La bataille du ciel: sur qui miser?

Publié le 25/03/2012 à 20:01, mis à jour le 25/03/2012 à 20:02

La bataille du ciel: sur qui miser?

Publié le 25/03/2012 à 20:01, mis à jour le 25/03/2012 à 20:02

La plus grande Bataille

C'est dans l'Ouest que s'ourdit actuellement le plus important plan de guerre des dernières années. Au beau milieu du projet d'expansion de sa flotte de 737 (qui pourrait porter le nombre d'appareils de 97 à 135 en 2018), WestJet se prépare à attaquer le marché des dessertes régionales où se bagarrent actuellement Air Canada (Chorus) et Porter.

Ses 737 sont trop gros pour assurer économiquement la desserte de routes moins fréquentées. C'est pourquoi elle entend lancer une nouvelle filiale, dotée d'une quarantaine de Q400 de Bombardier ou d'appareils ATR.

La société évalue le marché régional canadien et transfrontalier à près de deux milliards de dollars par année (G$). Une avenue de croissance significative, dit la Financière Banque Nationale, si elle peut aller chercher une part de marché de 20 à 30 %. Les revenus de WestJet atteignent actuellement près de 3 G$ par année. La Financière estime que le nouveau service permettrait en outre de faire coup double en augmentant le taux d'occupation des 737.

Beaucoup d'observateurs spéculent que le premier déploiement devrait être confiné dans l'Ouest, afin de couper l'herbe sous le pied à une éventuelle expansion de Porter et profiter de plus grandes synergies avec sa flotte principale.

Quoi qu'il en soit, les prix de plusieurs destinations devraient diminuer.

Qui perd, qui gagne ?

Air Canada semble celle qui a le plus à perdre des affrontements qui se dessinent. Son projet de transporteur au rabais devrait l'aider, mais il risque de s'écouler quelques années avant que l'état des résultats n'en ressente les effets bénéfiques. Pendant ce temps, son bilan affiche toujours une lourde dette et traîne d'importantes obligations envers les régimes de retraite. Sa structure de coûts est aussi nettement plus élevée que celle de WestJet (d'au moins 20 %, selon la plupart des évaluations). Son agilité est restreinte.

Le gain n'est pas assuré non plus pour WestJet. Elle a un solide bilan et des liquidités de 1,3 G$, mais il pourrait lui en coûter jusqu'à 1 G$ d'investissements en capital pour démarrer son service. Elle n'exploitait jusqu'à maintenant qu'une flotte composée d'avions 737. L'arrivée de nouveaux appareils lui coûtera plus cher d'entretien et la synchronisation de leurs vols avec ses plus gros porteurs ne sera pas non plus sans coûts. Même si elle est moins agile, Air Canada ne se laissera pas facilement dépouiller de son marché.

Quant à Chorus, elle ne sera pas immédiatement perdante, en raison de ses garanties de dessertes. Mais elle a beaucoup à perdre à plus long terme.

Un acteur sur qui miser ?

Ce n'est pas parce que le ciel est sombre qu'il n'y a aucun potentiel. Les titres peuvent en effet refléter, dans leurs cours, un scénario plus pessimiste encore que ne l'est la réalité.

Ainsi, malgré l'intensification de la concurrence, Canaccord Genuity voit le titre d'Air Canada potentiellement dépasser les 5 $. Elle anticipe que le transporteur dégagera d'importantes liquidités, lesquelles devraient lui permettre de réduire sa dette. L'optimisme n'est cependant pas partagé par tous, alors que six analystes sont à «conserver» (et huit à «achat»).

WestJet semble plus attrayante. C'est elle qui mène la plus grande offensive. Et, malgré les risques, ses coûts demeurent les plus faibles du marché. De la valeur pourrait être créée ici. Les analystes sont plus optimistes : huit suggèrent l'achat du titre et deux recommandent de le conserver.

Notre avis

Historiquement, l'investissement dans les lignes aériennes a rarement été gagnant. Le nombre de passages sous la protection de la loi sur les faillites aux États-Unis est assez impressionnant. Depuis le début des années 1980, plus de 45 sociétés aériennes y ont déclaré faillite.

WestJet calque son modèle sur celui de Southwest, l'une des sociétés les plus performantes de l'histoire. Mais même Southwest est aujourd'hui aux prises avec des problèmes de contrôle des coûts. Elle vient d'ailleurs de prévenir que son prochain trimestre sera déficitaire.

Prudence avant l'embarquement. Dans le contexte des batailles à venir et de l'incertitude économique, le secteur n'est certainement pas pour ceux qui aiment voyager... avec la ceinture de sécurité débouclée.

Dans le contexte des batailles à venir et de l'incertitude économique, le secteur aérien n'est certainement pas pour ceux qui aiment voyager avec la ceinture de sécurité débouclée.

FRANÇOIS.POULIOT@tc.tc

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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