Comment ne pas se faire mal avec la théorie du point de douleur maximale

Publié le 20/03/2024 à 10:40

Comment ne pas se faire mal avec la théorie du point de douleur maximale

Publié le 20/03/2024 à 10:40

La théorie du point de douleur maximale repose sur le fait que le prix de l’action se dirigera vers le point auquel le plus grand nombre d'options (d'achat et de vente) expireront sans valeur. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Il existe une curieuse théorie appelée la théorie du «max pain», également connue en français sous le nom de «point de douleur maximale».

Avec un nom comme ça, je me doute de ce à quoi vous pensez. Mais restez avec moi, je vous en prie, c’est un blogue sur les finances personnelles, ça n’a pas changé.

En fait, c’est une théorie «sérieuse», sur laquelle repose la réflexion de certains investisseurs (ou plutôt «traders»). Elle n’est pas scientifique, elle est controversée et ses origines sont obscures. Malgré cela, elle est loin d’être dénudée de logique.

Plus spécifiquement, elle a été développée dans le monde du trading d’options. Vous savez, ces titres extrêmement risqués?

Non?

Je parlerai plus en détail de ces titres une autre fois. Pour l’instant, je ferai l’hypothèse que vous savez que si vous détenez une option d’achat (ou de vente) sur une action, vous avez le droit d’acheter (ou de vendre) cette action au prix d’exercice indiqué avant la date d’expiration de l’option.

Vous le savez déjà.

Ainsi, si vous détenez une option d’achat, si le prix de l’action sous-jacente n’excède pas le prix d’exercice à l’expiration de l’option, vous perdez simplement votre argent.

TOUT votre argent.

Pour éviter de tout perdre, si les choses ne se passent pas comme vous l’aviez anticipé, il faut que vous vendiez l’option AVANT la date d’expiration, malheureusement souvent pour des «peanuts».

Vous savez aussi que plus la date butoir approche, plus l’option est risquée, moins sa valeur est due au temps qui reste…

Peut-être est-il possible que votre action préférée, qui se détaille 10 $ aujourd’hui, vaille 30 $ dans deux ans parce que l’entreprise a le vent dans les voiles. Mais il est pas mal moins possible qu’elle atteigne cette même valeur d’ici deux jours. Votre option d’achat à 30 $ ne vaut donc pas grand-chose (lire «rien») aussi près de la date d’expiration. Mais s’il s’agit d’une option à 10,25 $, peut-être vous reste-t-il de l’espoir de faire un quelconque gain.

Vous ne voulez pas revendre votre option et vous vous accrochez à cet espoir…

Mais que se passe-t-il?

Pourquoi diable l’action perd-elle de la valeur? Elle avait bien commencé la semaine pourtant! Qu’est-ce qui se passe? Tous les indicateurs sont au vert, l’entreprise a même annoncé une bonne nouvelle,  mais la valeur de votre action plonge et celle de vos options a disparu… avec votre espoir de faire un profit.

 

Attention, chacun a ses propres intérêts

C’est ici qu’arrive la fameuse théorie.

En fait, elle repose sur le fait que le prix de l’action se dirigera vers le point auquel le plus grand nombre d’options (d’achat et de vente) expireront sans valeur.

En calculant le point de «max pain», les traders croient ainsi pouvoir prédire la direction dans laquelle les «teneurs de marchés» pourraient manipuler le prix de l’action à l’approche de la date d’expiration des options.

Ce qu’on appelle les «teneurs de marchés» sont des entreprises qui sont capables d’acheter et de vendre des titres à tout moment, fournissant de la liquidité au marché, et réalisent des profits notamment en y prenant des positions. Dans le contexte des options, les teneurs de marchés couvrent souvent leurs positions, c’est-à-dire qu’ils détiennent aussi les titres sous-jacents, pour minimiser le risque. Cependant, à l’approche de la date d’expiration des options, qui est toujours un vendredi en passant, ils pourraient «ajuster» leurs portefeuilles, influençant le prix de l’action sous-jacente.

Les grands investisseurs institutionnels et les fonds de couverture… pauvres petits.

Il faut les comprendre. Ils émettent des options quelconques, c’est-à-dire qu’ils les offrent à des acheteurs, comme vous, qui leur donnent un montant en retour, une «prime». Vous pensez alors faire un bon coup sinon vous n’investiriez pas…

Mais votre vendeur, un très gros joueur — pas mal plus gros que vous —, pense malheureusement le contraire de vous. Peut-être veut-il maximiser ses gains au détriment des acheteurs. Pas rassurant.

C’est probablement une lubie. Un gros investisseur ne veut certainement pas maximiser ses gains.

Mais si jamais c’était le cas, comment pourrait-il le faire?

Notamment, en faisant en sorte que les obligations qu’il se crée en émettant des options (l’obligation d’acheter ou de vendre les actions sous-jacentes) aient la valeur la plus faible possible.

Les acheteurs leur ont déjà donné leur part. Il s’agit simplement de leur en donner le moins possible pour leur argent.

C’est simple, non?

La théorie fait donc l’hypothèse que les teneurs de marchés préfèrent le scénario où un maximum d'options expire sans valeur, leur permettant de conserver les primes payées par les acheteurs en minimisant leur contrepartie.

Et pour ce faire, ils doivent «choisir» le prix de l’action, l’influencer du moins.

 

Influence sur le prix

S’ils veulent faire baisser le prix de l’action, ces grands investisseurs peuvent donc en vendre ou, à l’inverse, en acheter pour faire monter le prix. Si la quantité d’actions transigées est importante, ils peuvent exercer une influence non négligeable sur le prix.

Le point de «max pain» peut donc être calculé en examinant le nombre de contrats d’options ouverts à travers les différents prix d’exercice pour les options d’achat et de vente.

 

Le prix où la valeur cumulée des pertes (des émetteurs) est minimale est considéré comme le prix d'exercice de la théorie du «max pain».

 Bon, c’est un peu long à calculer, mais, ma foi, pas si bête comme idée.

S’il n’y avait qu’un seul émetteur, cette théorie serait probablement implacable, à mon avis.

Heureusement, ils sont plusieurs grands investisseurs, ayant possiblement des intérêts opposés, à vouloir maximiser leurs gains.

À moins qu’ils n’aient pas du tout cet objectif. Je ne sais pas, mais j’ai comme un petit doute là-dessus.

Quoi qu’il en soit, à moins que vous ne soyez un expert, ne touchez pas aux options et laissez faire les pros.

 

À propos de ce blogue

Dany Provost possède une formation multidisciplinaire lui permettant d'avoir une vue d'ensemble d'une situation financière. Combinant l'actuariat, la fiscalité, le placement et une grande maîtrise de l'environnement Excel, son expertise lui a permis de développer plusieurs outils de modélisation complexes, notamment en optimisation fiscale et avantages sociaux. Il est directeur planification financière et optimisation fiscale chez SFL Expertise et est l’auteur des livres «Arrêtez de planifier votre retraite, planifiez votre plaisir» et «As-tu réglé ça?» Membre honoraire et expert désigné de l’Institut de planification financière, il est un collaborateur régulier dans les médias en plus d’être chroniqueur en fiscalité dans le journal Finance et Investissement.

Dany Provost

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