Notre société tolère encore les trains de brousse

Publié le 03/08/2013 à 00:00, mis à jour le 14/08/2013 à 10:17

Notre société tolère encore les trains de brousse

Publié le 03/08/2013 à 00:00, mis à jour le 14/08/2013 à 10:17

C'est autant une abomination qu'une absurdité. On est loin d'avoir fini de dénouer l'écheveau des responsabilités dans la tragédie de Lac-Mégantic, mais d'avoir laissé des matières dangereuses être transportées sur un réseau ferroviaire en aussi mauvais état est abominable.

C'est également absurde, parce que le train a joué un rôle central dans la construction de ce pays. Les villes et les villages ont prospéré d'un bout à l'autre du Canada grâce à la proximité des rails.

Le train est un symbole fondateur du Canada. Mais la dégradation des parcours jugés secondaires le transforme en engin potentiel de destruction. C'est le monde à l'envers.

Il existe à Winnipeg, ville dont l'existence même est liée au rail, un intéressant musée du chemin de fer. On peut y voir des cartes d'époque qui rappellent à quel point le pays était sillonné par les voies ferrées. C'était le reflet d'une économie vigoureuse qui reposait sur l'intensité du trafic ferroviaire.

Évidemment, les temps ont changé. D'autres moyens de transport se sont imposés. Le rail a conservé son importance dans certains corridors stratégiques. Ailleurs, il est progressivement tombé en désuétude. Il en a même résulté de pitoyables trains de brousse, comme celui qui a dévasté Lac-Mégantic.

Et c'est sans parler de la lente agonie du transport des passagers, devenus des citoyens de deuxième classe puisque les trains de Via Rail sont obligés de s'immobiliser sur des voies d'évitement pour laisser passer les convois de blé, de bois, de bestiaux ou... de pétrole, qui ont priorité.

Il est inconcevable que les autorités aient abdiqué en permettant un tel laisser-faire dans la gestion globale du rail et, surtout, dans l'entretien (sommaire) des voies secondaires. Les réseaux de communications terrestres, route ou rail, servent d'épine dorsale aux sociétés qu'ils desservent. Sauf exception, ils relèvent du patrimoine public.

Il peut arriver qu'une ligne, un trajet, devienne obsolète au point qu'il ne soit plus jugé essentiel. Les grandes sociétés ferroviaires en ont abandonné qui couvraient des milliers de kilomètres au pays. Soit. Pourquoi alors laisser des exploitants modestes s'en servir alors qu'ils sont à peine capables d'assurer leur bon état ?

On trouve ici et là des organisations compétentes et indépendantes en mesure de relancer des voies laissées pour compte. C'est le cas, par exemple, du Train du Massif de Charlevoix, malgré les difficultés auxquelles il se heurte (à lire en page 7). Mais, pour un objet de fierté du genre, combien de bombes à retardement circulent sur les rails dans le pays ?

Il aura fallu que les citoyens de Lac-Mégantic paient bien cher pour que cette question légitime soit entendue aujourd'hui par les gouvernements.

Via Rail ferme ses gares

L'image des trains de passagers a également souffert, en cette fin de juillet, à la suite des accidents meurtriers en France, en Espagne et en Suisse.

Ici, Via Rail a également retenu l'attention, mais pour une autre raison. La société a fait savoir qu'à compter du 25 octobre elle réduirait radicalement les services offerts dans la plupart de ses gares régionales au Québec.

Seules celles de Dorval, Montréal, Sainte-Foy et Québec maintiendront l'ensemble de leurs activités. D'autres, comme à Drummondville ou à La Tuque, resteront ouvertes, mais sans comptoir de vente de billets. On passe à l'ère du libre-service. Ailleurs, elles seront fermées, même si le train continuera d'y prendre des passagers, sur demande. Si vous devez prendre le train à Mont-Joli, à une heure du matin, vous devrez attendre dehors ou dans une auto. Même en plein hiver.

On voudrait anéantir l'usage du train en région qu'on ne s'y prendrait pas autrement. C'est vrai que Via Rail demeure dans le rouge et que les trajets les moins fréquentés sont les plus déficitaires, mais aux dernières nouvelles, il s'agissait encore d'un service public.

D'autant que, malgré tous les efforts du personnel, la performance de ces trains reste, au mieux, passable. Comme on le disait plus tôt, ils arrêtent régulièrement pour laisser la place aux trains de marchandises, car les voies sont toujours la propriété du CN et du CP.

Imaginez que vous invitiez des amis à manger dans un appartement loué, et que vous leur demandiez de sortir trois fois ou plus pendant la soirée parce que le propriétaire passe ramasser quelques effets personnels ? Et on se demande après pourquoi le train n'est pas plus populaire !

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Vos réactions

«Notre population souffre d'une certaine mentalité de perdant. Notre histoire est jonchée de batailles perdues qui s'insèrent dans notre défaitisme. Nous avons développé un genre de névrose, parce que de nombreuses tentatives, tant politiques que sociales, ont échoué lamentablement.»

- Financius

«Évidemment, au Québec, nous sommes entrés dans la zone declining revenue et les politiciens continuent de taxer de plus en plus, car ils ne comprennent rien à la finance. Ils veulent garder l'appui d'une majorité de Québécois qui vivent aux crochets des autres.»

- Incubus

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

rene.vezina@tc.tc

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