Ukraine: la bataille pour Severodonetsk continue, pas d'issue en vue sur les céréales

Publié le 08/06/2022 à 08:03, mis à jour le 08/06/2022 à 11:04

Ukraine: la bataille pour Severodonetsk continue, pas d'issue en vue sur les céréales

Publié le 08/06/2022 à 08:03, mis à jour le 08/06/2022 à 11:04

Les forces ukrainiennes devront peut-être quitter Severodonetsk pour des positions mieux fortifiées, a déclaré mercredi le gouverneur régional Serguiï Gaïdaï. (Photo: Getty Images)

Ce texte regroupe tous les derniers développements à propos de l'invasion de la Russie en Ukraine pour la journée du 08 juin. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c'est ici. NDLR. Certains contenus sont explicites et peuvent être difficiles à lire. 

10h38 | Lyssytchansk — Des combats intenses se poursuivaient mercredi dans la ville stratégique de Severodonetsk, le gouverneur de cette région du Donbass évoquant un retrait possible des forces de Kyiv, tandis que les chefs des diplomaties russe et turque ont discuté à Ankara du déblocage des exportations des céréales ukrainiennes, sans rien annoncer de concret.

«Il faudra peut-être se retirer» de Severodonetsk, a indiqué mercredi Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la région de Lougansk, sur la chaîne ukrainienne 1 +1. Mardi soir, il avait déjà indiqué que tenir cette ville tenait de la «mission impossible», même si le ministère ukrainien de la Défense affirmait encore mercredi que les forces ukrainiennes «résistent aux attaques» russes.

Depuis la chute le 20 mai du port de Marioupol, sur la mer d'Azov, les Russes concentrent leur offensive sur cette ville de Severodonetsk, à la limite occidentale de la région de Lougansk, une des deux régions du Donbass avec celle de Donetsk. 

Ils visent à prendre le contrôle total de ce bassin minier de l'est de l'Ukraine, déjà partiellement contrôlé par des séparatistes prorusses depuis 2014.

Les forces de Moscou n'ont progressé que lentement jusqu'ici, faisant dire aux analystes occidentaux que l'invasion russe lancée le 24 février a tourné à la guerre d'usure, avec des avancées limitées obtenues au prix de destructions massives et de lourdes pertes.

Si beaucoup de civils ont évacué Severodonetsk et la ville voisine de Lyssytchansk, plusieurs milliers sont restés — des personnes âgées, les gens qui s'occupent d'elles ou ceux qui n'ont pas les moyens de partir ailleurs. 

«Tous les jours, il y a des bombardements, tous les jours quelque chose brûle», dit Iouri Krassnikov, assis sur un banc, dans un quartier de Lyssytchansk aux nombreux immeubles endommagés et pavillons calcinés, alors que l'artillerie gronde non loin de là. «Il n'y a personne pour m'aider (…) J'ai essayé d'aller voir les autorités municipales, mais il n'y a personne, tout le monde a déguerpi. Ils ont abandonné la population! (…) Où vais-je aller à 70 ans?», lance ce retraité.

 

«Défense héroïque»

Dans un rare breffage télévisé mardi, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a affirmé que les forces russes avaient «totalement libéré» les zones résidentielles de Severodonetsk — ville connue pour sa grande usine chimique Azot — et contrôlaient désormais «97%» du territoire de cette région de Lougansk. 

Severodonetsk et Lyssytchansk, séparées par la rivière Donetsk, constituent la dernière agglomération encore sous contrôle ukrainien de la région de Lougansk. Leur prise faciliterait une percée russe vers Kramatorsk, grande ville de la région de Donetsk.

Si le président ukrainien Volodymyr Zelensky a assuré mardi soir que ses hommes poursuivaient «la défense absolument héroïque du Donbass», les Ukrainiens répètent avoir urgemment besoin d'armes plus puissantes pour arrêter l'armée russe.

La livraison de systèmes de lance-roquettes multiples, d'une portée de quelque 80 km, soit légèrement supérieure aux systèmes russes, a été annoncée par Washington et Londres, mais on ignore quand les Ukrainiens pourront commencer à les utiliser.

«Nous sommes reconnaissants» pour ces annonces, mais «les quantités annoncées sont très faibles, nous avons besoin de beaucoup plus», a martelé mercredi le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba.

Les Ukrainiens se sont jusqu'ici contentés d'armes occidentales de moindre portée comme les 22 obusiers M-109, de conception américaine et d'une portée de quelque 20 km, que la Norvège a annoncé mercredi avoir envoyés en Ukraine.

L'autre grande bataille se joue sur le front agricole. Le blocage des ports ukrainiens par la flotte russe de la mer Noire — à commencer par celui d'Odessa, principal port du pays —, paralyse ses exportations de céréales, notamment de blé, dont elle était avant la guerre en passe de devenir le troisième exportateur mondial. 

Les pays africains et moyen-orientaux sont les premiers touchés, et craignent de graves crises alimentaires.

 

Discussions russo-turques pour débloquer les céréales

Quelque 20 à 25 millions de tonnes sont actuellement bloquées, des quantités qui pourraient tripler d'«ici à l'automne» pour atteindre 75 millions de tonnes, a averti lundi le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Alors que Moscou accuse les Occidentaux d'être à l'origine de cette pénurie en raison de leurs sanctions, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rencontré mercredi son homologue turc Mevlüt Cavusoglu à Ankara pour discuter de «corridors maritimes sécurisés» qui permettraient de reprendre les transports de céréales en mer Noire.

À la demande de l'ONU, la Turquie a proposé son aide pour escorter les convois maritimes depuis les ports ukrainiens, malgré la présence de mines dont certaines ont été détectées jusqu'à proximité des côtes turques.

Lors d'une conférence de presse après leurs discussions, M. Lavrov a assuré que la Russie était «prête à garantir la sécurité des navires qui quittent les ports ukrainiens (…) en coopération avec nos collègues turcs».

M. Cavusoglu a estimé de son côté «légitime» la demande de la Russie de lever les sanctions qui frappent indirectement ses exportations agricoles, pour faciliter les exportations ukrainiennes.

Il a cité spécifiquement les exportations «de céréales et d'engrais» russes, qui ne sont pas directement visées par les sanctions occidentales, mais sont de fait empêchées par la suspension des échanges bancaires et financiers.

Les deux hommes n'ont cependant annoncé aucun mécanisme concret pour exporter les céréales aujourd'hui bloquées.

Et le ministre ukrainien Dmytro Kouleba a balayé leurs déclarations. 

 

Échange de corps

La pénurie de céréales est provoquée par «l'agression russe» en Ukraine et non par les sanctions contre Moscou, a-t-il déclaré. Il a souligné que les discussions russo-turques, auxquelles l'Ukraine n'était pas conviée, avaient un «agenda plus large» que la question des transports de céréales.

Pour lui, la discussion doit se dérouler à l'ONU, et les autres efforts pour résoudre ce problème ne sont bienvenus «qu'à condition qu'ils tiennent compte des intérêts de sécurité de l'Ukraine».

Kyiv, soutenu par Washington, accuse Moscou de lui «voler» des céréales. Et les deux belligérants s'accusent mutuellement de détruire des stocks de céréales.

Mardi soir, le ministère russe de la Défense a notamment affirmé que les forces ukrainiennes avaient «incendié à dessein un important dépôt de céréales», contenant quelque 50 000 tonnes de céréales, dans le port de Marioupol, aux mains des Russes.

La guerre a poussé quelque 6,5 millions d'Ukrainiens à fuir leur pays et fait des milliers de morts: au moins 4 200 civils, selon le dernier bilan de l'ONU, qui estime les chiffres réels «considérablement plus élevés», et des milliers de militaires, même si belligérants communiquent rarement sur leurs pertes.

Pour la deuxième fois en une semaine, Russes et Ukrainiens ont échangé des corps mercredi, 50 de chaque côté, selon le ministère ukrainien responsable des territoires occupés. Le 2 juin, 160 corps avaient déjà été échangés.

Parmi les corps récupérés côté ukrainien, «37 sont des héros d'Azovstal», a précisé ce ministère.

Les derniers défenseurs ukrainiens du port de Marioupol, qui étaient retranchés dans l'immense aciérie Azovstal, se sont rendus aux forces russes le 20 mai, après trois mois d'intenses combats. Près de 2 500 combattants sont désormais détenus par les Russes, qui entendent les juger comme des criminels de guerre.

 

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