Vent contraire

Offert par Les Affaires


Édition du 26 Novembre 2016

Vent contraire

Offert par Les Affaires


Édition du 26 Novembre 2016

De toutes les réactions de gens d'affaires que j'ai pu entendre ou lire sur l'élection de Donald Trump, celle qui m'a le plus marqué l'esprit est celle de Sophie Brochu. La présidente et chef de la direction de Gaz Métro vibrait en s'adressant aux dirigeants du Québec réunis pour la remise des prix PDG de l'année Les Affaires, dont elle est lauréate cette année, comme Brian McManus (Stella-Jones) et Yvon Charest (iA Groupe financier).

Oui, une entreprise doit créer de la richesse, pour toutes ses parties prenantes, «mais c'est aussi important, la manière dont on crée notre richesse et le système de valeurs qui nous habite. Et malheureusement, depuis le 8 novembre dernier, nos systèmes de valeurs sont mis à rude épreuve», a déclaré Sophie Brochu avec conviction.

On ne pouvait pas offrir une perspective sur le monde des affaires plus diamétralement opposée à celle du nouveau président américain. Sa perspective à lui, elle se résume tristement dans ce bref échange de tirs entre lui et Hillary Clinton, lors du premier débat présidentiel, le 26 septembre. À Mme Clinton qui lui reprochait d'avoir voulu tirer profit de l'effondrement du marché immobilier lors de la crise économique de 2008, le candidat Trump a répondu : «Ça s'appelle faire des affaires, en passant !»

Quelle déclaration affligeante. Quelle image dépassée de la communauté d'affaires. Quelle insulte envers les bâtisseurs d'entreprise. J'aurais pu ponctuer les trois phrases précédentes de points d'exclamation, mais ce n'est pas dans ma nature. J'ai la révolte froide. Cependant, je m'inscris en faux contre cette image réductrice de dirigeants avides. Pour beaucoup d'entrepreneurs que je rencontre, l'argent est un moyen et non une finalité.

Donald Trump n'est pas à une insulte près, vous me direz. Et, bien plus que les immigrants et les femmes, les gens d'affaires sont certainement capables d'en prendre. Qui plus est, on est d'accord, Donald Trump n'est pas tout seul à se servir en premier ; les pratiques d'affaires scandaleuses, ça existe et ça ne manque pas. Mais sa petite remarque, lancée comme une vérité, fait souffler un vent contraire sur des entreprises engagées en matière de responsabilité sociale. Déjà qu'elles avaient une bonne pente à remonter : la dernière livraison de l'Indice entrepreneurial de la Fondation de l'entrepreneurship indique en effet que les Québécois accordent peu de crédit au rôle social des entrepreneurs. Si 78 % des répondants pensent que les entrepreneurs sont des créateurs d'emplois et de richesse, seulement 59 % croient qu'ils s'impliquent dans leur communauté et plus de la moitié doutent de l'honnêteté des entrepreneurs.

Je salue les leaders d'affaires qui osent prendre position et défendre, comme Mme Brochu, une vision engagée du rôle des dirigeants. Ce courage n'est pas commun et mériterait d'être imité.

Julie Cailliau 
Rédactrice en chef
julie.cailliau@tc.tc

Suivez Julie Cailliau sur Twitter @julie140c

À propos de ce blogue

Julie Cailliau est éditrice adjointe et rédactrice en chef du Groupe Les Affaires, dont l’équipe de journalistes chevronnés publie le journal Les Affaires, le site lesaffaires.com et le magazine Les Affaires Plus. Elle est également présidente du conseil d’administration de la Fondation des prix pour les médias canadiens. Diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille, en France, Julie a pratiqué le métier de journaliste au sein de plusieurs publications françaises et québécoises. Dans une vie précédente, elle a œuvré à titre d’ingénieure en biotechnologies. Son « why », c’est d’apprendre et d’informer afin de nous permettre de faire les bons choix. La prise de conscience de l’urgence environnementale et l’émergence de l’entrepreneuriat social comptent pour elle parmi les tendances les plus réjouissantes actuellement.