La Grèce met la zone euro à risque

Publié le 13/02/2010 à 00:00

La Grèce met la zone euro à risque

Publié le 13/02/2010 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Il ne faut pas prendre ce qui se passe dans les marchés financiers européens à la légère. Les obligations de 10 ans de la Grèce s'échangeaient récemment à quatre points de pourcentage de plus que le rendement des titres d'un même terme de l'Allemagne, l'État le plus fort des 16 pays de la zone euro.

La Grèce est mal en point et il y a risque de contagion dans les marchés financiers. Le pays dirigé par George Papandreou affiche un déficit budgétaire de 12,7 % de son produit intérieur brut (PIB), et sa dette atteindra cette année 113 % de son PIB. Or, la Grèce prévoit emprunter au cours des prochains mois plus de 50 milliards d'euros pour ses besoins courants et pour refinancer sa dette.

Ce sera très difficile, sinon impossible. Ayant perdu sa crédibilité après avoir trafiqué les estimations de son déficit de l'an dernier (un héritage de l'administration précédente), le gouvernement grec a promis de ramener le déficit de 2012 à 3 % du PIB, conformément au Traité de Maastricht. Comment ? En haussant les impôts des riches et en réduisant les dépenses. C'est plus facile à dire qu'à faire.

En effet, non seulement les finances de ce pays sont dans un état lamentable à cause de la mauvaise gestion de l'État (explosion de la fonction publique, généreuses rentes de retraite à 60 ans pour tous les employés de l'État, etc.), mais aussi, les fonctionnaires, les retraités et les syndicats font la sourde oreille aux demandes de sacrifices exprimées par leur gouvernement. Les grèves ont commencé. Même les prostituées (elles sont enregistrées et syndiquées) ont manifesté récemment pour que leur secteur soit protégé contre des travailleuses au noir d'origine russe et bulgare.

Pire, le plan d'action du gouvernement est miné par le prix Nobel et ancien économiste en chef de la Banque mondiale, Joseph Stiglitz, qui, en tant que conseiller de M. Papandreou, propose au gouvernement grec d'injecter davantage d'argent dans l'économie pour la relancer. M. Stiglitz estime que la Grèce devrait être aidée par la France et l'Allemagne, ce à quoi la chancelière Angela Merkel a opposé une fin de non-recevoir.

Puisqu'il en va de la crédibilité de son dispositif monétaire, la Commission européenne entend évidemment résoudre elle-même les problèmes de la Grèce. Pour sa part, la Banque centrale européenne ne peut apporter qu'une aide limitée, car elle n'a pas le droit acheter d'obligations émises par les pays membres de la zone euro. Ce sont donc plutôt les États membres du Conseil européen (27 pays) qui devront s'occuper de la Grèce, advenant son incapacité à se financer à un coût acceptable. Une autre solution serait l'intervention du Fonds monétaire international (FMI), mais ce serait une trop grande humiliation pour le Conseil européen et les signataires du Traité de Maastricht, et un très mauvais message pour la crédibilité de l'euro.

La devise européenne est malmenée; sa valeur est passée de 1,45 à 1,37 $ US en trois semaines, malgré le fait que le dollar américain inquiète lui aussi, en raison de l'important déficit budgétaire des États-Unis (10,6 % du PIB), et des 8,2 millions d'emplois perdus depuis le début de la récession, les plus importantes pertes depuis la Grande Dépression. Les États-Unis comptent maintenant 25 millions de chômeurs, de chercheurs d'emplois découragés et de travailleurs qui occupent un emploi précaire. Cela représente 16,5 % de la main-d'oeuvre américaine.

La pression sur l'euro risque de s'accroître, car plusieurs autres pays affichent des déficits budgétaires et un endettement élevés. Ainsi, Royaume-Uni prévoit un déficit équivalant à 14 % de son PIB en 2010, l'Espagne, 12 %, le Portugal, 9 %, et l'Italie, 5 %. Quant à l'endettement de l'État, il représente 115 % du PIB en Italie, 75 % au Portugal, et 60 % en Espagne. En Irlande, la situation est aussi difficile.

Quand ces gouvernements et bien d'autres frapperont à la porte des marchés financiers pour combler leurs énormes besoins de financement, il est certain que les prêteurs exigeront des taux de rendement à l'avenant, et qu'ils leur demanderont de réduire leurs dépenses et d'accroître les recettes fiscales.

Cela exercera une pression accrue sur l'euro et menacera la reprise de l'économie mondiale, ce qui ne sera pas sans conséquence pour les marchés financiers. Pour les investisseurs boursiers, la prudence s'impose.

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