Et si vous vous inspiriez des All Blacks...

Publié le 23/10/2019 à 06:06

Et si vous vous inspiriez des All Blacks...

Publié le 23/10/2019 à 06:06

L'art d'être toujours au-dessus de la mêlée... (Photo: James Coleman/Unsplash)

BLOGUE. Samedi, à Yokohama, au Japon, va avoir lieu un combat titanesque. C’est qu’à l’occasion de la demi-finale de la Coupe du Monde de rugby vont s’affronter ce que les experts présentent comme les deux meilleures équipes de tous les temps, l’Angleterre et la Nouvelle-Zélande. Autrement dit, une finale avant la finale, mieux, un match appelé à entrer dans l’histoire du sport.

L’une des deux équipes est malgré tout favorite, celle de la Nouvelle-Zélande, que tout le monde appelle les All Blacks en raison du fait que leur tenue est entièrement noire. Pourquoi celle-ci? Quelques chiffres permettent de l’indiquer clairement:

– Les All Blacks sont les tenants du titre, et ils entendent réaliser une performance exceptionnelle : conquérir un troisième sacre consécutif, du jamais vu.

– Les All Blacks ont joué leur premier match officiel le 15 août 1903, et l’ont remporté 22-3 contre l’Australie. Depuis, ils affichent un taux de victoires indécent de 77%. Imaginez-vous ça, une équipe qui – depuis 116 ans – gagne systématiquement 3 matchs sur 4!

– Les All Blacks ont un taux de victoire contre l’Angleterre de 80,5%.

La messe est-elle donc dite? Hum, pas sûr… Il se trouve que l’équipe d’Angleterre actuelle, pilotée par le sélectionneur Eddie Jones, n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui : en quart de finale, elle a pulvérisé l’Australie 40-16, alors que personne ne voyait cette dernière s’arrêter si tôt dans la compétition; et l’an passé, à l’occasion de la tournée des All Blacks en Europe, les Anglais ont frôlé l’exploit, en s’inclinant à Twickenham 15-16 après avoir mené 15-0 et s’être vu refuser un essai dans les dernières secondes du match.

La demi-finale va donc bel et bien être spectaculaire, c’est une évidence.

Cela étant, une interrogation saute aux yeux : comment peut-on expliquer une telle suprématie des All Blacks? Qu’est-ce qui fait que cette équipe vole de succès en succès depuis tant de décennies? A-t-elle trouvé la recette magique de la réussite?

Vous voyez maintenant où je veux en venir avec cette histoire de Coupe du Monde de rugby : et si, dans notre quotidien au travail, nous nous inspirions de ce qui fait l’incroyable succès des All Blacks…

La bonne nouvelle du jour, c’est qu’un livre a décortiqué tout ça : «Legacy : What the All Blacks can teach us about the business of life» (Constable & Robinson, 2013), du coach en leadership James Kerr. L’auteur y dévoile les caractéristiques propres à l’équipe de la Nouvelle-Zélande, des caractéristiques qui lui permettent de faire la différence à chacun de ses matchs, des caractéristiques qui lui permettent de progresser sans cesse, sans jamais être freinés par leur domination constante de la concurrence. Ces traits particuliers, je me propose de vous les résumer en quatre points:

1. Humilité

Rien de pire pour une équipe que de se croire la meilleure; et ce, même si, dans les faits, elle l’est bel et bien. Car cela amène à baisser la garde, à se reposer sur ses lauriers, à péricliter sans s’en rendre compte. D’où l’impératif pour chaque joueur de faire preuve d’humilité.

«En maori, le terme «humilité» signifie «ordinaire», «naturel», note James Kerr. Il distingue l’être humain – qui est ordinaire, sur terre – des dieux, qui, eux, sont exceptionnels, dans les cieux.»

Autrement dit, il est indécent, si ce n’est périlleux, de se prendre pour un dieu lorsqu’on est un simple être humain. Voilà pourquoi les Néo-Zélandais veillent à rester humbles : par exemple, les joueurs des All Blacks, à tour de rôle, passent eux-mêmes le balai dans les vestiaires et nettoient les douches; et ce, peu importe que l’on soit la star de l’équipe ou le nouveau venu.

«Très tôt, on nous enseigne à travailler dur, à être humble. Au pays, il y a une expression qui dit que «les bonnes personnes font de bons All Blacks». Bien sûr, le talent est important, mais si tu n’as pas la bonne attitude, si tu es irrespectueux envers l’équipe ou tes coéquipiers, on trouvera rapidement quelqu’un pour te remplacer», a raconté au quotidien Libération Colin Slade, un ancien All Blacks.

2. Évolution

Les All Blacks ont une stratégie on ne peut plus redoutable : dès lors qu’ils sont en position de force, ils changent de tactique. Dans un même match, ils ne recourent jamais deux fois au même truc pour marquer des points : s’il a fonctionné une fois, ils passent à un autre, même si celui-ci leur offre a priori moins de chances de marquer de nouveaux points.

Pourquoi? Parce que l’important n’est pas de marquer des points, mais d’évoluer sans cesse; et ce, quitte à se mettre en danger. C’est comme ça que, même en étant toujours les meilleurs, ils parviennent à sans cesse progresser!

À noter que cela nécessite d’avoir une confiance absolue en chacun des joueurs, en ce sens que chacun est impliqué dans le processus de prise de décision. Ce n’est pas le sélectionneur qui intervient pour dire quel changement de tactique il convient d’effectuer, c’est le collectif qui en décide lui-même, sur le terrain, sans en référer à qui que ce soit.

«Les équipes qui s’épanouissent dans le monde VUCA (Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu, en français) qui est le nôtre comme celui d’un match de rugby sont celles qui réagissent vite et de façon décisive pour saisir un avantage concurrentiel, sans craindre d’effectuer des réajustements en cours de route, dit M. Kerr. Soit vous vous adaptez, soit vous perdez.»

Et de souligner : «Une organisation va vers le déclin si ses membres ne préparent pas le changement lorsqu’ils sont à l’apogée de la réussite».

3. Connexité

L’une des clés fondamentales du succès, c’est – sans surprise – la motivation. Mieux, la soif de vaincre. Comment entretenir celle-ci au sein d’un collectif, mois après mois, année après année? «Il convient de créer un sentiment d’intégration, de connexité et d’unité dans le groupe, c’est-à-dire un état d’esprit commun pleinement collaboratif», indique M. Kerr.

Qu’est-ce à dire, au juste? Que chacun doit être en mesure de s’épanouir dans le rôle qu’il a à jouer. Au sein des All Blacks, cela se traduit par le fait que chaque joueur doit se comporter en «micro-leader» : chacun a des responsabilités précises, déterminantes pour le succès commun; chacun a l’obligation de prendre ses propres décisions, à son échelle, dans le but d’assurer le succès commun; chacun doit agir de manière bienveillante, en volant immédiatement au secours de celui qui est en difficulté dans l’accomplissement de son rôle. «Chaque joueur est un leader qui crée d’autres leaders autour de lui», résume M. Kerr.

À cela s’ajoute un dernier point, la connexion avec le passé : chacun a pour mission ultime d’enrichir l’histoire glorieuse des All Blacks, à son échelle. «Chaque joueur représente ceux qui ont porté son maillot auparavant. Ce maillot ne lui appartient pas, il lui est confié. Et chacun se doit donc de tout faire pour le redorer encore plus, pour le transmettre dans un meilleur état encore que celui dans lequel on le lui a passé», a indiqué Colin Slade.

Bref, la connexité doit régner au sein de l’équipe, à savoir ce principe qui veut que les êtres humains n’évoluent sainement que s’ils nouent des liens fructueux entre eux.

4. Créativité

L’innovation, et donc l’apprentissage, importent considérablement. Chez les All Blacks, on veille à entretenir la curiosité des joueurs, à maintenir allumée la flamme qui les anime au plus profond d’eux-mêmes.

Comment? «En trouvant toujours 100 petites choses a priori minimes qui peuvent être améliorées, même si ce n’est que de 1%. En s’assurant ainsi d’une progression constante, même si elle paraît infime. En leur procurant, donc, la possibilité d’acquérir un avantage graduel et cumulatif, c’est-à-dire bénéfique sur les plans individuel et collectif», dit M. Kerr.

Un exemple frappant : le rôle de Mike Cron, l’actuel entraîneur technique en charge de la mêlée. «Je suis payé pour parcourir le monde à la recherche d’idées neuves, a-t-il confié à James Kerr. L’objectif, c’est de trouver des petits détails à même de rendre chaque membre du pack plus solide, plus mobile, ou encore plus efficace. C’est comme ça que j’ai visité des camps d’entraînement de sumo et de judo au Japon, ceux des Knicks, des Yankees et des Giants à New York, ou encore celui des Dolphins de Miami.»

Voilà. Telles sont les principales clés du succès récurrent des All Blacks. À vous de voir, à présent, comment les faire vôtres au sein de votre organisation. C’est que votre avenir en dépend sûrement…

En passant, le philosophe français Michel Serres a dit dans Pantopie : «Au rugby, tout le monde regarde l’équipe, personne ne regarde le ballon. Or, l’important, c’est le ballon, c’est lui qui fait l’équipe».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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