Caisse de dépôt : débandade en cinq temps

Publié le 24/02/2009 à 00:00

Caisse de dépôt : débandade en cinq temps

Publié le 24/02/2009 à 00:00

Sans rien enlever aux mérites de Fernand Perreault, qui assurera l'intérim jusqu'à l'été, c'est l'un des constats qui s'impose après la démission de Richard Guay du poste de président, le 5 janvier. Mais dans les faits, le bateau se fait ballotter depuis plus d'un an. La Caisse de dépôt, quasi imperturbable sous le règne d'Henri-Paul Rousseau, ne nous avait pas habitués à autant de tangage. C'est pourquoi sa gestion a constitué un improbable enjeu électoral, l'automne dernier, et qu'elle continue à nourrir les suspicions.

Il y a quelques d'années, j'avais entendu M. Rousseau signaler que le bouleversement démographique mettait beaucoup de pression sur les gestionnaires des caisses de retraite, forcés de s'aventurer dans des chemins inconnus, et plus risqués, pour accroître le rendement. De moins en moins de cotisants, de plus en plus de prestations à verser : c'est la quadrature du cercle. On n'entrevoyait pas encore, à l'époque, à quel point les risques étaient élevés.

Au cours des cinq dernières années, la Caisse avait tenu le fort en maintenant un remarquable rendement moyen de 12 %. Mais les événements vont se précipiter avec la crise financière aux États-Unis. Ce n'est encore qu'un préambule à une longue descente aux enfers.

Acte 1 - automne 2007 : On découvre qu'une partie des placements de la Caisse repose sur du vent, et le terme " papier commercial adossé à des actifs " entre brutalement dans le lexique financier courant. Henri-Paul Rousseau se fait rassurant, expliquant que la plus grande partie de ces titres sont solidement " adossés ". En commission parlementaire, à Québec, il martèle le même discours : sur les 13,2 milliards de dollars en jeu, seulement 1 milliard est vulnérable, et encore. Nous sommes un peu secoués, mais toujours confiants.

Acte 2 - mai 2008 : De façon inattendue, M. Rousseau annonce qu'il quitte la Caisse pour se joindre à la Financière Power. Tous se demandent pourquoi, et s'interrogent en même temps sur l'identité de son successeur, sans même imaginer que la tempête économique est à la veille d'éclater. Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale, ne vient-il pas de nous expliquer, le même jour - le 30 mai - que l'intensification de l'activité économique est en train de relancer l'inflation ?

Acte 3 - été 2008 : Le système financier international montre des signes de faiblesse inquiétants. La Caisse ne peut pas rester longtemps sans président, et on désigne Richard Guay, le numéro deux sous Henri-Paul Rousseau. C'est manifestement un candidat de compromis entre les désirs du gouvernement libéral et ceux du conseil d'administration de la Caisse. Mais ses états de service sont solides et il connaît bien l'institution. Sauf qu'il va entrer en poste au pire moment.

Acte 4 - automne 2008 : On se rappellera longtemps du grand tsunami financier qui va faire dégringoler les Bourses partout dans le monde. De vénérables institutions - Lehman Brothers, etc. - sont emportées. D'autres survivent de peine et de misère. Dans l'affolement, les gestionnaires travaillent jour et nuit pour limiter les dégâts.

C'est le cas de Richard Guay. Il ne peut résister longtemps : le 12 novembre, à peine deux mois après son arrivée en poste, on lui accorde un congé temporaire pour épuisement. Curieusement, la nouvelle n'est rendue publique que plusieurs jours plus tard. Les critiques, jadis retenues, commencent à s'abattre sur la Caisse de dépôt. Elles se font plus incisives alors que le Québec entre en campagne électorale. La gestion de la Caisse et ses pertes appréhendées deviennent un enjeu. Du jamais vu depuis sa création, voilà plus de 40 ans. Elle se défend, mais mollement.

Acte 5 - hiver 2009 : Nous sommes en plein dans la tourmente. On se doutait que Richard Guay ne pouvait plus s'imposer à la barre, et sa démission est confirmée. L'intérim de Fernand Perreault durera encore au moins six mois. C'est stupéfiant : tout indique que les résultats de la Caisse - que M. Perreault devra défendre - seront mauvais et que des correctifs vont s'imposer. Mais sans mandat formel, il n'a pas la légitimité requise pour brasser la cage. Pourtant, il y a six mois, on avait étudié plus d'une centaine de candidatures avant de choisir M. Guay. A-t-on jeté tous les CV ? Faut-il tout reprendre à zéro, pendant que vocifèrent les détracteurs de la Caisse ? Pendant que le gouvernement agite probablement sa grosse patte pour imposer son choix ? La Caisse, qui joue un rôle capital dans l'économie du Québec, risque d'être précipitée dans un cirque. Elle mérite mieux.

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