Qu'en pensent les experts ?

Publié le 20/11/2010 à 00:00, mis à jour le 19/11/2010 à 14:48

Qu'en pensent les experts ?

Publié le 20/11/2010 à 00:00, mis à jour le 19/11/2010 à 14:48

Par Diane BĂ©rard

 

Pratiques douteuses dans l'industrie de la construction et du génie, scandales récents à propos du financement occulte en politique municipale...

Les projecteurs sont plus que jamais braqués sur le sens de l'éthique dans le milieu des affaires publics et privés. Selon un sondage Les Affaires réalisé en partenariat avec le Collège des administrateurs du Québec, neuf administrateurs sur dix constatent des manquements à l'éthique dans leur entourage.

PLUS: Éthique, le grand malaise

Le point de vue de l'éthicien

René Villemure, président et fondateur de l'Institut québécois d'éthique appliquée

" Pour les répondants, l'éthique se résume à un ensemble d'interdits : si ce n'est pas interdit, c'est permis. C'est un point de départ, mais cela demeure de la déontologie. Vous pouvez porter trois regards sur une situation. Le regard juridique : est-ce légal ? Si ce l'est, c'est réglé. Le regard médiatique : de quoi aurons-nous l'air ? Généralement, si c'est légal et que cela ne paraît pas trop mal, ça va. Reste le regard éthique qui demande : est-ce juste ? L'éthique parle de décider lorsqu'il n'y a pas de règle. Cela exige une culture, des valeurs connues et partagées par tous. Je trouve les réponses à ce sondage convenues, elles ne sont pas remarquables, elles ne dénotent pas une grande culture éthique. Et s'il fallait trouver une ligne directrice aux réponses, ce serait : l'éthique c'est moi, le problème c'est les autres !" Cela dit, nous avons tout de même parcouru un chemin formidable. Il y a 15 ans, lorsque j'ai débuté dans cette pratique, l'éthique était exotique. Aujourd'hui, on comprend la notion de conflits d'intérêts et on se rend compte qu'il y a des risques à mal agir. Il reste à reconnaître les avantages de bien agir. Cependant, si l'on se compare à l'Europe, par exemple, je peux vous affirmer que nous vivons dans une société éminemment droite. Le Québec est un État où l'éthique est généralement relativement élevée. " 

Le point de vue de l'administratrice

Louise-Champoux Paillé, administratrice de sociétés

" Les résultats de ce sondage me réconfortent. On sent le doute et les questionnements par l'intermédiaire des réponses. Ainsi, 81,1 % des répondants croient que ce n'est pas le montant mais l'intention qui détermine si un cadeau devient un pot-de-vin. L'éthique est constituée de ces moments où on ne prend pas de décision tout de suite, où il faut trouver le temps de réfléchir, d'analyser et de consulter. D'ailleurs, face à un dilemme éthique, 35 % des répondants consultent leurs collègues ou patron. Le sondage nous apprend aussi que plusieurs répondants sont conscients de l'importance des valeurs en éthique ; 39,6 % associent l'éthique au fait de retenir son geste lorsque c'est nécessaire. Ne pas poser un geste suppose qu'on s'est questionné, qu'il y a un malaise. D'ailleurs, on ne pourra jamais évacuer totalement ce malaise. Et les répondants en sont conscients. Prendre la meilleure décision possible pour soi, son entreprise et la société n'est pas toujours évident. Ce qui explique que, même si les répondants affirment que leur organisation a des valeurs, que celles-ci contribuent à un comportement éthique, qu'il y a un responsable de l'éthique chez eux et qu'on offre de la formation sur ce thème, 90,6 % concluent qu'un débat sur l'éthique en affaires s'impose, parce que des changements sont nécessaires. Ce qui existe présentement a besoin d'être bonifié, reste à trouver comment. " 

Le point de vue de l'entrepreneur

Pascal Pilon, pdg de la société d'ingénierie Averna

" Je suis vraiment étonné que 34,7 % des répondants jugent l'éthique plus élevée dans le secteur public. Ce n'est pas ce que je vis. Les contrats du gouvernement accordés par appels d'offres ne se déroulent pas en mode concurrence. C'est rarement celui qui propose la meilleure valeur au meilleur prix qui l'emporte. Et cela s'explique facilement. Les problèmes d'éthique surviennent dans deux circonstances : quand votre produit n'est pas assez différencié et qu'il faut trouver d'autres façons de gagner ou bien par appât du gain. Les fonctionnaires ayant une capacité d'enrichissement limitée par rapport aux employés du secteur privé, la culture des pots-de-vin est à mon avis plus développée dans le secteur public. Mais le dossier des pots-de-vin n'est pas simple. Je me demande s'il ne s'agit pas d'une question de culture plus que d'éthique. Peut-être que la construction au Québec s'apparente à celle du Maroc ou de l'Algérie, et que la seule façon de décrocher un contrat, c'est de distribuer des pots-de-vin. Briser l'écosystème relève du défi : ou vous jouez le jeu ou vous ne le jouez pas. Pour ce qui est du nombre élevé de répondants jugeant avoir un comportement éthique, c'est facile : chacun a sa propre définition de l'éthique ! C'est pourquoi toute entreprise doit avoir des administrateurs indépendants. La conscience de la boîte, c'est eux. "

Le point de vue du commissaire

Jean Pronovost, Commission sur l'avenir de l'agriculture, Commission du BAPE sur la production porcine, Rapport Brunet

" Certains résultats m'encouragent, d'autres m'inquiètent. Comment 21 % des répondants peuvent-ils affirmer ne jamais ou rarement être placés devant un problème éthique, alors que la société devient plus complexe ? Autre résultat troublant : pour 13,4 % des répondants, avoir un comportement éthique signifie ne pas se faire prendre. Qu'en est-il du concept d'autogouvernance ? Quant à ceux qui considèrent avoir un comportement éthique la plupart du temps ou autant que possible, je me demande : sont-ils non éthiques dans les petites ou les grandes choses ? Répondre que ce n'est pas la taille du cadeau qui en fait un pot-de-vin, mais bien l'intention sous-jacente constitue un terrain glissant. Comment pouvez-vous prouver une bonne intention ? En matière d'éthique, il faut aussi gérer les apparences. Sur le plan positif, je juge que le fait d'utiliser son gros bon sens devant un problème éthique va dans le sens de ce qui est souhaitable. Les normes et les lois ne suffisent pas toujours. Dans certains cas, il faut suivre l'esprit plus que la lettre. Pour finir, certains diront que 70 % des répondants n'ont pas modifié leurs pratiques à la suite des scandales liés à l'éthique. Je retiens plutôt que 30 % ont changé leur comportement et, pour moi, c'est déjà ça de gagné. "

 

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