Le secteur du placement doit être revu de fond en comble. Au cours de la dernière décennie, les actionnaires américains ont obtenu un rendement boursier net de -1,9 % par an, y compris les dividendes. Au Canada, uniquement grâce aux prix élevés des matières premières et à un préjugé contre le dollar américain et l'euro qui favorise l'appréciation de la devise canadienne, le gain total a été de 37 % au cours de cette décennie. Pendant ce temps, les dirigeants d'entreprise ont touché des revenus sans précédent. Auparavant, les conseils d'administration n'avaient jamais gaspillé autant d'argent en salaires, primes, actions gratuites, primes à la signature, primes de départ, protection contre les prises de contrôle et pensions. Cet écart entre les résultats et la rémunération est scandaleux et témoigne du piètre travail accompli par les administrateurs, non seulement au détriment des actionnaires, mais également de l'intérêt du pays.
La situation a été aggravée par la faiblesse de la réglementation, attribuable au lobbying immoral du monde des affaires cherchant à optimiser les profits aux dépens des investisseurs. Fortement influencé par les groupes d'intérêt, le gouvernement n'a jamais fait son travail - ni les commissions des valeurs, ni les législateurs, ni même les banques centrales indépendantes. Deux ans se sont écoulés depuis la pire récession qui ait été enregistrée depuis 1929, et peu de choses ont changé. On " étudie " encore la réglementation, les commissions des valeurs mobilières manquent encore de mordant, et les criminels à cravate sévissent toujours, souvent en toute impunité.
Entre-temps, des millions de gens ont perdu leur emploi et l'argent des contribuables est semé à tous vents pour pallier les conséquences de ce manque de responsabilité. La consommation est la religion d'aujourd'hui et il est maintenant devenu pratiquement normal de verser des salaires exorbitants pour peu de travail et peu de résultats concrets. Les financiers de Wall Street répètent les mêmes comportements. En véritables mercenaires, les hauts dirigeants s'emploient à asseoir leur propre fortune.
Combien de temps encore devons-nous tolérer ce manque d'éthique, cette absence de pudeur, cet abandon de la responsabilité fiduciaire ? Comment pouvons-nous nous débarrasser des groupes de pression égoïstes qui tentent de corrompre et d'enjôler nos législateurs ? Quand les commissions des valeurs mobilières auront-elles du personnel assez compétent pour protéger les investisseurs et les contribuables ? Ces pratiques ne disparaîtront pas par magie. Ce dont nous avons besoin de toute urgence, c'est d'une réglementation valable à long terme (pas d'une réaction épidermique) et appliquée avec rigueur, beaucoup de rigueur. Cette récession aurait pu être totalement évitée. Et il est également possible d'empêcher sa répétition à l'avenir.
Mais le gouvernement doit avoir la volonté d'agir. Dans une démocratie, les gens ont l'obligation de l'exiger.
Comment pouvons-nous nous débarrasser des groupes de pression égoïstes qui tentent de corrompre et d'enjôler nos législateurs ?
* Président du conseil, Jarislowsky Fraser
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