«Ils disent : qu'elle déteste les paresseux, qu'elle chasse les frelons oisifs, qu'elle est propre, qu'elle ne supporte pas la puanteur, qu'elle aime par-dessus tout les bonnes odeurs, mais qu'elle pique les hommes trop parfumés.
«On dit : qu'elles partent au travail ensemble, qu'elles s'endorment ensemble, après que l'une d'entre elles eut fait le tour de la ruche, signalé que tout allait bien, et donné le signe du repos. (…)
«Il se dit enfin : qu'elle a le sens du bien commun, qu'elle est disciplinée, qu'elle a le sens de l'économie, qu'elle chasse les prodigues, les paresseuses, les lâches, qu'elle est sociable, que, comme l'aigle, elle n'aime pas la solitude. (…)
«On dit également : qu'elles sont enchaînées à leur destin, qu'elles y obéissent aveuglément, qu'elles ne savent rien faire d'autre, qu'elles sont liées à la fatalité. (…)
«Le bipède se croit libre, et ne l'est pas; l'abeille se croit libre, et ne l'est pas; le plus libre des deux n'est pas qui l'on croit… (…)
«N'être pas libre n'est rien, savoir qu'on ne l'est pas est pire.
«L'homme est un animal inférieur, car il se croit supérieur.
«L'aveugle abeille porte plus de sagesse que l'homme qui voit, mais qui voit qu'il ne peut rien voir d'autre.
«L'abeille est sagesse, mais ne le sait pas : ce qui est sagesse supérieur.»
Chaque phrase semblait enlacer la statue aux abeilles éclairée de mille jeux de lumières, puis venir lentement chercher les spectateurs, de son bras souple et interminable. À petits coups d'idées, simples ou complexes. «L'abeille nous donne une leçon qu'il faut entendre, comprendre et vivre : le libre arbitre n'existe pas, un élan vital nous pousse à agir comme nous le faisons. L'abeille obéit à ce qui la fait être comme elle est, et il en va de même pour nous», a dit Michel Onfray, à la fin de la représentation.