De l'enfouissement à la valorisation

Publié le 01/09/2008 à 16:36

De l'enfouissement à la valorisation

Publié le 01/09/2008 à 16:36

Par lesaffaires.com

La filiale québécoise de Veolia a construit Québec le centre de tri automatisé le plus sophistiqué du Canada. Elle est fin prête pour exploiter le  marché prometteur de la récupération.

Confortablement assis à son poste de commande, un opérateur de grue laisse tomber pêle-mêle des déchets de construction dans la mâchoire d'acier d'un énorme broyeur. Réduits en morceaux, les résidus sont acheminés vers un enchevêtrement de convoyeurs, d'aspirateurs, d'aimants et de bassins de décantation. Seuls quelques ouvriers s'affairent à retirer les pièces hors normes et impossibles à recycler. À l'autre extrémité de la chaîne, des tonnes de matières résiduelles attendent le chargement vers leur nouvelle vie de matières premières.

Nous sommes dans le tout nouveau centre de tri automatisé de Veolia Services à l'environnement-Matières résiduelles, à Québec. Destiné à la récupération des matières résiduelles provenant de l'industrie de la construction, de la rénovation et de la démolition (CRD), le centre se démarque par son haut degré d'automatisation. "C'est assurément une première au Canada et peut-être même en Amérique du Nord dans le domaine des résidus CRD", affirme Nicolas Bélanger, ingénieur chez Machinex, un fabricant d'équipement de centres de tri situé à Plessisville, qui a fourni le matériel.

L'investissement de 10 millions de dollars de la filiale québécoise du géant français Veolia (voir l'encadré) a permis la construction en un an d'une usine qui pourra traiter 100 000 tonnes de résidus CRD par an. Ouverte en mai 2007, l'usine fonctionne à plein rendement depuis le début de l'automne 2007.

La donne a changé

La multinationale française Veolia a mis la main sur la petite québécoise Sani-Gestion en 1999. La filiale est maintenant une vitrine pour la mise en application des technologies de récupération des matières résiduelles. "Nous sommes toujours à la recherche de solutions plus modernes que l'enfouissement, et qui respectent les principes du développement durable", mentionne Michel Gouvernec, président des activités nord-américaines de la multinationale française.

"L'approbation du projet a été relativement facile à obtenir", dit Gaétan Blouin, président et chef de la direction de la filiale québécoise. Il a tout de même fallu six mois, en bonne partie parce que nous devions présenter le projet deux fois, d'abord au siège social nord-américain à Chicago, puis à la haute direction, à Paris.

Tout en étant ouverte à la nouveauté, Veolia en voulait évidemment pour son argent. "Nous avons établi notre scénario de rentabilité sur des hypothèses réalistes", explique Gaétan Blouin. L'entreprise mise sur un taux de récupération de 85 % des matériaux CRD. La rentabilité repose aussi sur l'augmentation progressive des coûts d'enfouissement, un facteur qui incite beaucoup d'entreprises à remettre leurs résidus à un récupérateur.

L'argument de taille relève davantage du contexte actuel. La filiale de Veolia fait le pari qu'elle rentabilisera son investissement à la faveur du vent nouveau qui souffle sur la valorisation des résidus CRD. Mario Laquerre, coordonnateur du secteur ICI chez Recyc-Québec croit qu'elle réussira : "La valorisation de ce secteur est en forte croissance depuis quelques années, et il y a de plus en plus de débouchés pour les matériaux recyclés", résume-t-il (voir l'encadré).

En effet, la donne a changé au cours des dernières années. Si l'enfouissement a longtemps eu la cote, en raison de son coût avantageux, plusieurs facteurs favorisent maintenant la valorisation. Ainsi, il est maintenant interdit d'ouvrir de nouveaux dépôts de matériaux secs au Québec. La cote de popularité des sites d'enfouissement a chuté auprès du public, et les démarches pour en ouvrir de nouveaux sont plus longues et plus complexes. Enfin, l'imposition, depuis le début de 2006, d'une redevance environnementale de 10 dollars pour chaque tonne enfouie rend la valorisation plus attrayante.

"Le projet mijotait depuis plusieurs années", remarque Gaétan Blouin. Soucieux d'améliorer la rentabilité de son entreprise, le président de la filiale québécoise de Veolia a toujours espéré augmenter le taux de recyclage des résidus, même au cours des années 1960, aux débuts de l'entreprise. "Malheureusement, raconte-t-il, les marchés n'étaient pas prêts, ce qui fait que ce n'était pas vraiment rentable." L'entreprise récupérait environ 5 % des matériaux CRD grâce à des méthodes peu efficaces. "Cela permettait toutefois de prolonger la vie utile des centres d'enfouissement", ajoute le vieux routier.

Deux défis

Les deux sites d'enfouissement de Veolia de la région de Québec étant presque pleins, la filiale québécoise avait l'occasion d'opter pour la construction d'un centre de tri. Toutefois, du concept au démarrage des tapis roulants, il a fallu résoudre quelques problèmes techniques ; l'ensemble du processus n'a pourtant pris que trois ans, grâce à une collaboration étroite entre Veolia et Machinex. "Nous avons d'abord consacré beaucoup de temps à bien caractériser les résidus", explique Nicolas Bélanger, qui a assuré le rodage de l'usine.

Les résidus CRD sont en effet très variés : bois, asphalte, béton, briques, métaux ferreux et non ferreux, plastiques, gypse et autres. Le premier défi est le triage, car ils arrivent en vrac. "D'expérience, nous savons qu'il est à peu près impossible de faire un tri à la source, sur les chantiers de construction", dit Gaétan Blouin. Il faut également tenir compte des conditions climatiques : certains matériaux absorbent la pluie et la neige. "Il est effectivement difficile de trier sur place, confirme Mario Laquerre, en particulier sur les petits chantiers et souvent faute d'espace."

Pour démêler tous ces résidus, il a fallu concevoir un parcours au long duquel les matériaux sont progressivement séparés les uns des autres. Après un premier broyage plus grossier, les résidus passent devant deux rangées d'ouvriers qui en extirpent manuellement les pièces impropres au recyclage, principalement en raison de leur composition (certains plastiques, par exemple) ou de leur taille (comme de grosses pièces en acier). C'est la seule étape dans la chaîne où l'intervention humaine est importante.

Un réseau de convoyeurs transporte ensuite les matériaux et les fait passer par des aspirateurs qui en retirent le plastique léger, des bassins d'eau où le bois flotte pour prendre un autre embranchement vers une déchiqueteuse qui le réduit en copeaux, des aimants qui retirent les clous, et des tamis.

Premier défi

Une des difficultés tenait au fait que le centre de tri devait être installé dans un espace relativement restreint. "Compte tenu du fort volume de matériaux à traiter, explique Nicolas Bélanger, il a fallu concevoir une chaîne de tri relativement compacte." À voir tous ces convoyeurs, on comprend facilement le casse-tête !

La chaîne est donc en majeure partie automatisée. "Nous aurions pu ajouter des capteurs optiques capables de reconnaître les matériaux, mais cela aurait augmenté les coûts", ajoute Nicolas Bélanger.

Le degré d'automatisation tout de même élevé de la chaîne répond à une autre difficulté propre à l'industrie du recyclage : la pénurie de main-d'oeuvre. "Sans automatisation, dit Gaétan Blouin, il aurait fallu une chaîne de tri de trois kilomètres et une centaine d'employés, ce qui aurait été pratiquement impossible."

Deuxième défi

Il a aussi fallu trouver des marchés pour les matières récupérées. Heureusement, des marchés existent maintenant pour la plupart des produits tirés des déchets CRD. Toutefois, selon Gaétan Blouin, la rentabilité demeure précaire. «Pour rentabiliser l'opération, précise-t-il, nous devons exiger des frais pour la collecte des déchets."

Mario Laquerre estime cependant que les perspectives sont très bonnes. "Plusieurs facteurs contribuent à augmenter la demande", avance le coordonnateur chez Recyc-Québec. Outre une préoccupation grandissante du public et des entreprises pour le recyclage, la certification LEED incite les entrepreneurs à faire de la récupération, tout en reconnaissant leurs efforts.

"Pour certaines matières comme les agrégats ou le bois, trouver des débouchés ne pose aucun problème, affirme-t-il. Toutefois, pour certains matériaux comme le gypse et le papier toiture, les marchés restent à développer." Incidemment, les problèmes du secteur forestier créent une nouvelle avenue pour le recyclage du bois. C'est le cas de l'industrie du sciage, la source traditionnelle de copeaux de bois. Les fabricants de panneaux particules doivent se tourner vers ce que Mario Laquerre appelle le "bois urbain", qui provient du secteur CRD.

Veolia songe éventuellement à implanter d'autres usines de tri de ce genre au Québec. "Tout est lié au coût de l'enfouissement", dit Gaétan Blouin. Plus ce coût est élevé, plus il devient rentable de trier et de récupérer. "Je crois que le marché de la récupération et du recyclage en général connaîtra une forte croissance au cours des prochaines années parce que de plus en plus d'entreprises se soucient de leur dossier environnemental et nous demandent de recycler plutôt que d'enfouir." Toutefois, les entreprises ne veulent pas payer plus cher. Il faut donc que les entreprises de recyclage trouvent des débouchés pour rentabiliser le tout. Son patron, Michel Gouvernec, est optimiste. "L'enfouissement ne constitue pas l'avenir de notre industrie ; la réutilisation des déchets, retransformés en matières premières, se fera de plus en plus importante", conclut le grand patron de Veolia en Amérique du Nord.

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