De "service public" à "danger public"

Publié le 16/12/2009 à 11:36

De "service public" à "danger public"

Publié le 16/12/2009 à 11:36

Par Jean-Paul Gagné

Blogue. Une banque devrait être un service public : recueillir de l’épargne et prêter cet argent aux consommateurs, aux entreprises et aux gouvernements qui en ont besoin. C’est ce que l’on appelle l’intermédiation financière. C’est aussi la mission qu’avait donnée Alphonse Desjardins à la première caisse populaire, fondée à Lévis en 1900.

L’activité bancaire est essentielle à l’économie. Et comme une banque gère l’argent des autres et que les risques associés à ce métier sont multiples, l’État surveille cette activité par l’émission d’un permis d’exploitation et une réglementation adéquate pour protéger les épargnes de la population et éviter la prise de risques indus.

Voilà pour les principes.

En pratique, il en va bien autrement.

Culte du chacun-pour-soi

Les banquiers des grandes capitales financières se considèrent aujourd’hui au sommet de la pyramide du monde corporatif. Et comme New York est la capitale financière de la planète, c’est dans les banques new-yorkaises que l’on retrouve les abus les plus importants dans la rémunération des dirigeants. Chaque fois que les barons de Wall Street montent la barre, toutes les autres industries et tous les pays suivent.

Si on veut enrayer ces abus, il est clair que c’est à Wall Street que le mouvement du balancier doit être renversé.

Mais les banquiers ne se laisseront pas faire. Ils se croient dans une classe à part. Le chef de la direction de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, n’a-t-il pas déclaré récemment « faire l’œuvre de Dieu » ?

Alors que les banques américaines ont reçu des milliers de milliards de dollars de financement de toutes sortes (prêts du gouvernement et de la Réserve fédérale, achat d’actions, garanties, achat d’actifs toxiques et autres par le gouvernement et la Réserve fédérale, etc.), celles-ci s’empressent de rembourser le gouvernement et de racheter le capital émis en faveur du gouvernement pour échapper aux limites imposées sur la rémunération de leurs dirigeants. Une fois ces remboursements faits, ceux-ci pourront se payer des milliards de bonis, comme dans les bonnes années. Pourtant, les banques étaient en faillite technique pas plus tard que l’an passé.

Qui plus est, les banques pourront uitiliser les énormes pertes qu'elles ont subies par leur turpitude pour réduire les impôts à payer dans les années futures. Ce sera fait aux dépens des contribuables, encore une fois. Les banquiers continueront de s'en mettent plein les poches aux dépens du reste de la société. 

Goldman Sachs a eu une petite gêne. Les bonis de cette année seront payés en actions, que les bénéficiaires devront garder cinq ans.

Sans-gène odieux

Les profits que les banques américaines ont affichés pour justifier les bonis de leurs dirigeants ont été réalisés avec les milliers de milliards de dollars reçus en aide du gouvernement et de la Réserve fédérale (à un taux de 0,25 %). Or, une faible partie de ces fonds a servi à financer des entreprises et des consommateurs, l’essentiel ayant été utilisé pour investir dans les marchés financiers. Elles ont fait fi de la demande de Washington de prêter aux entreprises et aux consommateurs. Barack Obama vient de leur dire qu’ils devaient faire leur part pour la nation, après ce que cette dernière a fait pour elles.

Il est connu que les banques, qui ont intégré toutes les activités financières depuis l’abrogation de la loi Glass-Steagall en 1999, font de plus en plus d’activités financières pour elles-mêmes, au lieu de se consacrer à l’intermédiation financière. Elles se nourrissent elles-mêmes avant de servir ceux pour qui elles ont été créées.

Too big to fail

Alors que le gouvernement américain a sauvé les banques et AIG (le plus gros assureur au monde) parce qu’elles étaient « trop grosses pour faire faillite », un débat est engagé sur la taille des banques américaines.

Après Paul Volcker, ex-président de la Réserve fédérale, et Joseph Stiglitz, prix Nobel, qui demandent un retour de la loi Glass-Steagall, cinq représentants démocrates viennent de se prononcer pour un démembrement des plus grandes banques.

La Chambre des représentants a aussi voté une loi pour obliger les banques à accroître leur capital propre et permettre au gouvernement de les saisir et de les démanteler si elles deviennent trop à risque. Elles devraient aussi contribuer à un fonds de 150 milliards de dollars pour couvrir les coûts d’une faillite.

Mais pour que de telles mesures soient mises en place, il faudra que le Sénat les vote aussi et que le président signe cette loi. On croit que le Sénat arrivera avec d’autres mesures en janvier.

Quant au démembrement des banques, il ne faut pas y croire. Le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, est contre le rappel de la loi Glass-Steagall et Larry Summers, qui conseille aujourd’hui Barack Obama, était secrétaire au trésor sous Bill Clinton lorsque ce dernier a signé l’abrogation de cette loi (celle-ci avait été votée en 1933 à la demande du président Franklin D. Roosevelt).

Toujours plus grosses

Pourtant les banques sont devenues encore plus grosses qu’avant la crise. Bank of America a acheté Merrill Lynch, JPMorgan Chase a intégré Bear Stearns et Wells Fargo a acquis Wachovia. Celles-ci et Citigroup contrôlent maintenant plus de la moitié des prêts hypothécaires, les deux tiers des cartes de crédit et les deux cinquièmes des dépôts.

Qui plus est, les quatre géants ont réduit de 15 % ou de 100 milliards de dollars leurs prêts commerciaux et industriels au cours des six derniers mois selon des données du Secrétariat au trésor. Les prêts aux PME ont été réduits de 7 milliards ou de 4 % au cours de la même période.

Avec une telle importance dans l'économie, l’État ne pourra permettre à aucune d’elles de tomber.

Watch out quand surviendra la prochaine crise.

 

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