Pouliot - Et soudain, une mer de potasse...

Publié le 01/08/2013 à 09:15, mis à jour le 01/08/2013 à 09:22

Pouliot - Et soudain, une mer de potasse...

Publié le 01/08/2013 à 09:15, mis à jour le 01/08/2013 à 09:22

Photo: Bloomberg

C'est toute une secousse qui a ébranlé mardi l'industrie du fertilisant, avec l’annonce du retrait de la russe Uralkali de l'agence de mise en marché BCP, et sa décision soudaine d’ouvrir les valves à une mer de potasse.

Il n'en fallait pas plus pour que l'ensemble des titres du secteur décroche, avec en tête le géant canadien Potash, dont la valeur boursière a fondu de près de 20%.

Évidemment, le réflexe est de se demander si à la suite de pareil mouvement, il n'y a pas une occasion d'entrée dans le titre de Potash.

Voyons-y.

Pourquoi le retrait est un problème

Uralkali était partenaire dans BCP de la société d'État biélorusse Belaruskali. Cette agence de mise en marché contrôlait jusqu’à mardi environ 43% des ventes mondiales de potasse. Avec Canpotex, l'autre grande agence de mise en marché - dont les actionnaires sont Potash, Agrium et Mosaïc-, elles représentaient 70% de l'offre mondiale.

À elles deux, les agences étaient en mesure de mieux contrôler l'offre sur le marché et tentaient de maintenir des prix intéressants pour les producteurs.

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En se retirant de l’agence, Uralkali (qui pèse pour environ 20% de la capacité mondiale) annonce qu'elle produira désormais sans limite. Son intention est de faire passer sa production de 10,5 millions de tonnes à 13 millions de tonne dès 2014. À titre de comparaison, il s'est vendu pour 31 millions de tonnes de potasse en 2012, sur une capacité de production de 46,6 millions de tonnes (données de CIBC).

Uralkali est consciente que son geste vient déséquilibrer un marché qui souffrait déjà de surcapacité et croit que le prix de la potasse pourrait décrocher des 400$ US la tonne et prochainement toucher les 300$ US.

Pourquoi Uralkali sort-elle de BCP?

Si vous êtes amateur de complots, il y a de quoi rappeler les bonnes vieilles années de la guerre froide.

Certains y voient un geste pour faire tomber les prix et empêcher BHP de s'amener sur le marché de la potasse.

D'autres estiment que les relations entre la Biélorussie et la Russie se détériorent alors que la Biélorussie souhaite s'affranchir des capitaux russes et accueillir plus d'investisseurs internationaux. Le geste russe viserait à temporairement infliger à la Biélorussie des pertes économiques (la potasse pèse lourd dans son économie) afin de calmer ses ardeurs autonomistes.

La vérité est probablement davantage économique.

Uralkali et Belaruskali s'accusaient déjà mutuellement de tricher, en ne passant plus exclusivement par BCP pour la mise en marché de leur potasse. Elles vendaient chacune de leur côté. Les tensions étaient devenues fortes entre les deux partenaires.

Avec des coûts de production réputés être les plus faibles au monde (et plus faibles que ceux de sa partenaire biélorusse), la société russe semble maintenant faire le pari que les prix tomberont et que, à long terme, elle réussira tout de même à faire plus d'argent. Simplement en sortant les acteurs les plus faibles du marché, et en remplaçant leurs volumes par les siens.

Elle pourrait aussi faire le pari que Canpotex, l'autre grande agence de mise en marché, réduira son offre pour tenter de maintenir les prix. La société russe pourrait ainsi produire plus qu'avant, à des prix qui, au final, ne seraient pas si éloignés des 400$ US.

Y a-t-il un espoir de règlement de la situation?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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