Blâmer les journalistes comme on blâme le thermomètre

Publié le 13/12/2008 à 00:00

Blâmer les journalistes comme on blâme le thermomètre

Publié le 13/12/2008 à 00:00

Il y a quelques années, Fernand Magnan, alors propriétaire de la station de ski du Mont Orford, avait demandé à MétéoMédia d'abandonner les références au "refroidissement éolien". Les skieurs, disait-il, avaient l'impression qu'ils gèleraient sur les pentes et renonçaient à sortir, ce qui nuisait à ses affaires.

Les météorologues sont restés sur leurs positions et l'expression est encore utilisée, parce que l'information qu'elle donne est utile. Il est utile, en effet, de savoir quelle est l'intensité du froid que l'on ressentira avec le vent, ne serait-ce que pour s'habiller en conséquence.

Mais la question mérite d'être posée : à partir de quel moment un surcroît d'informations peut-il être néfaste ? Ces jours-ci, en tout cas, elle revient sur le tapis et met en cause un autre type de refroidissement : la crise financière, omniprésente... entre autres parce qu'on en parle sans arrêt.

C'est du moins le sentiment d'un bon nombre de citoyens, qui s'interrogent sur l'impact qu'ont les mauvaises nouvelles servies à répétition. "Comment voulez-vous que les gens retrouvent un peu de confiance quand ils se lèvent en se faisant dire que la Bourse de Tokyo est en train de dégringoler, et se couchent après avoir appris que telle société supprimera des milliers d'emplois", me lançait récemment un lecteur. Un peu plus et on dirait que les médias sont responsables de la crise... L'accusation revient de plus en plus fréquemment.

Prenons un grand respir.

Je peux comprendre l'amertume ambiante, le désarroi de tous ceux et celles qui voient fondre leurs économies, quand ils ne craignent pas de perdre leur emploi.

Mais les médias ne sont qu'un écho : leur rôle est de relater ce qui se passe dans la société. Et ce qui s'y passe n'est pas joli. La débâcle, tout le monde en convient, est issue d'un accès trop facile au crédit, un mal qui a d'abord germé aux États-Unis. S'en est suivi l'efrondement du marché immobilier, qui a provoqué l'écroulement des marchés financiers.

Aurait-il suffi de ne pas en parler pour que le calme revienne ? Tout comme il suffirait de ne pas regarder le thermomètre pour ne pas sentir le froid ?

C'est vrai qu'on vous a servi à profusion des manchettes du genre "Les marchés boursiers subissent une autre baisse". Mais considérez le fait suivant : il existe un indicateur de volatilité des Bourses, le VIX, et qu'on peut négocier sur le marché des options de Chicago. Il est apparu en 1993, et jamais tout au long de ces 15 années il n'a subi de mouvements aussi brutaux que ceux que l'on connaît depuis octobre. Votre imagination ne vous trompe pas : les marchés boursiers font effectivement du bungee depuis l'automne. Les manchettes que vous lisez ou entendez n'ont pas inventé le phénomène : elles en rendent compte.

Cela étant dit, il faut l'admettre : Good news is no news, comme disent les Anglais. La une des journaux fait davantage vendre lorsqu'elle montre une catastrophe, c'est connu. Mais la nature humaine est ainsi faite. Vous serez vous-même plus empressé de donner un coup de fil à vos proches si vous apprenez une mauvaise nouvelle. Les médias sont à peine différents.

Encore que... Je reconnais que, parfois, dans le métier, nous sommes un peu sombres, pour ne pas dire gribous.

Jean-Marc Lafond, qui m'écrit de temps à autres, vient justement de me soumettre un exemple qui porte à réfléchir.

Il y a une dizaine de jours, des journaux ont titré "Baisse des profits des banques de 40 %". Il souligne qu'on aurait pu parler du verre à moitié plein et écrire "Les banques canadiennes réussissent à maintenir des profits très respectables dans les circonstances", ce qui aurait permis, dit-il, de rassurer les gens.

Touché ! Mais, saviez-vous que les journalistes qui tentent de mettre la crise en perspective se font régulièrement traiter de jovialistes ? C'est mon cas. "Incapable de reconnaître la gravité de la déroute", me suis-je fait dire, avec, comme sous-entendu, "vendu à quelque intérêt occulte". Un peu plus tôt, par contre, on m'avait traité "d'alarmiste qui voit tout en noir". Je suis un chroniqueur aux personnalités multiples, en somme !

C'est assez pour se sentir comme dans le film Ne tirez pas sur le pianiste, ou pour compatir avec le facteur qui se fait reprocher de livrer des factures. Notez qu'un journal comme Les Affaires se fait un devoir d'ouvrir toutes les fenêtres qu'il peut (à preuve notre manchette de la semaine dernière sur un possible rebond en Bourse). Mais la crise est la crise. À moins de porter des lunettes roses, elle ne peut échapper à notre regard... ni au vôtre.

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