Pourquoi les Bourses résistent si bien à la rechute du pétrole

Publié le 23/06/2017 à 06:20

Pourquoi les Bourses résistent si bien à la rechute du pétrole

Publié le 23/06/2017 à 06:20

Photo: 123rf.com

À part le S&P/TSX de Toronto, les Bourses résistent plutôt bien à la rechute du pétrole, qui vient de connaître son pire premier semestre en 20 ans.

Du sommet de 54,45$US du 23 février au creux de 42,13$US du 20 juin, le contrat à terme le plus rapproché du baril West Texas a flanché de 22%, rencontrant ainsi la définition d’un marché baissier officiel.

Quant au baril de pétrole Brent, sa chute de 21% jusqu’au 21 juin est la pire pour un premier semestre depuis 1997.

Pourtant, les Bourses tant américaines que mondiales réagissent bien peu à ces nouvelles secousses alors que le pétrole était le porte-étendard du pari de croissance des pros.

Le S&P 500 gagne 9% depuis le début de l’année malgré le recul de 13,2% du secteur de l’énergie, de 36% des foreurs pétroliers et de 19% des équipementiers pétroliers.

Une autre mesure de stress financier, l’écart entre les options sur les obligations de sociétés à rendement élevé et les bons du Trésor américain, a aussi continué à baisser, contrairement à 2015, aussi.

Cela signale que pour l’instant les investisseurs craignent peu que les emprunteurs manqueront à leurs obligations financières.

C’est tout un contraste par rapport au deuxième semestre de 2015 pendant lequel le ressac de 20% du pétrole en deux mois avait eu un effet de contagion majeur en Bourse, font remarquer les économistes de la firme de recherche londonienne Capital Economics.

Contrairement à 2015, le S&P 500 est à la hausse de 9% depuis le début de l'année, malgré la chute récente de 22% du baril de pétrole léger West Texas. (Sources: Capital Economics, Bloomberg)

Pas de frousse en Chine cette fois

L’explication la plus simpliste avancée par les commentateurs est le fait que le poids de l’énergie dans l’indice phare S&P 500 est le plus faible depuis 2004, soit de 6%, d’où son influence amoindrie. Cette pondération était de 16% en 2008, indique Yardeni Research.

Les divergences de l’offre et de la demande et de l’économie de la Chine expliquent la bonne tenue des Bourses cette fois-ci, croit John Higgins, l’économiste des marchés en chef de Capital Economics.

La production de pétrole s’accélérait en 2015 aussi, mais à l’époque tous craignaient que le ralentissement chinois fasse carrément tomber la demande pour le carburant et ait un effet de contagion ailleurs dans le monde, rappelle-t-il.

«La chute de la Bourse chinoise d’alors avait aussi exacerbé la peur d’un dérapage de l’économie chinoise», précise aussi l’économiste.

En 2015, la chute du pétrole avait surtout frappé de plein fouet les producteurs de shiste américains les plus fragiles qui avaient emprunté pour augmenter leur production.

Cette fois, la perception dominante est que la production est trop abondante par rapport à la croissance de la demande, et non que la demande s’apprête à plonger, évoque M. Higgins.

Évidemment, si le recul du pétrole s’amplifiait, le portrait pourrait changer rapidement, reconnaît M. Higgins, mais ce dernier est de ceux qui croient à un éventuel rééquilibrage relatif entre la demande et l’offre.

Cette fois aussi, les banques et les fonds d’investissement privés avaient refinancé la dette des producteurs, avant la rechute du pétrole, ce qui limite sa propagation aux marchés du crédit, explique pour sa part Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity.

De plus, la demande de carburant de la part des pays émergents reste solide parce que leurs économies se portent beaucoup mieux qu’en 2015.

Le double pari d’une accélération économique et du retour de l’inflation à l’échelle mondiale (reflation trade dans le jargon des négociateurs) se prolongera probablement jusqu’à ce que les banques centrales synchronisent leur resserrement monétaire, en 2018, prévoit M. Roberge.

Ces voix s’ajoutent à plusieurs autres qui jugent que le mouvement haussier bénéficie en quelque sorte d’un sursis que ça soit en raison des bons profits, de l’espoir d’une baisse des impôts, des meilleures conditions de crédit en trois ans ou encore de la reprise mondiale.

Laszlo Birinyi, président de Birinyi Associates, vient de hausser son cours cible pour septembre à 2500, soit un gain d’encore 2,7%, maintenant que l’indice phare S&P 500 a franchi l’objectif de 2450 fixé pour juin.

L’ex-analyste de Salomon Brothers de 73 ans, n’a pas dévié de son optimisme depuis décembre 2008, même pendant la première crise de dette souveraine de l’Europe de 2011.

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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