Hugo Joncas
CHIBOUGAMAU - Chantiers Chibougamau a inauguré le 28 novembre une nouvelle aile de son usine. Une opération ambitieuse: le marché des panneaux entrecroisés, le produit fabriqué dans cette extension, est inexistant en Amérique du Nord. Le Fonds de solidarité FTQ a néanmoins payé la moitié de l'investissement de dix millions de dollars, sous forme de prêt non garanti. L'investissement crée une trentaine d'emplois dans une usine qui en compte déjà 600.
«C'est un pari d'autant plus risqué qu'on sait qu'aucune formation ne se donne en génie des structures en bois en Amérique du Nord», a admis Michel Fillion, vice-président directeur des Chantiers Chibougamau, lors de la présentation des nouvelles machines. L'entreprise devra donc batailler ferme pour imposer son produit dans l'architecture québécoise. En entrevue avec LesAffaires.com, il a cependant vanté les vertus du nouveau produit, un énorme panneau de 9 pieds sur 65 pieds fait de petits madriers nordiques joints et collés les uns aux autres. «Aves les bâtiments LEED, la réduction de l'empreinte carbone, je pense qu'il va y avoir une tendance à utiliser ce genre de produits», dit Michel, le fils du fondateur des Chantiers, Lucien Fillion.
En Europe, les panneaux entrecroisés sont utilisés dans les murs porteurs et les planchers des immeubles multi-étagés. Dans le centre-ville de Londres, une tour de neuf étages a été construite avec ces matériaux. Mais en Amérique du Nord, le marché en est à ses premiers balbutiements.
Pour montrer l'exemple, Nordic, la filiale de commercialisation du bois d'ingénierie des Chantiers, construit le premier immeuble de copropriété de Chibougamau avec ce produit. Il comptera 24 unités. «On est en train de faire un immeuble de trois étages de résidences pour personnes âgées à Desbiens, au Lac-Saint-Jean», ajoute David Croteau, vice-président principal, Ingénierie et Exploitation, chez Nordic. Une aréna à La Baie, au Saguenay, un collège à Saint-Lambert... Les Chantiers se servent de ces projets comme vitrines. Pour l'instant, les nouvelles installations de fabrication de panneaux ne fonctionnent qu'à 10% de leur capacité. «Nous prévoyons atteindre la pleine capacité de production «d'ici quatre, cinq ans», dit Michel Fillion.
À terme, les nouvelles installations pourront produire pas moins de 80 000 mètres cubes de ce produit, soit autant que toutes les installations européennes! Outre-Atlantique, l'autrichienne KLH et le finlandais Stora Enso dominent le marché.
Champions de la valeur ajoutée
Présent à l'inauguration de la nouvelle aile, le nouveau ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Clément Gignac, a vanté les nombreuses innovations dont a fait preuve Chantiers Chibougamau tout au long de ses 50 ans d'existence. « Ici, il y a trois fois plus de valeur ajoutée par volume que dans des usines plus traditionnelles», dit-il. Selon lui, ce genre d'installations, qui misent sur la transformation du bois pour produire de la valeur ajoutée, sortiront gagnantes du nouveau régime forestier, où le Ministère mettra jusqu'au quart du volume récolté en terres publiques aux enchères. «Devinez qui aura les moyens de payer le meilleur prix pour le bois?»
Le Fonds de solidarité FTQ reconnaît aussi les qualités d'innovation de Chantiers Chibougamau. L'institution financière a accordé cinq millions à l'entreprise pour l'aider à réaliser son projet. Le prêt «assez accommodant» est remboursable en fonction du rendement de l'entreprise, explique Gaétan Morin, vice-président aux développement corporatif et aux investissements du Fonds, rencontré à Chibougamau. Il convient que le financement est risqué, mais réitère sa confiance en l'entreprise. «Chantiers Chibougamau est en affaire depuis 50 ans, dit-il. Et le nouveau produit, le panneau entrecroisé, a quand même un historique européen. Il permet d'économiser beaucoup de temps sur les chantiers.»
