L'encaisse dilue la valeur d'une entreprise!

Publié le 17/09/2010 à 17:39, mis à jour le 18/09/2010 à 08:37

L'encaisse dilue la valeur d'une entreprise!

Publié le 17/09/2010 à 17:39, mis à jour le 18/09/2010 à 08:37

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Une entreprise dont le bilan est extraordinaire mérite-t-elle une meilleure évaluation? Combien vaut 1 dollars d'encaisse, sur le marché boursier?

Réponse : beaucoup moins qu'un dollars.

Deux raisons peuvent expliquer cela :

1) Un ''tiens'' vaut mieux que deux ''tu l'auras''.  Lorsque l'on ne sait pas ce que la direction va faire avec l'argent, il est difficile de l'apprécier à sa juste valeur. Prenons l'exemple de Gencor (GENC-Q). Cette entreprise fabrique de l'équipement qui sert à produire principalement de l'asphalte pour les routes.

En encaisse, Gencor détient 71M$, composée d'obligations municipales, actions et autres actifs liquides. Sa valeur boursière actuelle est de 68M$. Si demain matin, la direction décidait de verser la totalité de l'encaisse en dividendes, le coût net pour les investisseurs reviendrait à  -3M$. C'est bel et bien une valeur négative!

Évidemment, l'entreprise est actuellement touchée par la crise. Mais les profits devraient revenir sous peu, surtout si le projet d'Obama vis-à-vis les infrastructures est accepté. Si les profits passaient à 5M$ pour l'année, et que l'on évalue ces profits à 10 fois, nous obtiendrions une valeur de 50M$. Cela signifierait que l'encaisse serait évaluée à 18M$ au lieu de 71M$.

Cet escompte peut sembler élevé, mais il existe une autre raison qui explique pourquoi les entreprises aux beaux bilans affichent une valeur proportionnelle moindre par rapport aux compagnies endettées.

2) Le titre d'un entreprise au bilan horrible ressemble à une option d'achat sans échéance!

Une option d'achat vous permet d'acheter un titre à un prix fixe. Par exemple, Gencor se transige à 7,20$. Vous pourriez peut-être payer 1,00$ avec une option d'achat pour avoir le ''droit'' de l'acheter d'ici deux ans, à 7,20$. Si le titre s'apprécie de plus d'un dollars, vous ferez un profit. À linverse, si la compagnie faisait faillite (ce qui est impossible, mais supposons-le), vous perdrez uniquement votre dollars.  Par conséquent, c'est moins risqué. Évidemment, d'autres investisseurs le verront autrement, et  préfèreront acheter 7 fois plus d'options (pour un total de 7,00$), afin de profiter de l'effet de levier. Mais c'est très risqué et le résultat est très différent!

Gencor ne ressemble pas à une option d'achat, mais c'est le cas de Rite-Aid (RAD-N), qui se transige à 1.00$. La compagnie vaut à la bourse près de 900M$. Pourtant, son bilan démontre une valeur nette de -2.5G$! Qui plus est, 6G$ de dettes sont présents. Autrement dit, si vous étiez forcé d'acquérir l'entreprise en entier, vous vous retrouveriez immédiatement avec une dette de 6G$. Pour un tel fardeau, la plupart des acheteurs exigeraient une compensation, de telle sorte que le prix d'achat serait négatif.

Quelle chance! Si l'entreprise déclare faillite, l'investisseur ne doit rien! Par conséquent, pour 1.00$, vous pourriez bénéficiez d'un revirement de l'entreprise. Dans le cas contraire, vous ne perdriez qu'un dollars. C'est pourquoi nous apparentons ce genre de situation à une option d'achat sans échéance.

Or, l'option d'achat comporte une valeur, et c'est probablement pourquoi Rite-Aid, malgré toute sa dette, affiche une valeur positive en bourse. Pour Gencor, cet avantage est nul. Premièrement, l'entreprise n'a pas de dettes. Deuxièmement, avant d'avoir besoin un seul sou de financement, l'entreprise pourrait théoriquement se permettre de perdre 71M$!

Combinez la perte de cette avantage avec l'escompte que l'on applique sur l'encaisse, et vous comprendrez vite pourquoi nous disons que de généreuses encaisses affaiblissent la valeur d'une entreprise. Si Microsoft décidait de verser la totalité de ses 37G$ de liquidités en dividendes, il serait étonnant que la valeur boursière s'effondre du même montant. Par conséquent, si cette valeur dégringole de seulement 20G$, un gain instantané de 17G$ serait créé.

Ceci étant dit, nous préférons les entreprises aux bilans solides! Mais une encaisse trop élevée s'avère inutile, à notre avis.   Nous croyons donc que les récentes initiatives de Microsoft (rachat d'action et versements de dividendes) rehausseront sa valeur boursière nette (valeur de l'entreprise moins l'encaisse).

 P.S.: Microsoft va procéder à des emprunts. Une bonne partie de son encaisse est à l'étranger, et elle préfère éviter de rapatrier l'argent aux États-Unis afin d'éviter l'impôt. Étant donné le bas taux d'emprunt disponible, c'est probablement plus avantageux que de payer l'impôt.

À propos de ce blogue

Patrick Thénière et Rémy Morel sont associés et gestionnaires de portefeuille chez Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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