Couche-Tard est-elle à risque si elle frappe plus fort?
Tout dépend de ce dont on parle. Du risque économique corporatif, ou du risque de l’administrateur?
Le risque économique n’apparaît pas très important.
Le réflexe est de pointer le récent conflit au Journal de Montréal et de dire qu’il n’y a aucune inquiétude à y avoir pour Couche-Tard. L’appel au boycott avait plutôt donné de l’élan au lectorat du quotidien. L’exemple n’est cependant pas idéal. La cible du Journal de Montréal n’est en effet pas nécessairement celle qui se mobilise pour des revendications sociales, sauf lorsqu’elles sont d’une nature, plus, disons, démagogique. En d’autres mots, le lectorat de La Presse ou du Devoir apparaît plus sensible à ces enjeux et ne pouvait boycotter quelque chose qu’il n’achetait déjà pas.
C’est différent dans le cas de Couche-Tard. Tout le Québec passe par ses établissements, pas seulement un pan de population.
Là où ça se complique cependant pour les syndicats, c’est plutôt sur le précédent Jonquière de Walmart. Il y a quelques années, on avait aussi assisté à un appel au boycott à la suite de la fermeture de l’établissement. Or, on ne peut pas dire que l’appel ait été très suivi.
S’ajoute le fait que même avec un boycott réussi, on peut douter que Couche-Tard souffre beaucoup économiquement. Environ 70% de son profit brut provient aujourd’hui des Etats-Unis (sans compter les établissements du Canada anglais). Bref, c’est comme si la CSN amorçait aujourd’hui non pas un combat contre une société québécoise, mais contre une société américaine.
Le risque de l’administrateur
Reste le risque de l’administrateur.
Il vise les dirigeants de la société. Il s’agit du risque de réputation, qui pourrait potentiellement être accompagné d’un risque de responsabilité civile. C’est qu’en fermant sciemment des établissements rentables pour cause de syndicalisation, les dirigeants de Couche-Tard, monsieur Bouchard en tête, poseraient des gestes potentiellement illégaux, qui pourraient de surcroît ne pas être dans l’intérêt des actionnaires minoritaires.
La direction de Couche-Tard est-elle prête à risquer d’être étiquetée de « hors-la-loi »? Et à potentiellement engager sa responsabilité?
On n’est pas sûr de ça. Et c’est pourquoi, malgré les apparences, la CSN a peut-être une chance de succès.
Pour l'intéressante vision de ma collègue Diane Bérard sur le sujet: Couche-Tard et la CSN, une bataille perdant-perdant
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