Garder la tête haute en entrant dans la «maison des exclus»

Publié le 11/12/2019 à 07:00

Garder la tête haute en entrant dans la «maison des exclus»

Publié le 11/12/2019 à 07:00

Un employé qui porte une boîte.

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Comme dans la populaire émission «Occupation Double», on m’a déjà envoyée dans la maison des exclus. Sauf que dans mon cas, il n’y avait pas de caméras, de maquillage et de paillettes... Juste une boîte de carton contenant mes effets personnels. Retour sur une soirée d’élimination...

Je venais de quitter l’entreprise où j’avais commencé ma carrière à titre de secrétaire-réceptionniste. J’y avais fidèlement travaillé pendant neuf ans et j’avais même réussi à gravir les échelons à la suite du départ imprévu de nombreux collègues. Ces derniers avaient décidé de se lancer en affaires sans avertissement ni préavis. Une fois le «tsunami» passé et l’entreprise remise sur pied, mon patron avait finalement décidé de la mettre en vente.

J’étais convaincue que c’était moi qui méritais de l’acheter étant donné qu’en plein chaos, j’étais restée loyale et j’avais aidé mon employeur à relancer le tout. Mais, à mon grand désarroi, mon offre d’achat a été refusée. Démolie, j’ai claqué la porte, le cœur en morceaux.

Quarante-huit heures plus tard, mes ex-collègues de travail m’ouvraient la porte de leur entreprise qui oeuvrait dans le domaine du multimédia et de l’Internet, un secteur porteur et en pleine ébullition.

«Anne, on te connaît, on a déjà travaillé avec toi, tu es bonne dans les ventes, les clients t’aiment, on veut que tu viennes travailler avec nous et on t’offre 15% de notre entreprise...», m’avaient-ils lancé entre deux gorgées de café. J’ai sauté sur l’offre. Quelques jours auront suffi pour que je réalise que j’étais devenue actionnaire d’une entreprise au bord de la faillite.

 

Quand on restructure une entreprise, on dérange!

On s’entend que ce n’était pas du tout la situation qu’on m’avait présentée et j’en voulais à mes nouveaux associés de m’avoir caché la vérité. Est-ce que j’ai décidé de quitter l’aventure? Non. J’ai plutôt choisi de me retrousser les manches et de travailler pour sauver l’entreprise.

C’est alors que j’ai appris une de mes premières et plus importantes leçons en affaires. Lorsqu’on restructure une entreprise, on ne se fait pas beaucoup d’amis. On demande aux gens d’en faire plus avec moins, de travailler différemment et on exige des changements.

Bref, on dérange et ça dérange! Ça crée inévitablement de la bisbille. À un moment donné, j’ai vu des poignards dans les yeux de certains collègues. Ça m’empêchait même de dormir la nuit. J’en suis même venue à douter de moi. Mais je finissais toujours par me ressaisir en me disant que tout ce que je voulais, c’était sauver leurs emplois et le mien.

Mieux encore… j’espérais qu’on réussisse à redresser la situation et même à créer de nouveaux emplois. Ce qui finit par arriver!

 

Soirée d’élimination…

Arrive la journée d'«élimination». Je viens d’embaucher trois employés, l’entreprise est rentable et j’ai envie de déplacer des montagnes tellement je suis heureuse. Jamais je n’aurais pu imaginer le cauchemar qui m’attendait.

Une dame que je ne connaissais pas me bloquait l’accès à mon bureau. «Mais vous êtes qui pour m’interdire d’entrer dans mon entreprise?», avais-je demandé les dents bien serrées.

La veille au soir, il y avait eu un conseil d’actionnaires. De toute évidence, je n’avais pas été invitée. Tout comme dans l’émission «Occupation Double», j’ai vite réalisé qu’un joueur avait profité de mon absence pour faire tout le lobbying nécessaire afin de promouvoir sa stratégie de me faire quitter l’aventure. Et ça a fonctionné!

 

Quand la maison des exclus devient un siège social

Dévastée et envahie par un grand sentiment d’injustice, je me souviens avoir vécu un épisode noir. De peine et de misère, j’ai réussi à retourner chez moi, où un message m'attendait sur le répondeur. Les trois personnes que je venais d’embaucher avaient décidé volontairement de quitter l’aventure pour venir me rejoindre. «Anne, quand tu nous as rencontrés en entrevue, c’est à toi qu’on a dit oui, alors pars-toi en affaires puis nous, on va te suivre...», m’avaient-ils lancé pendant que j’avais encore les yeux bouffis.

Et c’est ainsi que la maison des exclus est devenue le siège social d’une toute nouvelle entreprise en démarrage.

 

L’heure de vérité

Le jour de mon élimination, j’ai compris quelque chose d’important. Sur le coup, j’ai pensé que c’était la fin de mon aventure entrepreneuriale. Finalement, l'aventure n'en était qu'à ses débuts.

Armée de mon audace et de mon instinct de survie, j’ai réussi à me lancer en affaires dans l’un des pires moments de ma vie avec, pour seuls actifs, des paiements à la fin du mois et mes collègues venus me rejoindre dans la maison des exclus.

À l’heure de vérité, est-ce que j’ai un mot pour la personne qui a orchestré mon congédiement? Oui, bien sûr. Il s’agit d’un mot de cinq lettres qui résume les vingt-trois dernières années de mon cheminement entrepreneurial depuis le jour de mon congédiement. Et ce mot sincère, c’est MERCI!

Dans cette histoire d’élimination, jamais je n’ai cultivé un sentiment de vengeance ou de revanche. Grâce à mon congédiement, j’ai pu expérimenter un phénomène entrepreneurial exceptionnel. C’est notre capacité à rebondir d’une situation difficile qui nous amène à ouvrir les portes de notre plein potentiel et à y découvrir qu’est-ce qui se trouve véritablement en nous!

 

À propos de ce blogue

«Je suis devenue une entrepreneure le jour de mon congédiement. L’instinct de survie, mon audace et mes paiements à la fin du mois ont figuré parmi mes plus grands actifs. Depuis, j’encourage les gens à aller au bout de leurs rêves et de leurs ambitions à titre de productrice et animatrice télé, conférencière, chroniqueuse et cofondatrice du mouvement Adopte inc. qui vient en aide à la relève entrepreneuriale. Et maintenant, à titre de blogueuse!» Anne Marcotte est cofondatrice du mouvement Adopte Inc et productrice du Groupe Vivemtia inc.

Anne Marcotte