Le coût des fonds : un choc à prévoir pour certains investisseurs


Édition du 31 Octobre 2015

Le coût des fonds : un choc à prévoir pour certains investisseurs


Édition du 31 Octobre 2015

Un branle-bas majeur est en cours parmi les sociétés de fonds afin de préparer les conseillers à répondre aux questions de leurs clients concernant les frais que ces derniers leur versent.

À compter du 15 juillet 2016, les sociétés de courtage auront un an pour envoyer à leurs clients un nouveau rapport sur la rémunération et les frais. Ce rapport affichera les sommes reçues en dollars et cents l'année précédente par la société de courtage pour les services qu'elle leur rend. Jusqu'à présent, les investisseurs recevaient ces renseignements sous forme de pourcentages dans les aperçus du fonds et les états financiers.

Ce montant risque de faire sourciller plus d'un épargnant, si l'on se fie à la vaste offensive pour fournir un argumentaire aux représentants appelés à le justifier.

« Parlez à votre client avant qu'il ne reçoive le nouveau relevé de compte », peut-on lire dans une annonce d'une société de fonds. Elle propose une stratégie proactive aux représentants pour aborder la question des frais et « faire d'un problème une occasion à saisir ».

« Une couverture accrue des frais par les médias pourrait également pousser vos clients à remettre en question votre valeur », prévient cette société qui, comme bien d'autres, consacre un site Web à l'intention des courtiers pour les aider à justifier leur rémunération.

« Est-ce que vous valez 15 000 $ de l'heure ? » peut-on lire dans une des publications sur ce site, en référence à ce qu'un client de 1 M$ pense du représentant qu'il ne voit qu'une fois par année, mais dont les frais sont de 1,5 %.

Les commissions de suivi déjà bannies dans deux pays

La plus grande partie de l'argumentaire des sociétés de fonds porte sur la valeur ajoutée des conseils que les clients reçoivent. Ainsi, en citant diverses études américaines, BMO Gestion mondiale d'actifs établit à au moins 2,9 % la valeur ajoutée que les conseillers procurent à leurs clients, en fonction de quatre éléments mesurables : 1) 1,30 % pour empêcher les comportements irrationnels du client ; 2) 0,70 % pour l'optimisation des retraits des bons comptes, dans le bon ordre ; 3) 0,60 % pour la planification successorale et fiduciaire, la réduction de l'impôt et la gestion du patrimoine ; 4) 0,30 % pour le rééquilibrage régulier du portefeuille.

Pourquoi les sociétés de fonds sont-elles empressées de faire ressortir la valeur ajoutée des conseillers ? Il faut comprendre que, pour plusieurs d'entre elles, les sociétés de courtage et leurs représentants sont le réseau de distribution. Environ 85 % des actifs en fonds incluent des frais permanents payés à ces intermédiaires pour avoir vendu un fonds, selon Investor Economics1.

Cette rémunération est appelée commission de suivi ou trailer fee, en anglais. Elle est versée tant que le client détient ses parts du fonds. Le Royaume-Uni et l'Australie ont déjà banni cette commission de suivi il y a deux ans. L'avenir nous dira si elle le sera au Canada : les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) entendent communiquer des orientations sur les frais des fonds d'ici la fin du premier semestre de 2016.

À cet égard toutefois, une étude2 commandée par les ACVM, publiée le 22 octobre, risque d'influencer leur décision. Elle laisse entrevoir que les conseillers financiers sont susceptibles de se laisser entraîner vers les fonds qui les rémunèrent davantage. L'étude indique en effet que les commissions de suivi accroissent les actifs d'un fonds, quel que soit son rendement antérieur. Par exemple, une commission de suivi de 1,5 % accroît l'actif d'un fonds de 0,3 % par mois, peu importe son rendement passé. De plus, l'étude montre qu'une augmentation des commissions de suivi entraîne une diminution du rendement des fonds, et vice versa.

Le défi est de taille pour les conseillers : ils devront ni plus ni moins convaincre leurs clients que leur rémunération est assimilable à celle d'autres professionnels, comme les comptables, les fiscalistes ou les avocats, alors que leur comportement fait plutôt penser à celui d'un vendeur à commission. À moins de faire le saut vers la gestion à honoraires, comme ces professionnels.

Certains conseillers ne sont pas convaincus qu'ils y parviendront et pourraient ne pas renouveler leur permis de vente de fonds communs de placement (FCP). Ce serait le cas de représentants détenant à la fois ce permis et celui de vente de produits d'assurance et de fonds distincts. Ces derniers, même s'ils sont très similaires aux FCP, ne sont pas touchés par les nouvelles règles des ACVM, car ils sont offerts par des sociétés d'assurance.

Et les robots-conseillers ?

La divulgation des frais versés aux sociétés de courtage pourrait stimuler la popularité des « robots-conseillers », qui offrent une gestion de portefeuille en ligne à un coût moins élevé. Ils utilisent des fonds négociés en Bourse (FNB) comme outils de placement. Les robots-conseillers semblent populaires auprès de la génération Y (les personnes nées entre 1980 et 2000), habituée à tout faire en ligne.

Parmi eux, il y a WealthBar, Wealthsimple, Portfolio IQ et Nest Wealth. Par exemple, les frais de gestion de Wealthsimple varient de 0,35 % à 0,60 % et sont déductibles d'impôt. Il faut ajouter les frais des FNB mêmes, qui oscillent entre 0,18 % et 0,40 %, pour avoir une idée du coût total de ce robot-conseiller.

Rappelons qu'il est désormais possible pour les investisseurs autonomes d'acheter chez des courtiers à escompte des FCP qui réduisent les commissions de suivi versées aux intermédiaires, puisqu'ils n'obtiennent pas de conseils. On en dénombre 540 dans la base de données Advisor Workstation 2.0 de Morningstar.

1 Investor Economics, « Monitoring Trends in Mutual Fund Cost of Ownership and Expense Ratios. A Canada—U.S. Perspective. 2015 Update », L’Institut des fonds d’investissement du Canada, mai 2015, p. 4

2 Douglas Cumming, Sofia Johan et Yelin Zhang, « A Dissection of Mutual Fund Fees, Flows, and Performance », Autorités canadiennes en valeurs mobilières, octobre 2015

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