Vaccin obligatoire en entreprise: équilibre entre droits individuels et collectifs

Publié le 06/10/2021 à 19:00

Vaccin obligatoire en entreprise: équilibre entre droits individuels et collectifs

Publié le 06/10/2021 à 19:00

Par La Presse Canadienne

Les dates limites imposées par certains employeurs pour que leurs employés soient complètement vaccinés approchent. (Photo: La Presse Canadienne)

Halifax — On pourrait bientôt assister à une vague de licenciements ou de démissions, alors qu’un nombre croissant d’employeurs exigent que les travailleurs soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 — sans quoi ils risquent de perdre leur emploi.

Les gouvernements, les institutions et les entreprises élaborent depuis des mois la forme que pourrait prendre leur programme de vaccination obligatoire dans le but de freiner une indomptable pandémie, alimentée par les variants. Alors qu’approchent les dates limites imposées par certains employeurs pour que leurs employés soient complètement vaccinés, les «non-vaccinés» pourraient bientôt être mis en congé sans solde ou carrément congédiés.

«Nous avons été contactés par des milliers de personnes de partout au Canada qui font face à ces ultimatums», a déclaré en entrevue Lior Samfiru, avocat en droit du travail à Ottawa. «Nous allons assister à la plus importante vague de licenciements que nous ayons vue depuis le début de la pandémie», a-t-il estimé. Il soutient que son cabinet a été contacté par des travailleurs de divers secteurs, notamment les soins de santé, l’éducation, les banques, la construction et la restauration. «Ce sera majeur», prédit-il.

Le premier ministre Justin Trudeau a dévoilé mercredi la nouvelle politique fédérale sur la vaccination obligatoire. Les employés de base de la fonction publique fédérale, des transports aériens et des chemins de fer devront être pleinement vaccinés d’ici la fin d’octobre. Ce programme fédéral de vaccination obligatoire imite certaines directives provinciales, comme en Nouvelle-Écosse, où tous les travailleurs de l’éducation et de la santé devront être pleinement vaccinés d’ici la fin de novembre.

Et des entreprises privées ont également adopté leur programme de vaccination obligatoire, avec des échéances imminentes. Face à ces mesures, les juristes évoquent l’équilibre entre la protection des droits individuels des travailleurs et la garantie que les employeurs respectent leurs obligations en matière de santé et de sécurité en milieu de travail, pour le personnel, les clients et le public. On s’interroge aussi sur les aménagements ou les exemptions «raisonnables» qui devraient être offerts aux travailleurs. Ou si les employés non vaccinés qui sont licenciés devraient être indemnisés.

 

Pas d’exode massif

«L’employeur a l’obligation première de s’assurer que le milieu de travail est sécuritaire», souligne Ron Pizzo, avocat en droit du travail chez Pink Larkin, à Halifax. «La COVID étant une maladie aiguë pouvant entraîner la mort, le risque de préjudice est assez élevé.»

Me Pizzo a lui aussi déclaré que son cabinet recevait de nombreux appels de gens qui ne veulent pas se faire vacciner et qui veulent contester les exigences de vaccination de leur employeur. Mais compte tenu du taux de vaccination relativement élevé dans la population générale, l’avocat ne s’attend pas à des démissions massives, qui créeraient soudainement une pénurie de personnel. Un peu plus de 80% des Canadiens âgés de 12 ans et plus sont pleinement vaccinés. Me Pizzo rappelle d’ailleurs que de nombreux cabinets d’avocats ont adopté des politiques de vaccination obligatoire pour les réunions en personne au bureau.

Wayne MacKay, professeur émérite à la faculté de droit de l’Université Dalhousie, estime que les employeurs doivent trouver un juste équilibre en offrant des accommodements raisonnables. Mais il rappelle qu’un examen récent de la jurisprudence impliquant cet équilibre entre les droits individuels et des droits collectifs penche du côté de la santé publique. «En temps de pandémie, les» limites raisonnables’ aux droits individuels vont avoir une large portée», a déclaré le professeur MacKay. «La plupart des restrictions imposées jusqu’ici par les gouvernements se sont avérées raisonnables compte tenu de la menace posée par la COVID-19.»

Bien que ces causes ne traitent pas spécifiquement de la vaccination obligatoire, le même raisonnement s’appliquerait probablement, croit le professeur MacKay. Selon lui, il y a très peu de raisons légitimes de demander une exemption à la vaccination, si ce n’est pour des raisons médicales. Par contre, la vaccination obligatoire pourrait être plus difficile à exiger dans certains cas, notamment pour le télétravail, comparativement à un commis de magasin, ajoute le juriste.

Quant à savoir si les travailleurs licenciés auraient droit à une indemnisation, le professeur MacKay croit que cela dépendra de l’environnement de travail, de la validité de l’obligation vaccinale et du fait que le travailleur soit syndiqué ou non. 

Me Samfiru croit que les travailleurs licenciés qui ne reçoivent pas une indemnisation suffisante pourraient plaider le licenciement injustifié. «L’employeur impose une nouvelle règle, qui ne faisait pas partie du contrat de travail initial», a-t-il rappelé. «Ça devient un licenciement sans motif, et une indemnité de départ doit alors être versée. Il pourrait aussi y avoir une réclamation en vertu des droits de la personne.»

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