Un lecteur en maudit contre Yellow Media et le système

Publié le 05/03/2012 à 10:02, mis à jour le 05/03/2012 à 10:05

Un lecteur en maudit contre Yellow Media et le système

Publié le 05/03/2012 à 10:02, mis à jour le 05/03/2012 à 10:05

BLOGUE. Il y a quelques semaines, j'ai écrit une chronique dans le Journal sur le fiasco qu'est devenu Yellow Media. À la suite de la parution de cet article, un lecteur m'a envoyé un message en se demandant qui sont les coupables.

Je crois important d'y revenir parce que cette attitude reflète un problème crucial.

D'abord, voici l'essentiel de son message :

« J'aimerais faire ce commentaire sur votre chronique sur Yellow Media du 28 janvier 2012. Les pertes toucheront plus que les petits investisseurs détenteurs d'actions ordinaires. Les obligations se transigent à 50 % de leur valeur et les actions privilégiées à 12 % de leur valeur. Les investisseurs se sont fiés à leurs conseillers financiers de nos bonnes institutions financières québécoises; ces mêmes institutions qui ont planifié et bénéficié des émissions publiques. Ces mêmes institutions dont les experts analystes financiers publient des recommandations d'achat sur les titres en Bourse et sur une entreprise sans avenir comme vous le dites si bien dans votre article. Qui sont les coupables ? Est-ce les banquiers en conflit avec leur désir d'appât du gain ou est-ce les administrateurs rêveurs aux gros salaires et gros bonis non mérités ? On constate que le système est mal réglementé et plein de conflits d'intérêts. Pourquoi les petits investisseurs devraient en payer les frais ? J'espère qu'il y aura un recours collectif pour punir les vrais coupables.»

C'est toujours très désolant de voir des épargnants et des investisseurs perdent une grande partie de leur capital dans une société d'envergure comme Yellow Media. Le message du lecteur dénote une grande déception et je le comprends.

Une fois qu'on a dit cela, il faut faire plusieurs nuances. D'abord, parler de coupables implique qu'un crime ait été commis. Il y a peut-être eu des erreurs, de l'incompétence, des imbécillités (choisissez le mot que vous voulez), mais jusqu'à maintenant, avec l'information en main, on ne peut pas parler de crime. Loin de là.

Il ne faut pas oublier la réalité économique. Il est difficile pour les entreprises de durer et de prospérer. Le monde des affaires est une jungle, où seulement les plus forts survivent. Il y a entre autres la compétition féroce et les changements technologiques qui unissent leur force pour entraver le développement des entreprises.

Je dis cela parce que c'est facile pour un chroniqueur comme moi d'écrire, de mon sous-sol, que tel dirigeant aurait dû faire cela ou n'aurait pas dû faire telle transaction. C'en est une autre lorsque vous êtes assis dans le bureau du président, ayant sous votre responsabilité la vie de milliers d'employés, ayant en tête toutes les ramifications complexes de chaque décision possible et qu'on vous sert, à gauche et à droite, mille et une recommandations contradictoires.

Les présidents sont des êtres humains, susceptibles à l'erreur, comme vous et moi (ce qu'un investisseur ne doit jamais oublier).

Par ailleurs, qu'il y ait des conflits d'intérêts entre les différents intervenants du monde de la finance, là vous avez raison. Il y en a. Il y a aussi des problèmes majeurs avec la régie d'entreprise, les conseils d'administration étant le plus souvent (dans la vraie vie), composés de serviteurs de la direction.

Par contre, lorsque le lecteur mentionne que «le système est mal réglementé», je crois qu'il tombe dans le panneau comme le font bien des gens. Il rêve d'un système si «bien» réglementé qu'il ne serait plus possible d'y perdre de grosses sommes d'argent. Dans ma vie d'investisseur et de journaliste financier, j'ai vu les autorités multiplier les règlements et les lois de toutes les sortes. Malgré ce fardeau réglementaire en explosion, il y a toujours des fiascos, des désastres, des fraudes.

Une fois le coup d'un fiasco comme Yellow Media encaissé, l'épargnant devrait se regarder dans le miroir et faire son mea culpa. Pas qu'il ait été nécessairement négligent, mais comme je l'écrivais dans mon article, il y avait des signes avant-coureurs. De plus, chaque erreur en Bourse, peu importe son importance et son coût, devrait être une occasion pour apprendre.

Je crois que l'épargnant-investisseur a tout à gagner à se prendre en mains, à prendre ses responsabilités, pour s'améliorer et éviter les désastres.

S'il compte sur les organismes de réglementation pour y arriver, il rêve en couleurs et, plus, il ouvre la porte à de nouveaux désastres.

Bernard Mooney

 

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