PME en croissance: bien choisir son partenaire financier


Édition du 06 Septembre 2023

PME en croissance: bien choisir son partenaire financier


Édition du 06 Septembre 2023

Par Emmanuel Martinez

« Les valeurs profondes de chacun doivent être alignées, sinon cela ne fonctionne pas », affirme Rachelle Séguin, cofondatrice et présidente d’Omy Laboratoires. (Photo: 123RF)

ENTREPRENEURIAT. Le financement constitue une démarche cruciale pour les PME en croissance, mais attention, choisir seulement en fonction du taux le plus avantageux peut se révéler une grave erreur.

Avant de s’endetter ou de fournir des actions à des investisseurs en retour de capitaux, les PME devraient toujours maximiser les aides publiques et leurs propres fonds.

Brian King, professeur agrégé au Département d’entrepreneuriat et d’innovation de HEC Montréal, qui est aussi un ange investisseur occasionnel, estime qu’il est judicieux d’établir un comité exploratoire. « Les meilleurs membres sont des gens qui ont mis de l’argent dans l’entreprise, dit-il. Comme disait une amie qui travaille en capital de risque, “une start-up ne devrait jamais payer pour la consultation, car il vaut mieux avoir des investisseurs qui vont pouvoir le faire”. »

Il recommande d’avoir recours à des consultants en financement ou d’embaucher un directeur financier à temps partiel si les ressources en interne n’ont pas assez d’expérience.

 

Une vision stratégique

La PME doit avoir fait un gros travail de planification stratégique avant de chercher des fonds. Cela l’aidera à mieux cerner ses besoins et le type de financement requis.

« Les fondateurs ont tendance à penser que l’argent sera facile à récolter, déplore Patrick d’Astous, associé en fiscalité chez EY. Il ne faut jamais oublier qu’une ronde de financement prend de six à neuf mois. Par conséquent, on ne doit pas commencer à solliciter des gens quand les coffres sont vides. »

Selon lui, une bonne préparation inclut une évaluation des flux de trésorerie, des coûts de production détaillés, comme ceux en marketing pour acquérir des clients, et des taxes à devoir payer à l’étranger.

Cette étape permettra d’éviter un grand piège, soit de sous-estimer ses besoins monétaires, note David Bouchard, vice-président au financement corporatif pour KPMG Canada.

« Si tu as besoin de davantage de fonds par la suite, tu nuis à ta crédibilité et tu as l’air d’avoir mal planifié tes affaires face au prêteur, juge-t-il. C’est beaucoup plus difficile d’aller en chercher plus tard et cela t’évite des clauses qui font grimper tes taux. »

Il soutient avoir déjà rencontré une entreprise qui voulait emprunter de 30 à 50 millions de dollars (M$), mais qui, après analyse, avait besoin de 145 M$. « Ce ne sont pas les mêmes véhicules financiers entre ces deux montants. La première étape est simple, mais cet exercice n’est souvent pas fait avec sérieux », ajoute-t-il.

 

Choisir le bon partenaire

L’autre piège, selon David Bouchard, c’est de trop se baser sur les taux d’intérêt lors d’un emprunt.

« Le capital bancaire est le plus séduisant, mais c’est le plus restrictif en raison des paiements mensuels à respecter et des ratios financiers qu’il faut suivre si tu ne veux pas que tes taux augmentent », précise-t-il.

Le spécialiste estime qu’il y a de nombreux acteurs alternatifs à considérer, qui proposent plus de souplesse. Il donne l’exemple du Fonds FTQ, qui peut offrir un moratoire de remboursement de deux ans et des paiements allégés par la suite. « Cela a une grande valeur même avec des taux d’intérêt plus élevés de 3 %, car il n’y a pas la pression du paiement mensuel et la PME peut investir son argent dans sa croissance. »

Une autre erreur trop fréquente, d’après David Bouchard, c’est de discuter avec les mauvais partenaires financiers. Il souligne que certaines institutions vont offrir des produits qui ne conviennent pas aux besoins de la PME. Cela vaut la peine d’aborder des prêteurs qui connaissent bien le secteur de l’entreprise.

Même chose pour la recherche d’investisseurs. Afin d’éviter une dilution trop élevée, Patrick d’Astous juge qu’un fondateur ne devrait jamais céder plus de 20 % de ses actions lors d’une ronde d’investissement.

 

Pas seulement l’argent

Quand vient le temps de s’associer à des investisseurs, les atomes crochus sont souvent aussi essentiels que les chiffres du chèque ou le montage financier.

« Les valeurs profondes de chacun doivent être alignées, sinon cela ne fonctionne pas », affirme Rachelle Séguin, cofondatrice et présidente d’Omy Laboratoires. Ce fabricant de soins pour la peau de Québec qui connaît une progression fulgurante depuis ses débuts en 2018 a récolté 11 M$ cette année lors de sa première ronde de financement.

« C’était important pour nous d’avoir des investisseurs locaux qui ont la même vision que nous, confie-t-elle. On était dans une bonne posture, car on n’avait pas besoin d’argent, puisqu’on est rentables depuis deux ans, détaille la jeune patronne. On avait le gros bout du bâton. On a dû dire non à plusieurs partenaires. On a choisi les plus stratégiques. »

C’est pour cette raison que l’entreprise a misé sur le Crédit Mutuel Capital, Fondaction, le Fonds Excelles de BDC Capital et Accelia Capital. Rachelle Séguin estime que l’expertise de ces joueurs aidera Omy Laboratoires à exploiter le marché américain, un de ses principaux objectifs.

Comme le rappelle David Bouchard, de KPMG Canada, la croissance se fait par phase. Il faut donc trouver le partenaire idéal pour chaque plateau. « C’est plate, mais il y a des entreprises avec de bonnes idées et un potentiel intéressant qui se sont retrouvées dans une situation financière difficile et il y a des requins qui attendent juste de les racheter pour pas cher… »

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