De la dérive de la Caisse à l'obsession pour les Desmarais

Publié le 14/02/2009 à 00:00

De la dérive de la Caisse à l'obsession pour les Desmarais

Publié le 14/02/2009 à 00:00

Dans tout le fatras de mauvaises nouvelles qui accablent la Caisse de dépôt et placement, il y en a au moins une qui - en théorie - peut servir de réconfort : l'attachement solide des Québécois à son endroit.

À preuve, les nombreux commentaires qu'a suscités un texte récent sur le blogue que j'écris sur LesAffaires.com, intitulé "Désolant quizz : trouvez le responsable de la débâcle à la Caisse de dépôt".

Tout le monde sait que les résultats de l'exercice 2008, qui seront connus à la fin février, seront épeurants. Quelle sera l'ampleur de la perte ? Comment une telle glissade a-t-elle pu survenir ? Les couteaux sont en train d'être affûtés. Une atteinte de cette ampleur au capital de la Caisse et à notre fierté collective ne pourra rester impunie. L'indignation est légitime, tout comme le désir de trouver les responsables, ne serait-ce que pour ne pas répéter pareille débandade. Sauf qu'il ne faut pas pour autant prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages... Gardons notre calme.

À travers le flot de commentaires suscité par la question posée, un m'a fait sursauter. Il a fallu que je le relise pour réaliser que ce n'était pas une blague. Voici la première phrase : "Il s'agit d'un complot fédéraliste dirigé par les Desmarais pour isoler le Québec et les Québécois advenant un prochain référendum."

Et c'est reparti ! Il fallait d'y attendre : les amateurs de conspirations s'éclatent ces temps-ci. Si ça va mal, c'est la faute d'influences occultes. Du mal. Et la personnification du mal, c'est le pouvoir mal intentionné. Donc les Desmarais. C't'évident.

Comment aurait-on pu machiner pour infiltrer et miner la Caisse de dépôt ? C'est un détail, et il est secondaire. Ce qui compte, c'est le mobile. Affaiblir le Québec en frappant un des symboles de son émergence économique, la Caisse. Après coup, Power Corp. est allée repêcher Henri-Paul Rousseau, l'ex-président de la Caisse. L'affaire est entendue.

Un tel délire ferait sourire s'il ne trahissait pas la répugnance viscérale de bien des Québécois devant le pouvoir et l'argent. Les puissants, c'est clair, sont contre "nous".

Pour tenter de comprendre ce qui est en cause, cette obsession pour les Desmarais, décortiquons les faits.

Il est bien connu que Paul Desmarais apprécie le pouvoir et les gens de pouvoir. Dans son livre The Titans, Peter C. Newman parle du penchant de M. Desmarais pour les grands dirigeants, et ce réseau l'a fort bien servi pour mener ses affaires dans le monde. Parmi ses conseillers, écrit M. Newman, on retrouvait entre autres Helmut Schmidt, autrefois chancelier de l'Allemagne fédérale, Paul Volker, ancien président de la Réserve fédérale (aujourd'hui membre de la garde de Barack Obama), Wei Ming Yi, alors président du conseil d'une grande société d'investissement chinoise, Sheikh Ahmed Zaki Yamani, ancien ministre saoudien du pétrole, et bien d'autres, sans oublier son allié de toujours, le baron Albert Frère, de Belgique.

Au passage, il est devenu l'homme d'affaires canadien le plus puissant dans le monde, l'un des premiers à s'implanter en Chine, où il avait cultivé son réseau. Pour Peter Newman, il est le "roi Paul", le titan des titans.

En même temps, Desmarais ne se gênait pas pour affirmer ses convictions fédéralistes, ce qui l'a rendu suspect aux yeux des nationalistes purs et durs. Il en est résulté des situations bizarres, comme un épisode concernant Le Soleil. Pour ceux qui l'ont oublié, Power avait essayé d'acheter le quotidien québécois en 1973, mais le premier ministre Robert Bourassa l'avait menacé d'une loi spéciale. Vous connaissez la suite : Le Soleil a fini par rejoindre les rangs de Gesca, après avoir été propriété d'Unimédia puis de Southam, sous la baguette de Conrad Black. Des années d'errance et de désillusions... Demandez aux journalistes du Soleil, aujourd'hui, s'ils pensent que Paul Desmarais est le diable en personne.

En vérité, les Québécois aiment le pouvoir, comme tout le monde, quand il penche de leur côté. Sinon, il devient abject. De là cette propension à accabler les gens de pouvoir de tous les maux. Si ce symbole de notre émancipation qu'est la Caisse a dérapé, c'est forcément le fruit d'une sombre machination.

Mais si c'était simplement une combinaison d'incompétence et d'appât du gain, attisée par la perspective de primes juteuses ?

Je ne donnerais pas le bon Dieu sans confession au clan Desmarais; ils ont dû écraser quelques orteils pour faire leur chemin. Mais je préfère la richesse à la misère, le pouvoir à la soumission. Leur succès montre que nous ne sommes pas nés pour un petit pain.

rene.vezina@transcontinental.ca

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