Une histoire de pêche pour la journée de la femme

Publié le 08/03/2016 à 11:45

Une histoire de pêche pour la journée de la femme

Publié le 08/03/2016 à 11:45

Qu'y a-t-il de plus approprié qu’évoquer un souvenir de pêche pour lancer une chronique en cette journée de la femme.

Ça se passe chaque année au lac Gorgotton, sur la Côte-Nord. Au chalet, il n’y pas de signal cellulaire, ni de bonnes manières qui se rendent, mais il y a de l’eau chaude et deux frigos au propane qui ne chôment pas.

Et il y a une pile de Vivre, un magazine québécois féminin en format «digest» publié dans les années 1970. Une de nos activités matinales consiste à lire à voix haute des passages d’articles susceptibles de provoquer l’hilarité, ou mieux, de faire jaillir du café du nez d’un pêcheur.

On trouvait les meilleurs morceaux dans deux chroniques signées par des hommes, dont celle d’un jeune Jacques Duval qui donnait aux femmes de l’époque des conseils de conduite automobile. Le réputé chroniqueur de char devait en être à ses premières armes. Pour l’essentiel, ses textes se résumaient à dire aux dames de ne pas prendre la voiture à la pénombre, quand il neige et aux heures de pointe. Dans un style suranné et paternaliste, le chroniqueur véhiculait une idée largement propagée dans ce temps-là: les femmes sont moins bonnes derrière un volant.

Évidemment, celui qui conseillerait aujourd’hui aux femmes de ne pas conduire dans le trafic passerait pour un macho arriéré. L’idée même d’une chronique automobile conçue à l’intention des femmes ne passe pas. Elle suggère en effet que les deux genres n’ont pas des compétences égales.

Alors, pour cette journée de la femme, je me garderais de proposer des conseils de finances personnelles pour vous, Mesdames.

Pour vous flatter un peu, je pourrais cependant ressortir un cliché qui persiste encore aujourd’hui, celui selon lequel vous seriez meilleures dans la gestion du budget. J’en ai été moi-même témoin, ma mère surpassait mon père à ce chapitre, bien que ce dernier n’était pas difficile à battre.

Mais ce n’est pas vrai. Cette croyance est le reliquat d’une répartition des rôles aujourd’hui révolue, où l’un est pourvoyeur et l’autre, cantonné au poste d’administrateur.

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Il n’y a donc pas lieu, à mon avis, de «genrer» les conseils de finances personnelles et d’investissement. Les conseils sont unisexes, et les femmes comme les hommes devraient aspirer à l’indépendance financière.

Le problème, comme toute le monde sait, est ailleurs, et on le rappelle chaque année le 8 mars: les inégalités salariales et l'accès à certains postes.

Selon l’institut de la Statistique du Québec, la rémunération horaire moyenne des Québécoises était 10% moins élevée que celle des Québécois en 2012.

Cette différence fluctue en fonction des postes occupés. Chez les cadres, les femmes gagnent 88% du salaire des hommes. Chez les cadres supérieurs, le faussé se creuse, le salaire des femmes n’équivalait qu’à 65% de celui des hommes. Et c’est sans compter que, parmi tous les postes disponibles dans ces hautes sphères, les femmes héritent de la portion congrue. Des 13 300 postes, plus de 10 000 sont occupés par des hommes.

En discutant avec un collègue, on s’est demandé si ces statistiques représentaient les mentalités d’aujourd’hui. On s’est mis à douter. Comme il s’agit de moyenne, il est probable que les statistiques soient influencées par les échos du passé, particulièrement chez cadres supérieurs et dans les professions libérales, comme chez les avocats, où les écarts sont aussi importants. Les postes de cadre supérieur sont en général occupés par des gens plus âgés, comme celui des associés séniors dans les grands cabinets. Si les hommes sont plus nombreux et mieux rémunérés, on peut se demander si ce n’est pas, en partie du moins, l’effet du contexte qui prévalait lors de leur ascension, un contexte où machisme et cooptation polluaient davantage l'air des bureaux et des salles de réunion. Et où, il faut le dire, les gars étaient plus nombreux dans les écoles de commerce et les facultés de droit.

Mais c’est l’avenir qui nous le dira.

De manière générale, les progrès sont néanmoins importants. Depuis une vingtaine d’années, de nombreuses mesures ont été prises par les gouvernements pour favoriser les femmes sur le marché du travail. Les centres de la petite enfance (CPE) en sont une. La loi sur l’équité salariale en est une autre.

Il y a eu également des changements importants apportés au programme de congé parental. Cela a ouvert la porte du régime aux travailleuses autonomes et a permis aux parents de prendre un plus long congé.

On peut se demander par contre si cette mesure profamille n’a pas ralenti le rythme de la progression des femmes du point de vue salarial et professionnel.

Cette recherche de Statistique Canada relève qu’une femme qui n’a jamais eu d’enfant gagne plus qu’une mère. L’écart se creuse à mesure que la famille de cette dernière grandit. La raison la plus souvent évoquée est que la mère, durant son absence, rate des occasions professionnelles. La même raison peut expliquer l’écart entre les femmes et les hommes.

Le régime de congé parental ne remplace qu’une partie du salaire auquel renoncent les parents. De grandes entreprises offrent cependant de combler la différence, ou de bonifier du moins les prestations du régime, mais pour les mères seulement. Le régime de congé parental ainsi que les avantages sociaux offerts par les grandes entreprises incitent les mères à s’absenter un an.

Cet aspect a été porté à mon attention par Frédéric Brosseau, vice-président au marketing et au développement des affaires au cabinet Richter. Il m’a parlé en son nom personnel. Ce père de famille a travaillé dans plusieurs entreprises et a constaté que, en effet, le congé parental constituait souvent un frein à la progression professionnelle de ses collègues mamans.

Alors il a avancé cette idée: pour favoriser l’équité professionnelle, encourageons l’équité parentale. Comment? En offrant les mêmes avantages aux hommes qu’aux femmes en matière congé parental, notamment chez les entreprises. La maman pourrait partir six mois, par exemple, et le papa les six mois suivants.

Pas bête!

Mais que se fait-il répondre lorsqu’il discute de son idée avec son entourage?

«Je ne peux pas me permettre de perdre un gars durant six mois!»

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.