L'engouement pour les bières de spécialité pousse Molson Coors à se tailler une place dans le marché québécois des microbrasseries. Six Pintes, une entité indépendante du géant brassicole lancée en 2011, fait ces jours-ci son entrée dans les bars et les restaurants, puis la fera plus tard, en août, dans les dépanneurs et les épiceries du Québec.
Pour le moment, Six Pintes offre les marques-phares des deux brasseries artisanales canadiennes acquises par Molson : Creemore Springs Brewery, une microbrasserie ontarienne achetée en 2005, qui a elle-même mis la main sur la Granville Island Brewing Company, de Vancouver, en 2009.
L'entreprise envisage d'élargir l'éventail de bières déjà offertes par ces deux microbrasseries et pourrait même acquérir de petits brasseurs d'ici pour accroître sa présence au Québec.
«Notre priorité est de faire connaître nos marques aux amateurs de bière du Québec, non pas d'acheter une brasserie. Mais on ne ferme pas la porte aux occasions qui se présenteraient», affirme Jennifer Davidson, directrice générale de Six Pintes et qui était jusqu'à récemment vice-présidente, marketing, de Molson Coors au Canada.
En juin, le Fonds de solidarité FTQ est devenu actionnaire majoritaire des Brasseurs du Nord, producteurs de la marque Boréale. Quelques semaines plus tôt, les Brasseurs RJ (Belle Gueule) avait acquis la Brasserie McAuslan (St-Ambroise).
Un nouveau venu qui dérange
L'arrivée de Molson inquiète les microbrasseurs québécois. «Ça vient encore une fois affaiblir la position des microbrasseries, qui doivent se battre contre des géants qui contrôlent la distribution chez les détaillants et qui signent des ententes d'exclusivité avec des bars et des restaurants», déplore Frédérick Tremblay, président de l'Association des microbrasseries du Québec et pdg de MicroBrasserie Charlevoix.
L'intérêt de Molson envers les microbrasseries n'est pas étranger au déclin de la consommation de bière et des produits traditionnels offerts par les grands brasseurs. Car, dans ce marché en déclin, le segment des bières artisanales affiche une croissance depuis plusieurs années.
De plus, «le Québec est le deuxième marché en importance pour les microbrasseurs, derrière la Colombie-Britannique», souligne Mme Davidson, en précisant que le marché des bières de spécialité au Québec présente, depuis 10 ans, un taux de croissance annuel moyen de 9 % sur les bières consommées en établissements et de 4 % sur celles consommées à domicile.
Six Pintes proposera d'abord ses produits dans les marchés de Montréal, de Québec et de Gatineau, mais compte bien être présente dans toutes les régions du Québec dans un proche avenir. Si la société dit compter sur une petite équipe et des budgets limités qui ne lui permettent pas de se lancer dans d'importantes campagnes publicitaires, elle pourra néanmoins s'appuyer sur le vaste réseau de commercialisation et de distribution de son grand frère.
Six Pintes prévoit vendre quelque 7 000 hectolitres (hl) des bières Creemore et Granville en 2013. Ces deux microbrasseries produisent un volume annuel de 75 000 et 85 000 hl respectivement, une quantité similaire à celle des plus grandes microbrasseries québécoises comme les Brasseurs du Nord et RJ. MicroBrasserie Charlevoix en produit quelque 4 000 hl, comparativement à 600 en 2008, et compte doubler ce volume dans un proche avenir.
Le Québec compte une centaine de microbrasseries, dont une grande majorité de brasseries artisanales et de bistros-brasseries, qui produisent plus de 350 000 hl par an. Elles détiennent plus de 6 % du marché. L'industrie prévoit doubler cette part à 12 % d'ici 2017.
