« Je gère même les insectes sur mon iPad »- Mohamed Hage, président fondateur des Fermes Lufa

 

Mohamed Hage, président fondateur des Fermes Lufa [Photo : Gilles Delisle]

Dominique Froment

Mohamed Hage, président fondateur des Fermes Lufa [Photo : Gilles Delisle]

Qui aurait cru qu'une activité aussi traditionnelle que l'agriculture pouvait devenir autant high-tech ? Mohamed Hage.


« Il y a plus de technologie dans mes serres que dans n'importe quelle société informatique, affirme le président fondateur des Fermes Lufa. Nous produisons avec deux fois moins d'énergie que les autres serres. Je gère même les insectes sur mon iPad, avec une application qu'on a développée. »


Lufa exploite une serre de 31000 pi2 sur le toit d'un immeuble du quartier de la guenille, à Montréal, la première serre commerciale sur un toit du monde.


Projets d'expansion


L'an prochain, la PME de 30 employés en ouvrira une deuxième, de 40000 pi2, à Laval. M. Hage travaille aussi à un projet semblable à Boston, pour 2013. « Dans cinq ans, j'espère avoir de six à huit serres totalisant 500000 pi2, toutes sur un toit, dans des villes du Canada et des États-Unis situées à moins de 200 km au nord et au sud de lafrontière », raconte M. Hage.


Pour revenir aux insectes, ils sont indispensables à Lufa pour produire sans pesticides, puisque les bons insectes mangent les mauvais. Il faut donc faire en sorte qu'il y ait assez de bons insectes (achetés en sachet en Hollande) pour manger les méchants, mais qu'il y ait assez de vilaines bestioles pour ne pas que les bonnes meurent de faim. La technologie de Lufa l'aide à maintenir cet équilibre précaire.


M. Hage, qui n'a pas terminé ses études en génie, est arrivé au Québec à l'âge de 12 ans. Dans son Liban natal, il a une centaine de cousins, cousines, oncles et tantes qui s'investissent beaucoup dans l'agriculture.


« Il y a une révolution agricole au Liban. Le pays est passé de la production artisanale à la production industrielle, mais le virage est difficile. On utilise beaucoup de pesticides, et la rentabilité n'est pas toujours au rendez-vous », dit l'entrepreneur de 31 ans.


Un plan bien précis


Pour trouver une solution, M. Hage a commencé il y a huit ans à faire des recherches au Québec. « Comme je me suis rendu compte que c'était aussi pire au Québec qu'au Liban, j'ai décidé de me concentrer sur le Québec. »


Le jeune homme avait un plan bien précis : éliminer le transport, vendre directement aux consommateurs, mieux maîtriser l'énergie, pratiquer une agriculture plus responsable et obtenir un niveau de rentabilité raisonnable. Il faut dire que la techno, M. Hage connaît bien. Sa famille possède la société de logiciels Cypra Media, située dans le même immeuble et pour laquelle il a travaillé.


Après avoir fait des recherches pour concevoir une serre pouvant être installée sur les toits et respectant le Code du bâtiment, et réalisé des tests à la serre de l'Université McGill, il a enfin pu lancer Les Fermes Lufa en 2010. Il en est l'actionnaire largement majoritaire, et il est sur le point d'accueillir de nouveaux investisseurs.


Le résultat est impressionnant : Lufa n'utilise pas de terres agricoles, profite de l'énergie solaire qui autrement lui coûterait 600000$ par année, utilise l'eau d'irrigation et l'eau de pluie, produit sans herbicides synthétiques et vend directement aux consommateurs. Et sa stratégie de vente est très originale, puisque Lufa ne produit que sur demande.


L'entreprise a maintenant une cinquantaine de points de vente à Montréal, payés en légumes. Les clients vont y cueillir leur panier de légumes, au même prix qu'en épicerie, mais de qualité supérieure et toujours frais du jour. Aucune transaction ne se fait aux points de vente. Lufa produit de 450 à 700 kilos de légumes par jour en été, la moitié l'hiver.


L'exploit


« On peut nourrir une personne à longueur d'année avec 15 pieds carrés. »


L'obstacle


« Notre compte de taxes à Montréal (environ 45000$) est 10 fois plus élevé qu'il le sera à Laval ; la viabilité de notre modèle dépend de la Ville de Montréal. » Série 11 de 25 Découvrez chaque semaine un des 25 gagnants du concours Créateurs d'avenir, organisé par Les Affaires en collaboration avec le Fonds de solidarité FTQ.

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