Atténuer le risque géopolitique de ses placements


Édition de Décembre 2023

Atténuer le risque géopolitique de ses placements


Édition de Décembre 2023

Avec les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, on peut avoir l’impression que le monde est devenu plus guerrier ces dernières années. (Photo: Getty Images)

Guerre Israël-Hamas, guerre en Ukraine, réélection possible de Donald Trump en 2024… les tensions internationales jouent les trouble-fête quand vient le temps d’investir. Peut-on protéger son portefeuille du risque géopolitique? 

Les turbulences boursières provoquées par des chocs géopolitiques sont souvent de courte durée. « À l’exception des pays émergents, plus instables et où les institutions sont moins solides, ce risque était jusqu’à récemment assez temporaire », affirme François Bourdon, associé directeur à Nordis Capital, une société de placement qui se spécialise en finance durable.

Avec les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, on peut avoir l’impression que le monde est devenu plus guerrier ces dernières années. « On semble avoir oublié les effets destructeurs de la Deuxième Guerre mondiale », ajoute l’expert. Le climat économique change également. Il y a un désintérêt pour la mondialisation qui est peut-être lié aux inégalités sociales que cela a pu engendrer. Selon lui, le vieillissement de la population et la pénurie de main-d’œuvre changent aussi la donne. 

Autre constat: l’important déficit budgétaire des États-Unis ne leur permet plus de jouer les « shérifs » comme dans le passé. « Quelques mois après le retrait des troupes américaines de l’Afghanistan en 2021, la Russie envahissait l’Ukraine », rappelle François Bourdon. 

« La guerre, qu’elle soit économique, froide ou ouverte, est le dénouement prévisible d’un risque géopolitique croissant », ajoute Pierre-Philippe Ste-Marie, chercheur invité à Bodhi Research Group, une entreprise de consultation indépendante de Toronto spécialisée en sélection de gestionnaires en investissements alternatifs.

Aujourd’hui, le risque géopolitique se retrouve beaucoup plus dans le collimateur des gestionnaires d’actifs. Souvent surestimé dans le passé, ce risque est sans doute sous-évalué de nos jours, croit François Bourdon.

« Si le risque géopolitique est réel, la probabilité d’occurrence de ces scénarios très négatifs demeure faible. Il est aussi plus difficile à quantifier, croit Marc-André Lewis, chef des placements à Gestion mondiale d’actifs CI. Il y a également un danger de réaction excessive des investisseurs après coup alors que les valorisations boursières reflètent déjà ces événements. » 

Dans de telles conditions, comment peut-on mitiger le risque géopolitique de son portefeuille? « La plupart des grandes sociétés comme celles composant l’indice S&P 500 ont des activités partout dans le monde, notamment dans des pays à risque sur le plan géopolitique », rappelle Marc-André Lewis. 

Il est donc selon lui impossible de se soustraire complètement à ce risque. Mais on voudra s’assurer d’être rémunéré pour le risque accru en comprenant d’où proviennent les revenus des entreprises dans lesquelles on investit afin de mieux saisir les risques auxquels on s’expose d’un point de vue géographique et sectoriel. Par exemple, les entreprises de petite capitalisation seront souvent plus locales et plus affectées par les soubresauts géopolitiques. « Lors du Brexit, on a vu une énorme divergence entre le rendement du marché domestique au Royaume-Uni, beaucoup plus exposé au risque géopolitique, et celui des grandes entreprises composant l’indice FTSE 100 de la Bourse de Londres », illustre le spécialiste de CI.

 

Quelles catégories d’actifs privilégier?

« On pourrait, pour atténuer le risque géopolitique, ajouter des actifs qui vont prendre de la valeur en temps de guerre, comme des matières premières, et des entreprises dans l’industrie de l’armement ou de la défense. Investir à l’étranger devient aussi plus risqué, surtout si on cible des pays directement impliqués dans un conflit ou encore situés dans des régions limitrophes », remarque Pierre-Philippe Ste-Marie.

En temps de guerre, on suppose aussi qu’il faudra reconstruire des infrastructures, des bâtiments. « Puisque de nombreux pays ne veulent plus acheter les matières premières des Russes, l’offre a diminué. Tout cela est inflationniste et milite en faveur de cette catégorie d’actifs », confirme François Bourdon. D’un point de vue stratégique, il est donc sensé, selon lui, qu’un investisseur détienne à long terme de 5 % à 10 % de son portefeuille dans un fonds négocié en Bourse (FNB) diversifié qui contient des matières premières, dont de l’or, et des denrées alimentaires, par exemple le FNB Invesco DB Commodity Index Tracking (DBC, 24,02 $ US). « Quand les gouvernements déclarent de gros déficits et doivent imprimer des devises, le prix de l’or va souvent augmenter, notamment en période d’augmentation du nombre de conflits mondiaux. Même chose pour le pétrole quand il y a des affrontements au Proche-Orient », rappelle-t-il. 

« Acheter des obligations à rendement réel (ORR), des titres aurifères ou dans l’industrie de l’énergie peut aussi jouer un rôle protecteur », confirme Pierre-Philippe Ste-Marie. Les ORR protègent les investisseurs contre l’inflation au Canada, même chose pour leur pendant américain: les Treasury Inflation-Protected Securities (TIPS).

Il existe des FNB pour ces deux produits. Soulignons que les ORR vont payer plus qu’une obligation nominale d’un terme équivalent seulement si l’inflation réalisée jusqu’à l’échéance est supérieure aux attentes. Malgré la bonne qualité de ces titres gouvernementaux, leur longue durée peut les rendre très sensibles aux mouvements des taux d’intérêt. 

Selon Pierre-Philippe Ste-Marie, on peut en ajouter avec modération au portefeuille à des fins de diversification. De plus, on veut acheter les ORR dans un compte non taxable, comme le REER, puisque l’ajustement de l’inflation au prix nominal sera considéré comme du revenu réalisé chaque année même si ces montants ne seront versés qu’à l’échéance du titre.

« D’un point de vue tactique, les prix des ressources naturelles pourraient encore bien faire en raison, notamment, du déséquilibre entre l’offre et la demande, mais si un ralentissement économique survient et que l’inflation diminue, cela pourrait être défavorable pour cette catégorie d’actifs », nuance Marc-André Lewis.

 

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Et l’environnement?

À l’ère des investissements responsable et durable, l’idée d’acheter des titres pétroliers ou de l’industrie de l’armement peut faire sourciller. Pourtant, plusieurs ressources naturelles jouent un rôle dans la décarbonation de nos économies. Puisque la conjoncture géopolitique risque d’accentuer les pressions inflationnistes, on peut miser sur des actifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) qui performeront bien dans un tel contexte. Pensons, au passage, aux énergies propres et au stockage des batteries pour les véhicules électriques, qui nécessiteront l’extraction de plusieurs minéraux. On participe à la fois autant à la reconstruction d’économies en guerre qu’à la transition énergétique en achetant du cuivre, du nickel, du lithium ou du bois.

 

Petit lexique géopolitique

Selon le dictionnaire Larousse, la géopolitique est la science qui étudie les rapports entre la géographie des États et leur politique. Il y a un risque géopolitique lorsque ces relations internationales sont source de tensions entre les pays. La géopolitique est souvent liée à des rivalités territoriales et à des luttes de souveraineté. Les gestes peuvent être prémédités ou non et avoir des conséquences importantes sur un ou plusieurs pays.

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