fait élire dans l'Assomption, et est nommé ministre des Finances par René Lévesque.

Il occupera cette fonction jusqu'à sa démission _ avec 11 autres ministres _ le 22 novembre 1984, quand le premier ministre Lévesque choisit de saisir « le beau risque » du fédéralisme, après l'élection à Ottawa du gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney, qui s'engage à donner au Québec sa juste place dans le giron canadien, «dans l'honneur et l'enthousiasme».

Dans sa lettre de démission, M. Parizeau qualifie alors cette idée de donner une dernière chance au Canada de «voie stérile et humiliante», et rappelle qu'il ne peut servir dans un gouvernement qui a abandonné sa raison d'être: la souveraineté.

En 1985, les libéraux de Robert Bourassa prennent le pouvoir et Jacques Parizeau retourne une fois de plus à son premier métier, l'enseignement, qu'il exercera jusqu'à ce qu'il fasse son retour en politique active par la grande porte, à la tête du Parti québécois _ alors dans l'Opposition _, le 18 mars 1988.

Après l'échec du référendum de 1980 et les années de morosité qui s'ensuivent, le « beau risque » de René Lévesque en 1984 et le concept flou d'«affirmation nationale» de son successeur de 1985 à 1987, Pierre Marc Johnson, le «pur et dur» Jacques Parizeau remet dès lors le parti sur les rails de la promotion de la souveraineté. En 1989, les libéraux de Robert Bourassa obtiennent un second mandat et Jacques Parizeau, élu, devient chef de l'opposition officielle. Il reconstruit le parti et fouette l'ardeur des troupes en leur faisant miroiter la tenue d'un référendum dès la prise du pouvoir par le PQ.

Lors du scrutin de septembre 1994 _ quatre ans après le rejet de l'accord du lac Meech et deux ans après celui de l'accord de Charlottetown _, il est clair qu'il y aura un référendum sur la souveraineté « dans l'année » si le PQ est porté au pouvoir. Les Québécois lui font confiance et donnent à « Monsieur » un gouvernement majoritaire avec 77 députés (sur 125).

Le nouveau premier ministre tient parole et passe bien près de gagner son pari. Le référendum du 30 octobre 1995 divise les Québécois en deux camps pratiquement égaux (50,6 contre 49,4). Mais c'est le camp du Non qui crie victoire grâce à quelque 54 000 voix.

Ce soir-là, le chef souverainiste, qui avait cru à la naissance du pays jusqu'à la dernière minute, se présente devant ses partisans

à Montréal sans notes. Visiblement défait, amer, il improvise, et impute la défaite à « l'argent, puis des votes ethniques _ essentiellement! », une interprétation qui soulèvera la réprobation générale et lui collera longtemps à la peau.

Le lendemain du référendum, jugeant qu'il n'a pas su être le leader capable de transformer sa province en pays, il démissionne, laissant la voie libre à Lucien Bouchard, alors chef du Bloc québécois à Ottawa, et qui a ardemment fait campagne pour le Oui au référendum de 1995. Quinze ans plus tard, M. Parizeau dira regretter sa décision, reprochant notamment à son successeur d'avoir abandonné le combat souverainiste que Lucien Bouchard aurait pu reprendre sur la base de sa grande popularité.

Depuis, malgré son retrait de la vie publique, il n'a jamais cessé de profiter de diverses tribunes pour promouvoir la souveraineté et défendre son idée du Québec. Lors du lancement de son livre à l'automne 2009, « La souveraineté du Québec hier, aujourd'hui et demain » (prix Richard-Arès du meilleur québécois), M. Parizeau s'était d'ailleurs dit confiant que l'option souverainiste obtienne toujours un appui dans la population.

« Dans la mesure où ces discussions-là portent sur des choses intéressantes, touchent les gens, vous allez voir, la ferveur va revenir, le goût de changer les choses va revenir. Et on va être très nombreux à vouloir notre pays », avait-il alors assuré.

Quelques mois après le lancement et la période de promotion, en avril 2010, il avait dû être hospitalisé pour une chute de pression, due à l'épuisement.

M. Parizeau a également publié « Pour un Québec souverain » (1997) et « Le Québec et la mondialisation. Une bouteille à la mer? » (1998).

Une « belle-mère » ?

Les nombreuses sorties publiques de ce politicien, qui s'exprimait à tout moment sur la place publique sur des questions d'actualités même s'il était redevenu un simple citoyen, lui auront toutefois attiré une réputation de « belle-mère ».

Ayant critiqué maintes fois ses successeurs, M. Parizeau avait aussi suscité le débat notamment lorsqu'il a estimé que la tenue de référendums sectoriels, tels que proposés par le PQ en juin 2009, permettrait de faire mousser la souveraineté en créant une crise politique.

Il fustige une nouvelle fois le PQ en mars 2011, lui reprochant de cultiver « un flou artistique » autour de la question de la souveraineté et d'étouffer le débat à ce sujet.

Puis, en juin 2011, survient la crise du leadership de Pauline Marois, provoquée par la décision de la chef d'approuver un projet de loi favorisant une éventuelle construction d'un amphithéâtre à Québec. Trois, puis un quatrième et un cinquième député, dont la femme de M. Parizeau, Lisette Lapointe, quittent le navire péquiste. L'ancien premier ministre cautionne leur décision en assistant à la conférence de presse de Lisette Lapointe, Pierre Curzi, Louise Beaudoin ainsi que Jean-Martin Aussant, qui ira fonder Option nationale.

M. Parizeau reconnaît alors que sa présence revêt une importance symbolique dont il se dit très conscient. De jeunes députés péquistes en prennent mouche et lui écrivent une lettre ouverte dans laquelle ils lui demandent de « leur laisser toute la place pour s'exprimer et pour représenter l'avenir ». M. Parizeau les traite de haut en soulignant qu'ils ont donné dans « l'enflure verbale » et la « fanfaronnade ». Mais il réserve sa flèche la plus empoisonnée au leadership du parti, en écrivant que l'approche souverainiste et des fautes stratégiques ont mené à un « gâchis ».

Lors de la campagne électorale de 2012, M. Parizeau a d'ailleurs versé 200 $ à la campagne du chef d'Option nationale, Jean-Martin Aussant. Lors du scrutin suivant, au printemps 2013, il avait prononcé un discours devant un millier de militants d'Option nationale, où il fustigeait le gouvernement minoritaire de Pauline Marois qui, selon lui, ne faisait pas suffisamment la promotion de la souveraineté. Il disait cependant demeurer membre du PQ, « par fidélité ».

D'octobre 2013 et jusqu'au printemps 2014, il écrit une chronique mensuelle dans les quotidiens de Québecor.

M. Parizeau avait épousé en 1956 l'écrivaine d'origine polonaise Alice Poznanska, décédée du cancer en 1990; le couple a eu deux enfants, Bernard et Isabelle. Il a par la suite épousé Lisette Lapointe.

Après sa retraite de la vie politique active, il s'intéresse au vin, et le vignoble qu'il a acquis dans le sud de la France a donné quelques cuvées « Côteau de l'Élisette ». Les questions financières le passionnent aussi toujours, puisqu'il devient membre du conseil d'administration du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC). M. Parizeau laisse aussi place à l'éternel pédagogue en lui, aimant particulièrement prononcer des conférences devant des étudiants de cégeps et d'universités pour parler de finances publiques, de mondialisation et... de souveraineté.

 

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