Les grandes questions à se poser avant d'acheter un titre


Édition du 11 Novembre 2017

Les grandes questions à se poser avant d'acheter un titre


Édition du 11 Novembre 2017

Par Dominique Beauchamp

Le placement et le choix des titres relèvent plus de l'art que de la science, reconnaissent souvent les financiers, car cela consiste en bout de ligne à porter un jugement. Une compétence que seuls le temps et les erreurs aiguisent. Quatre gestionnaires se sont pliés à l'exercice de déterminer les meilleures questions à se poser avant d'acheter un titre en Bourse. Voici leurs repères favoris.

QUELLE EST LA STRATÉGIE SUR TROIS À CINQ ANS ET LA CAPACITÉ D'EXÉCUTION ?

Marc Lecavalier
Vice-président et gestionnaire de portefeuille, Fiera Capital

Dans l'univers des titres à faible capitalisation, la stratégie ou le plan d'affaires sur trois à cinq ans est primordial lorsque vient le moment de décider si l'on achète ou non.

On a plus de choses à apprendre avec les PME pour être à l'aise, d'où l'importance de la haute direction.

Qu'est-ce qu'un bon dirigeant ? La réponse se vérifie au fil du temps. Le plan de croissance doit être clair au départ et l'entreprise doit aussi avoir la capacité de le réaliser.

Puisque les entrepreneurs voient grand et sont souvent amoureux de leur entreprise, il faut s'assurer que leurs ambitions sont à leur portée. C'est à nous de juger si les promesses sont réalisables. Dans le doute, on s'abstient.

Étant donné la taille des fonds de Fiera, on achète souvent de gros blocs d'actions dans les entreprises. Il est donc crucial de valider sans cesse nos hypothèses et d'avoir confiance dans la stratégie, le plan d'affaires et la capacité d'exécution.

Quand des erreurs de parcours ou des imprévus surviennent, on réévalue la situation pour voir si c'est circonstanciel ou non. Si le parcours dévie du plan de match, les dirigeants doivent fournir des explications satisfaisantes.

On vérifie aussi les faits à la source, au besoin, à la fois pour valider les explications données par les dirigeants et pour éviter de négocier sous le coup de l'émotion.

On prend le pouls de l'exécution chaque trimestre. Une situation idéale se présente lorsqu'on bâtit graduellement un placement et que le confort grandit petit à petit, à mesure que le plan d'action avance.

Dans ces cas-là, on ajoute au placement en fonction des bonnes nouvelles. On a en effet compris avec les années que nos meilleurs rendements proviennent surtout d'une poignée de titres gagnants.

À chaque rencontre avec les dirigeants, on mesure les progrès en fonction du plan de croissance. Tout y passe : les marges, les occasions et les risques, ainsi que les besoins en financement. On peut aussi faire appel à notre réseau, au besoin, pour valider tout ça.

Pour acheter, on ne se fixe pas de cible fixe, mais il nous faut imaginer qu'un titre peut doubler en cinq ans.

À l'inverse, on peut vendre lorsqu'on perçoit que les éléments catalyseurs s'estompent ou disparaissent : parfois, les marges plafonnent ou les occasions d'acquisitions se font rares ou la dette devient trop élevée ou encore l'évaluation est trop chère.

L'ENTREPRISE CRÉE-T-ELLE DE LA VALEUR ? PEUT-ELLE CONTINUER D'EN CRÉER ?

Jeff Mo
Gestionnaire de portefeuille Mawer Investment Management

La capacité d'une entreprise à créer de la valeur, et ce, de façon constante, est au coeur de l'analyse de placement, plus que la croissance ou l'évaluation.

Cela peut paraître abstrait, mais une société qui dégage un rendement sur son capital supérieur au coût pour elle d'emprunter ou d'émettre des actions est le meilleur gage de rendements boursiers supérieurs à la moyenne, à long terme.

Dans le contexte actuel, un rendement du capital (bénéfice des activités sur actif total moyen) de plus de 10 % est fort enviable.

Le rendement du capital n'est pas un ratio financier désincarné pour autant.

En fait, cette mesure est le résultat de toutes les bonnes décisions de répartition du capital des dirigeants et des avantages concurrentiels dont l'entreprise bénéficie.

Cette règle que nous nous imposons est essentielle à nos yeux puisque tant que la culture d'une entreprise repose sur la création de valeur, le temps joue en notre faveur, même si l'entreprise trébuche à court terme ou s'il s'avérait que nous l'avons acheté à un moment inopportun.

Un rendement du capital élevé n'est pas un indicateur infaillible non plus lorsque vient le temps d'acheter un titre. Il faut en effet qu'une entreprise puisse soutenir son avantage compétitif dans le temps pour que ce rendement dure.

Un avantage concurrentiel peut prendre plusieurs formes : une avance technologique, une marque de confiance ou de grande notoriété, des coûts d'exploitation inférieurs, un positionnement essentiel chez ses clients difficile à déloger, une propriété intellectuelle inattaquable, des actifs ou un réseau trop coûteux à reproduire, ou encore des produits ou des services réglementés.

La supériorité technologique des téléphones intelligents de BlackBerry (BB, 14,10 $) lui a procuré des rendements élevés, mais l'entreprise de Waterloo n'a pas su conserver cet avantage, par exemple, une fois que les appareils iPhone ont décollé.

Nous sommes plus à l'aise avec une entreprise telle que Constellation Software (CSU, 736,60 $), par exemple, dont les logiciels effectuent les tâches de gestion essentielles au bon fonctionnement des PME, dans l'ombre des géants.

S'assurer du maintien d'un avantage concurrentiel est la partie la plus difficile de notre travail. Elle exige une bonne dose de jugement parce que la perte de cet avantage se reflète parfois rapidement sur le rendement du capital investi tandis qu'à d'autres occasions, l'érosion est plus sournoise.

Il faut alors sonder les clients, les fournisseurs et les concurrents pour comprendre la dynamique.

L'ÉQUIPE DE DIRECTION SAIT-ELLE S'ADAPTER ?

Christine Décarie
Vice-présidente principale et gestionnaire de portefeuille, Groupe Investors

Il est certain qu'une entreprise bien positionnée dans un secteur solide est un excellent point de départ lorsqu'on analyse s'il faut acheter une action.

On peut prendre la mesure de ses avantages compétitifs en suivant l'évolution de ses parts de marché, par exemple.

En bout de ligne, ce sont néanmoins les dirigeants qui font la différence. Ceux qui gèrent bien finissent par livrer de bons résultats.

La culture d'excellence et de contrôle des coûts de Metro (MRU, 41,09 $), par exemple, a fait en sorte que l'épicier a pris les devants en Bourse devant ses grands rivaux Loblaw (L, 66,99 $) et Empire (EMP.A, 23,55 $), ces dernières années.

Un bon test consiste à étudier comment les dirigeants agissent lors de périodes où la conjoncture est plus exigeante.

Je préfère les dirigeants qui évitent de suivre les modes ou les pressions du moment, tout en sachant s'adapter aux changements dans leur marché.

À chaque rencontre avec eux, leur vision se révèle et on peut détecter s'ils maîtrisent bien tout ce qui se passe dans leur environnement.

Les entreprises qui bâtissent une culture de performance en profondeur peuvent durer. Il y a 15 ans, Canadien National (CNR, 102,67 $) n'avait aucun pouvoir pour imposer ses prix. Depuis, un service plus efficace a fait de ce chemin de fer un maillon essentiel de la chaîne d'approvisionnement.

LES DIRIGEANTS PENSENT-ILS EN PROPRIÉTAIRES ? L'ÉVALUATION EST-ELLE RAISONNABLE ?


Gabriel Bouchard- Phillips
Associé et analyste principal, Van Berkom et Associés

Dans notre spécialité des entreprises à petite et moyenne capitalisation, le plan d'affaires et le degré de compétition ont beaucoup d'importance dans la décision d'acheter.

Quand une entreprise a un pouvoir d'achat comme celui d'Alimentation Couche-Tard (ATD.B, 61,68 $), par exemple, son empire est plus facile à protéger.

On cherche de la croissance à bon prix, qu'elle soit interne ou par acquisitions.

On fait évidemment confiance à la feuille de route des dirigeants, tout en surveillant le parcours de l'entreprise de façon diligente.

Des dirigeants-actionnaires font aussi la différence. D'abord, ils maîtrisent tous les rouages de leur entreprise mieux que nous le pouvons de l'extérieur. Ensuite, et surtout, quand ils prennent des décisions, ils pensent en propriétaires, ce qui apporte un bon degré de confiance.

Une société performante présentera bien sûr des rendements financiers supérieurs à la moyenne, que ce soit le rendement de l'avoir des actionnaires ou celui du rendement sur le capital investi.

Ces repères financiers et une trajectoire éprouvée sont certainement plus rassurants que le potentiel incertain d'une entreprise de biotechnologie ou celui d'une jeune pousse qui n'a pas encore fait ses preuves.

Les investisseurs doivent toutefois distinguer entre une bonne entreprise et un bon placement. La distinction réside souvent dans l'évaluation.

Les investisseurs font parfois l'erreur de projeter leurs propres perceptions d'une entreprise sur son titre. Par exemple, beaucoup de monde aime le fait que Jean Coutu (PJC.A, 24,50 $) profite de la tendance lourde du vieillissement de la population, mais son titre a donné des rendements mitigés ces dernières années.

En revanche, les investisseurs projettent sur Alimentation Couche-Tard leurs peurs concernant l'avenir des stations d'essence à l'ère de l'auto électrique, alors que sa capacité d'acquisitions, ses économies d'échelle et l'offre croissante d'aliments frais dans ses dépanneurs n'a pas changé.

Son évaluation attrayante améliore donc le potentiel de placement de son titre.

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