Ces crises qui pourraient perturber les prix des ressources

Publié le 07/01/2017 à 09:00

Ces crises qui pourraient perturber les prix des ressources

Publié le 07/01/2017 à 09:00

ANALYSE GÉOPOLITIQUE - Du Brexit à l'élection de Donald Trump, l'année 2016 a été riche en bouleversements géopolitiques. Et celle qui débute pourrait être encore plus agitée et avoir un impact majeur sur le prix des produits de base (commodities), affirment les analystes de Barclays.

Dans une note publiée ce jeudi (The black swans of 2017), ils identifient une douzaine de «cygnes noirs» -un événement ou une dynamique extrêmes que les investisseurs n’ont pas encore intégrés dans leurs prévisions de prix- qui pourraient avoir un impact sur les marchés en 2017.

Les analystes de Barclays s'intéressent en particulier aux «cygnes noirs» risquant d'affecter l'offre et la demande de produits de base, comme les hydrocarbures, sans parler de la fluidité des voies commerciales par lesquelles ils transitent.

Même Elon Musk, le patron de Tesla, figure dans cette liste (lire l'article en cliquant ici).

Et l'impact de ces événements ou dynamiques extrêmes peut être soit positif ou négatif sur les prix, comme on peut le constater sur ce graphique (où bullish signifie haussier, tandis que bearish signifie baissier).

Menaces sur l'offre

1. Escalade des tensions entre les États-Unis et l'Iran: le président élu américain Donald Trump veut déchirer l'accord nucléaire signé en 2015 entre le groupe P5 + 1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) et l'Iran.

  • Effet sur le marché : une escalade des tensions géopolitiques dans cette région pourrait avoir un impact à la hausse sur les prix du pétrole.

2. Défaut du Venezuela sur ses obligations: après avoir démontré sa volonté de respecter ses obligations financières depuis 3 ans, le pays pourrait faire défaut en 2017. Une situation qui provoquerait une crise de liquidité et ferait chuter la production de pétrole du Venezuela, composée aux deux tiers par du pétrole lourd, comme au Canada.

  • Effet sur le marché : une réduction de la production de pétrole au Venezuela pourrait faire croître le prix du pétrole lourd, et ainsi creuser les écarts de prix entre le Western Canadian Select (WCS) et le West Texas Intermediate (WTI), un pétrole léger.

3. Contamination à grande échelle de sources d'eau potable aux États-Unis: une contamination d'une source d'eau potable par des hydrocarbures dans d'importants États producteurs de gaz naturel comme la Pennsylvanie, l'Oklahoma et le Texas mènerait au renforcement de la réglementation environnementale.

  • Effet sur le marché : une nouvelle réglementation augmenterait probablement les coûts de production, et ultimement le prix du gaz naturel aux États-Unis.

4. Émeutes au Chili durant les élections de 2017: ces émeutes pourraient stopper la production dans certaines mines de cuivre du pays. Bien que ce risque soit faible, il existe néanmoins, car des événements similaires se sont déjà produits ailleurs, notamment au Pérou et en Indonésie.

  • Effet sur le marché : les perturbations affectant le marché du cuivre sont des phénomènes bien connus, en plus d'être un risque souvent intégré dans les prévisions de prix. Par contre, un arrêt de production a le potentiel de faire bondir les prix.

5. Ingérence accrue de la Russie en Ukraine: Même si l'Ukraine est un petit producteur de minerai de fer, une crise politique qui provoquerait un arrêt de la production et des exportations de minerai de ce pays aurait un impact en Europe.

  • Effet sur le marché : la perturbation de la chaîne d'approvisionnement mondial pourrait faire bondir les prix du minerai de fer à court terme.

Menaces sur la demande

1. Guerre commerciale avec la Chine: pour réduire son déficit commercial avec la Chine (366 milliards de dollars américains en 2015), la prochaine administration Trump pourrait imposer des tarifs pour réduire les exportations chinoises aux États-Unis. Des pays européens pourraient même emboîter le pas aux Américains. De son côté, la Chine pourrait réagir en augmentant sa présence en mer de Chine méridionale, une mesure qui pourrait ralentir les échanges commerciaux avec la Chine.

  • Effet sur le marché : un tel scénario ralentirait le commerce mondial et réduirait la croissance économique. La demande d'énergie et de métaux industriels diminuerait par exemple dans les pays abritant un important secteur manufacturier. À court terme, une guerre commerciale avec la Chine exercerait une pression à la baisse sur les prix dans l'ensemble des produits de base.

2. Faiblesse économique de la Chine: l'appétit de la Chine pour le minerai de fer et le cuivre est majeur. Le pays compte respectivement pour 60% et 50% de la demande mondiale ainsi que pour 70% du commerce international du minerai de fer.

  • Effet sur le marché : tout ralentissement prononcé de l'économie chinoise aurait de graves effets négatifs sur les prix du minerai de fer et du cuivre.

3. Guerre commerciale entre le Mexique et les États-Unis: un tel événement pourrait réduire la rentabilité des exportations américaines de gaz naturel sur le marché mexicain en raison de l'imposition de nouveaux tarifs douaniers.

  • Effet sur le marché : une réduction de la rentabilité des exportations américaines diminuerait les prix du gaz naturel aux États-Unis, car les producteurs américains devraient être plus compétitifs pour continuer à exporter au Mexique.

4. Accident nucléaire de type Fukushima en Chine: dans ce scénario, l'opinion publique en Chine se retournerait contre l'énergie nucléaire, faisant augmenter la demande pour d'autres sources d'énergie telles que le gaz naturel liquéfié (GNL) et le charbon.

  • Effet sur le marché : à court terme, les marchés du GNL, du charbon et du pétrole bénéficieraient d'une augmentation de la demande, faisant de facto bondir les prix. À long terme, de nouveaux projets de GNL verraient le jour, sans parler d'un intérêt accru en Chine pour de nouveaux projets de gazoducs avec la Russie et l'Asie centrale.

Menaces sur le transit

1. Forage de la Chine en mer de Chine méridionale: face à l'hostilité de la prochaine administration Trump à son endroit, la Chine pourrait tenter d'exercer sa souveraineté sur le territoire de la mer de Chine méridionale en y faisant par exemple des forages pour exploiter du pétrole et du gaz naturel.

  • Effet sur le marché : des tensions avec les voisins régionaux (par exemple, le Vietnam) ou les États-Unis atténueraient les perspectives de croissance économique de la Chine, et ce, en raison d'une diminution de la demande. Cette situation exercerait une pression à la baisse sur le prix des hydrocarbures.

2. Davantage de terrorisme en Turquie: l'assassinat de l'ambassadeur russe en Turquie, en décembre, pourrait rapprocher Moscou et Ankara. Par contre, la menace terroriste devrait empirer en 2017 en Turquie (les attentats sont la plupart du temps commis par l'organisation État islamique), et ce, en raison de l'implication du pays dans la guerre civile en Syrie aux côtés de Moscou, notamment contre l'EI.

  • Effet sur le marché : un ralentissement de la croissance économique turque exercerait des pressions à la baisse sur les prix du gaz naturel et du pétrole en raison d'une diminution de la demande.

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand