L'AMF, collaboratrice du fisc ?

Publié le 08/09/2008 à 00:00

L'AMF, collaboratrice du fisc ?

Publié le 08/09/2008 à 00:00

Certains des clients québécois qui détenaient un compte chez Dominion Investments au-raient eu maille à partir avec l'Agence du revenu du Canada dans les jours qui ont suivi leur collaboration à l'enquête de l'Autorité des marchés financiers.

Dominion Investments est ce cabinet de services financiers établi aux Bahamas et dont le dirigeant, Martin Tremblay, purge une peine de quatre ans de prison aux États-Unis après avoir admis sa culpabilité dans le blanchiment de 20 000 $ et des transactions douteuses totalisant 200 000 $.

Plus d'une vingtaine d'investisseurs québécois détenaient des comptes chez Dominion Investments, dont tous les actifs étaient gelés par l'Autorité des marchés financiers (AMF) depuis janvier 2006. L'Autorité cherchait à savoir si des actions illégales avaient été commises dans ces comptes, sans succès. L'enquête s'est terminée au printemps dernier par un coup d'épée dans l'eau (voir Finance et Investissement, juin 2008).

Des comptes appartenant aux clients et à Martin Tremblay lui-même, détenus chez Avantages Services financiers, BMO Nesbitt Burns, MRF Consulting, Jones, Gable & Cie, Banque Royale et Research Capital, ont fait l'objet d'ordonnances de blocage. Certains ont été saisis par l'AMF et la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, notamment ceux détenus chez Avantages et Research Capital.

Or, selon ce que Finance et Investissement a appris, plusieurs des dossiers saisis par l'AMF se seraient retrouvés entre les mains des enquêteurs de l'Agence du revenu du Canada (ARC). " Il y a des faits et des corrélations troublants entre des informations recueillies par l'AMF et des appels placés les jours suivants par l'Agence du revenu ", auprès de certains clients de Dominion Investments, soutient Me Claude Dallaire, avocate de certains clients détenteurs de comptes chez Dominion Investments. L'AMF aurait donc transmis des informations au fisc ? " On ne peut que le présumer ", dit Me Dallaire, qui précise qu'aucun de ses clients dans ce dossier n'a mentionné quoi que ce soit à ce sujet.

Sauf que d'autres comptables ou avocats proches du dossier soutiennent que l'AMF aurait bel et bien transmis des dossiers saisis à l'ARC. Ainsi, au moins quatre de ces professionnels affirment que les enquêteurs de l'ARC ont confirmé que les dossiers dont ils disposaient provenaient de l'Autorité des marchés financiers. " Quelques jours après avoir collaboré à l'enquête de l'AMF, au moins un de mes clients a été convoqué par l'ARC, qui avait en main toutes les informations saisies chez Avantages ", rapporte un avocat sous le sceau de la confidentialité.

Sollicité par des investisseurs en négociation avec l'ARC relativement à leurs placements avec Dominion aux Bahamas, il pré-fère garder l'anonymat pour respecter la confidentialité de ses clients. " Aucun d'entre eux n'a envie de voir son nom associé à Martin Tremblay ", dit-il.

Il ne fait aucun doute dans l'esprit de plusieurs que l'information qui s'est retrouvée chez Revenu Canada provenait du gendarme des marchés financiers. Il reste à savoir si c'est volontairement que l'AMF a remis l'information à l'ARC, ou si elle obtempérait à une demande péremptoire. " Mais si cela avait été le cas, l'ARC serait allée directement au cabinet où les dossiers ont été saisis, pas à l'AMF ", affirme un fiscaliste proche du dossier. Tant à l'AMF qu'à Revenu Canada, on invoque la confidentialité du dossier, qui serait toujours sous enquête, pour réserver ses commentaires.

Il faut déclarer tout placement fait à l'étranger qui est supérieur à 100 000 $. Parce qu'aucune entente fiscale n'existe entre le Canada et les Bahamas, tous les revenus gé-nérés à Nassau, avec Dominion, auraient dû être déclarés. " Mais l'erreur que font souvent les gens, c'est de penser que ce n'est que lorsque l'argent est rapatrié qu'il faut le faire ", poursuit l'avocat.

Le hic, c'est que les clients convoqués par l'ARC perdent ainsi le privilège de faire une déclaration volontaire et s'exposent à des pénalités. Pour qu'une déclaration soit tenue pour volontaire, il ne faut pas que l'ARC soit informée de la situation avant que le contribuable n'ait fait cette déclaration. Alors que dans le cas présent, elle aurait été informée par un tiers que des placements à l'étranger existaient.

D'emblée, ces clients sont perçus comme ayant voulu faire de l'évasion fiscale, alors que la plupart d'entre eux n'avaient tout simplement rien à se reprocher. Ils payaient leurs impôts, ils voulaient bénéficier des rendements offerts par Dominion Investments et ce, en toute légalité. D'ailleurs, " rien, dans la preuve de l'AMF, ne montrait des malversations dans les comptes chez Avantages et Research Capital ", explique Me Geneviève Cloutier, la procureure du liquidateur de Dominion Investments, Clifford Culmer.

" Il reste que lorsque nous avons décidé de collaborer de plein gré à l'enquête de l'AMF, nous pensions comprendre que tout ce que nous dirions ne serait utilisé que par l'AMF ", commente un autre des avocats proche du dossier. D'ailleurs, la Charte canadienne des droits et libertés ga-rantit qu'une personne n'a pas à s'incriminer lorsqu'elle collabore volontairement à une enquête. " Sauf que là, je n'ai d'autre choix que de refuser que mes clients collaborent avec l'AMF, qui devra alors leur signifier une citation à comparaître ", poursuit l'avocat.

Remettre des dossiers au mi-nistère du Revenu n'est pas une pratique courante, mais la Loi sur les valeurs mobilières permet les échanges dans des cas bien précis. L'article 297.1 établit en effet que l'AMF peut communiquer avec le ministère du Revenu " lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire que cette personne a commis ou est sur le point de commettre une infraction à la présente Loi qui peut avoir une incidence sur l'application ou l'exécution d'une loi fiscale ". Mais voilà, " dans nos dossiers, les con-ditions ne s'appliquaient pas ", affirme Me Dallaire.

Et jusqu'ici, toutes les personnes proches du dossier affirment que rien ne permet de croire que l'ARC entamerait des poursuites contre les clients québécois de Dominion Investments. Et comme les clients ne veulent pas être associés à une histoire de blanchiment d'argent, ils ne font pas trop de vagues. " S'il s'avère que l'AMF a agi illégalement en faisant suivre les dossiers à l'ARC, personne ne le leur reprochera ", conclut une des sources consultées pour cet article. Michel Marcoux, président d'Avantages Services financiers, a refusé de commenter.

À la une

Compétitivité: Biden pourrait aider nos entreprises

ANALYSE. S'il est réélu, Biden veut porter le taux d'impôt des sociétés de 21 à 28%, alors qu'il est de 15% au Canada.

Et si les Américains changeaient d’avis?

26/04/2024 | John Plassard

EXPERT INVITÉ. Environ 4 électeurs sur 10 âgés de 18 à 34 ans déclarent qu’ils pourraient changer leur vote.

L’inflation rebondit en mars aux États-Unis

Mis à jour le 26/04/2024 | AFP

L’inflation est repartie à la hausse en mars aux États-Unis, à 2,7% sur un an contre 2,5% en février.