Emploi : il était temps que Québec change de ton

Publié le 12/10/2013 à 00:00, mis à jour le 10/10/2013 à 09:46

Emploi : il était temps que Québec change de ton

Publié le 12/10/2013 à 00:00, mis à jour le 10/10/2013 à 09:46

Le gouvernement Marois vient d'affirmer qu'il entendait faire de la création d'emplois l'objectif central de sa politique économique. De là le titre du document qu'il vient de présenter, «Priorité Emploi».

La bonne nouvelle, c'est qu'il reconnaît enfin l'urgence d'aider au dégel de l'investissement privé au Québec.

La moins bonne, c'est que ces intentions arrivent plutôt tard et que, dans l'état chancelant de l'économie actuelle, il est impossible de savoir si les entreprises vont accepter la perche qu'il leur tend et créer des emplois.

Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, en est lui-même conscient, même s'il se veut résolument optimiste. Dans un entretien qu'il nous a accordé le 7 octobre, mon collègue François Pouliot et moi-même lui avons demandé : «C'est beau d'offrir toute l'eau du monde au cheval, mais s'il ne veut pas boire, qu'est-ce qu'on fait ?» Sa réponse : «On peut au moins faire en sorte que l'eau ait bon goût.»

En d'autres termes, il faudra se croiser les doigts. Dans l'intervalle, Québec se résout à prendre les devants en y allant de ses propres initiatives. De là, l'accélération des investissements publics pour moderniser les écoles et d'autres établissements publics de sport et de loisir. Il y en a pour 430 millions de dollars. D'une façon ou d'une autre, ce ne sera pas superflu : en date de juin dernier, au moins huit écoles, dont six dans la région de Montréal, avaient dû être fermées pour cause de moisissures. En entreprenant les travaux sans tarder, on soutiendra aussi le marché de l'emploi dans la construction. Personne ne peut être contre.

De même, le retour des programmes de rénovation devrait aider, même si, à force de mesures incitatives, il doit rester moins de fenêtres à remplacer au Québec... Que ce soit pour de la rénovation «verte» (EcoRenov) ou de la rénovation visant à réduire la consommation d'énergie (Rénoclimat), Québec consentira 315 M$ sur trois ans, espérant ainsi générer un milliard de dollars en investissement privé et 6 200 emplois. En ce qui concerne EcoRenov, un crédit de 20 % sera offert (à partir d'un seuil de dépenses de 2 500 $), jusqu'à concurrence de 10 000 $.

Bien. Il y a de bonnes chances que les consommateurs soient au rendez-vous.

La situation se complique quand vient le moment d'évaluer la réaction des entreprises aux avances qui leur sont faites.

Le gouvernement entend utiliser l'électricité québécoise, propre et abordable, pour attirer des investissements privés en puisant dans les surplus d'Hydro-Québec, tout en abaissant les tarifs. La stratégie pourrait fonctionner. Reste à voir ce que nous en retirerons. Devenir, par exemple, le haut lieu international des centres de données (qui consomment énormément d'électricité) ne provoquerait que des vaguelettes sur le marché de l'emploi en regard de la dot que nous offririons en énergie.

L'usine désaffectée de Rio Tinto Alcan, à Beauharnois, doit accueillir sous peu le plus important centre d'hébergement Web du monde, celui de la française OVH, qui comptera 360 000 serveurs. Environ 110 emplois seront créés. Tant mieux pour la ville. Mais le journal Le Monde calculait récemment qu'un centre près de quatre fois moins gros exigeait 14 mégawatts d'électricité. Sur cette base, on peut donc présumer qu'il faudra 50 ou 60 MW à Beauharnois, ce qui signifie l'équivalent de 0,5 MW d'électricité par emploi créé... C'est énorme, presque assez pour répondre aux besoins d'une municipalité de 1 000 habitants... Sans compter qu'à l'avenir, nous céderons l'électricité à prix d'aubaine, bien en deçà de son coût de revient !

Nous y gagnerons bien davantage si le Québec réussit à se hisser au rang de référence mondiale en matière d'électrification des transports, autant individuels que collectifs. Le savoir-faire des Québécois est reconnu, et nos innovations de haut niveau ont été nombreuses. On peut légitimement croire à la mise en place d'une grappe industrielle autour de ce projet d'électrification si tout le monde pousse dans le même sens. Mais elle ne surviendra pas du jour au lendemain, en tout cas pas à l'intérieur de la période de trois ans que s'est donnée le gouvernement pour relancer l'emploi au Québec.

S'il veut y parvenir, il doit commencer par le début : mettre en place un environnement favorable à l'investissement et abandonner la méfiance qui semblait l'habiter, hier encore, face aux milieux d'affaires. Ce serait là le message le plus convaincant.

rene.vezina@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

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