Québec a pourtant tellement besoin de ses immigrants


Édition du 11 Février 2017

Québec a pourtant tellement besoin de ses immigrants


Édition du 11 Février 2017

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La ville de Québec ressort meurtrie de l'attentat du 29 janvier. D'abord et avant tout sur le plan humain, bien entendu. Mais aussi, je le crains, sur le plan économique.

La ville - ma ville d'origine - venait de recevoir des honneurs en série de la part de visiteurs qui apprécient son charme, ses activités et, oui, sa tranquillité... Par exemple, pas plus tard qu'en décembre, les lecteurs du quotidien USA Today l'avaient élevée au rang de meilleure destination hivernale en Amérique du Nord, devant 19 autres régions attrayantes au Colorado et ailleurs.

Toutefois, avec les images tragiques relayées en boucle depuis la fin de janvier, cette vision idyllique vient d'être sérieusement entachée. Non, Québec n'est pas, ou n'est plus, une sorte de pays de Cocagne épargné par les tourments du monde. Il s'y déroule également des drames qu'on pensait réservés aux autres.

Il y a quelques décennies, j'avais brièvement travaillé comme guide touristique dans le Vieux-Québec. Et je me rappelle encore ce couple de touristes américains manifestement incertains qui m'avaient demandé à la sortie du Château Frontenac, un mercredi d'été à 20 h : «Is it safe to go outside ?»

À Québec ? En plein été ? Alors que tout le monde est dehors ? Quand même !

Si jamais ils sont encore vivants et qu'ils suivent les nouvelles, leur opinion, comme celle de millions d'Américains, vient peut-être malheureusement de basculer, surtout dans le contexte de paranoïa que Donald Trump est en train d'instaurer. Dans la vie, tout est tellement question de perception.

Et s'il n'était question que de tourisme...

L'économie de la région de Québec est sur une belle lancée depuis plusieurs années, à tel point que cette ville affiche régulièrement le taux de chômage le plus bas de toutes les grandes agglomérations du Canada. Le secteur privé, notamment le milieu des technologies de l'information, est en pleine effervescence.

Cependant, le recrutement de nouveaux talents devient difficile et pourrait compromettre cet élan.

Prenez Coveo, un exemple parmi d'autres. Pour soutenir son expansion, cette entreprise techno installée dans l'arrondissement Sainte-Foy compte engager 150 personnes d'ici 18 mois. Où ira-t-elle les chercher ? Et elle est loin d'être la seule dans son cas.

La ville a donc besoin de renfort. Et il lui sera difficile de trouver ces ressources qualifiées ailleurs au Québec. Tout le monde en cherche, et pas seulement à Montréal. Le problème devient endémique. Et même si le secteur manufacturier traditionnel vit une période moins facile, les gens qui perdent leur emploi ne peuvent pas rebondir rapidement dans la nouvelle économie... La conversion, quand elle est possible, prend du temps.

La concurrence est rude

Alors, dans l'intervalle, on fait quoi ? On regarde ailleurs, en essayant de se montrer le plus attirant possible.

La concurrence est rude. La planète entière est engagée dans une course pour étoffer sa force de travail spécialisée. Les gens de talent sont âprement courtisés par l'ensemble des pays développés. Les immigrants économiques, c'est-à-dire bien formés, sont en forte demande.

À cet égard, Québec peut - pouvait - se prévaloir d'un argument de poids. Oui, il fait froid l'hiver, mais la vie y est bonne, les services sociaux sont adéquats, la vie culturelle est vibrante, le coût de la vie demeure raisonnable, l'économie est prospère, l'environnement est inspirant, on s'y sent en sécurité...

On s'y sentait en sécurité.

C'est le message transmis partout dans le monde depuis le 29 janvier. À tort ou à raison, Québec est désormais perçue comme une ville où la haine existe et où les nouveaux arrivants peuvent être visés par des extrémistes.

Peu importe que l'attentat ait été perpétré par un individu dont on finira par apprendre qu'il était foncièrement désaxé. Le mal est fait. Surtout que des enragés en ont profité pour déverser leur fiel dans ces fichus médias sociaux, ce qui accentue le choc, même s'ils risquent de payer pour leur égarement (et on le souhaite ardemment).

Il faudra du temps pour neutraliser le choc, pour redonner à la ville son innocence perdue, en espérant que d'autres illuminés ne repartiront pas à l'attaque. Et il faut bien comprendre : livrée à elle-même, la ville de Québec va s'étioler. Sa population vieillit, ce qui n'est pas un drame en soi, les gens sont en bien meilleure forme qu'avant, mais les aînés participent moins à la force de travail, encore moins à l'élan entrepreneurial.

À terme, Québec risque de devenir un havre de retraités, agréable, mais sans relief ni dynamisme.

Il lui faut absolument rajeunir sa population en faisant valoir tous ses avantages... et en comprenant qu'autrement, elle se condamne à un lent mais inexorable déclin.

Pour finir de vous en convaincre, voici une dernière indication préoccupante pour Québec.

Début janvier, le bureau montréalais du groupe canadien Altus, expert en immobilier, présentait ses toutes dernières données.

Pour ce qui est des résidences pour aînés, il dénombrait à Montréal quatre projets en construction, pour 953 unités. À Québec ? Six projets, pour 1 117 unités. Alors que la population de Québec est trois fois moins nombreuse.

Seule conclusion : la ville vieillit, doucement, mais sans appel.

S'ils veulent en assurer la pérennité comme centre important, ses dirigeants devront dorénavant redoubler d'efforts pour attirer des gens venus d'ailleurs. Il y a là une réputation à rebâtir. Le travail doit commencer dès aujourd'hui.

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