Haro sur le repli identitaire!

Publié le 08/05/2017 à 06:06, mis à jour le 08/05/2017 à 06:20

Haro sur le repli identitaire!

Publié le 08/05/2017 à 06:06, mis à jour le 08/05/2017 à 06:20

De la diversité naît la prospérité. Toujours... Photo: DR

En période de crise économique, des voix ne manquent jamais de s'élever pour jeter l'opprobre sur l'Autre, qui fait souvent partie de catégories de gens aisément repérables parce que différents de ceux qui tempêtent. Ces personnes sont accusées d'être à l'origine de tous les maux : chômage, criminalité, etc. Ça ne loupe jamais.

J'ose la question : ces voix-là ont-elles raison ou tort ?

Prenons le cas du Québec. Le débat est vif à ce sujet ces temps-ci, l'enjeu central étant de savoir si les Québécois sont fondamentalement racistes envers les immigrants, associé à des enjeux périphériques, comme celui de déterminer si le Québec ferait bien de serrer la vis en matière d'immigration (à l'image de ce qui se fait ailleurs).

Bien. Pour commencer, quelques statistiques. La discrimination est forte chez nous : un immigrant sur trois affirme en avoir été l'objet depuis son arrivée au Québec, en particulier dans le cadre du travail (à l'embauche, à l'attribution d'une promotion, etc.), selon une étude de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), alors que la proportion est de un sur quatre dans le reste du Canada. Et la discrimination au Québec va croissant : 39 % des immigrants arrivés dans notre province depuis 2000 en ont souffert, alors que ça n'avait été le cas que pour 17 % de ceux qui étaient arrivés entre 1960 et 1979. De la même façon, un récent sondage de Crop montre que seulement un Québécois sur trois considère qu'avoir «un nombre croissant d'ethnies différentes» fait du pays «un meilleur endroit où vivre», tandis que la proportion est de un sur deux dans le reste du Canada.

D'où provient une telle discrimination ? De malentendus, pour ne pas dire de contre-vérités véhiculées à tort et à travers :

> Non, les immigrants ne volent pas les jobs ni ne font chuter les salaires. Selon une étude de Giovanni Peri, professeur d'économie à l'Université de Californie à Davis (États-Unis), les régions de Suisse qui ont aboli leurs frontières pour les titulaires d'un passeport européen y ont gagné : la main-d'oeuvre a crû durablement de 4 % sans que le taux d'emploi ou les salaires des Suisses aient globalement enregistré d'impact négatif. «Les immigrants accroissent la capacité de production, stimulent l'investissement et favorisent la spécialisation des économies dans lesquelles ils s'engagent», dit M. Peri, qui a mis au jour le même phénomène dans des États américains limitrophes du Mexique.

> Non, les immigrants ne sont pas des parasites. Une étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) portant sur 34 pays développés, dont le Canada, indique que les immigrants payent, en moyenne, autant de taxes qu'ils empochent d'aide sociale. Ils ne sont donc pas un boulet pour la société.

> Non, les immigrants ne sont pas des criminels. L'économiste Haimin Zhang a découvert qu'au Canada, plus la proportion d'immigrants augmente dans un lieu, plus le taux de criminalité y diminue, et ce, de manière durable. Un fait corroboré par les travaux de Tim Wadsworth, professeur de sociologie à l'Université du Colorado à Boulder (États-Unis).

Mieux, les immigrants se révèlent, en vérité, d'indéniables bienfaiteurs pour les collectivités dans lesquelles ils décident d'oeuvrer ! J'en veux pour preuve deux signes qui ne trompent pas :

> Des entrepreneurs dans l'âme. Les immigrants sont plus enclins que les autres à se lancer en affaires : 32 % d'entre eux ont l'intention de créer leur entreprise et 17,5 % ont d'ores et déjà entamé des démarches en ce sens, alors que pour l'ensemble des Québécois les mêmes pourcentages sont respectivement de 21 % et de 9,8 %, selon l'Indice entrepreneurial québécois 2016. À noter que les secteurs de prédilection des immigrants sont les services professionnels, le commerce de détail et la restauration, d'après Statistique Canada.

> Des enfants prodigieux. Les enfants des immigrants réussissent mieux à l'école que les autres, et de loin : ils affichent des taux de diplomation de 90 % au secondaire et de 35 % à l'université, alors que ceux des Québécois de troisième génération sont respectivement de 84 % et de 25 %, toujours selon Statistique Canada.

C'est clair, le Québec a tout intérêt à ouvrir grand les bras aux immigrants, et donc à réfréner son réflexe de repli sur soi par gros temps. En effet, de la diversité naît la prospérité : plus d'entreprises novatrices, plus d'enfants intelligents, moins de criminalité, etc.

Néanmoins, tout cela ne peut se produire que si l'accueil est franc et cordial, et c'est là - je le souligne - la clé du succès. «L'erreur commune consiste à vouloir intégrer l'immigrant, à le faire entrer de force dans un moule, et donc à se priver des apports de sa différence. La solution, c'est plutôt de reconnaître cette différence, de la valoriser et même de s'y ouvrir pour évoluer soi-même», résume Scott Page, professeur de systèmes complexes à l'Université du Michigan à Ann Arbor (États-Unis), qui se spécialise dans la «diversité cognitive».

Bref, faisons taire ces voix qui hurlent au loup ! Et sourions chaleureusement aux nouveaux venus, porteurs d'espoir et de regain...

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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