Vite, un écosystème pour favoriser le «repreneuriat»

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Vite, un écosystème pour favoriser le «repreneuriat»

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Yvon Bolduc : «Avec près du tiers des entrepreneurs québécois qui s'apprêtent à céder leur entreprise d'ici 2018, comment peut-on mieux accompagner les cédants ? Que doit faire le Québec pour faciliter la cession d'entreprises de ceux qui sont prêts à passer le flambeau et pour inciter ceux qui ne le sont pas à y réfléchir sérieusement ?»

Une des particularités de l'entrepreneuriat du Québec francophone, c'est qu'il est relativement récent. «Il n'y a donc pas de repères historiques pour guider les entrepreneurs d'ici qui voudraient passer le flambeau à leurs enfants ou à un repreneur externe», explique Luis Cisneros, directeur du Centre international des familles en affaires et professeur à HEC Montréal.

Une autre particularité, poursuit-il, c'est que l'entrepreneur québécois est réticent à se faire accompagner par des consultants extérieurs dans le transfert de son entreprise.

«Il est prêt à recruter des experts en fiscalité, en droit des affaires, mais pas en transfert d'entreprises, note M. Cisneros. Il ne sait pas qu'il a besoin d'outils pour réussir son transfert. En fait, la seule personne en qui l'entrepreneur québécois typique a confiance est un autre entrepreneur qui a réussi son transfert.»

Comme d'autres entrepreneurs dans le monde, l'entrepreneur québécois qui pense à céder son entreprise ne le crie pas sur tous les toits : cela risquerait de faire baisser le prix qu'il obtiendrait pour son entreprise. Cela aussi fait partie du problème : ils seront bientôt nombreux à atteindre l'âge de la retraite, mais ils ne s'affichent pas !

Nouvelles initiatives

Fort de ces constatations, M. Cisneros s'apprête à lancer un observatoire sur les meilleures pratiques en transfert d'entreprises familiales et PME. On y documentera des cas observés au Québec et dans le monde, au bénéfice des cédants.

Mais encore faudra-t-il rejoindre ces derniers. C'est dans cet esprit que neuf centres de transfert d'entreprises (CTE) dans autant de régions du Québec ont été mis sur pied depuis 2011. Ces CTE sont en train de constituer des banques de repreneurs et de cédants de leur territoire, avec l'aide des chambres de commerce, des regroupements d'entreprises et d'autres organismes liés aux gens d'affaires.

Le programme durera trois ans et on espère qu'il sera renouvelé, indique François Corbeil, responsable du CTE de Montréal. Le défi sera aussi de relier les répertoires entre eux pour qu'un cédant de Saguenay puisse avoir accès à un repreneur de Montréal, s'il le faut. «Nous espérons avoir une banque provinciale d'ici la fin 2013», indique-t-il. Le plus important facteur de réussite de ce répertoire sera l'adhésion des regroupements d'entreprises et l'aspect confidentialité des participants inscrits.

Campagne de sensibilisation

Tous les intervenants consultés par Les Affaires réclament la mise sur pied d'une campagne de sensibilisation à l'échelle provinciale auprès des entrepreneurs de plus de 55 ans. «Si le ministère du Revenu pouvait mettre un encart dans sa communication écrite avec le dirigeant d'entreprise, ce serait génial !» s'exclame M. Corbeil.

Chez Raymond Chabot Grant Thornton, Éric Dufour, le leader national en transfert et continuité d'entreprises, pense que la priorité au Québec est de «conforter les cédants» dans leur cheminement.

En France, fait-il observer, c'est aux repreneurs qu'on donne priorité.

«Ici, les résistances des cédants sont fortes», poursuit M. Dufour. Un des facteurs de résistance est intergénérationnel : le baby-boomer a inculqué une culture du «one-man-show» à la tête de l'entreprise, tandis que le X travaille davantage en équipe et veut une meilleure conciliation travail-famille, indique-t-il.

En outre, le baby-boomer se croit immortel. «On est obligé de lui rappeler qu'il pourrait mourir demain matin et de lui demander : qu'est-ce que ta femme ferait avec ton entreprise ?» raconte M. Corbeil.

Une autre résistance est liée à l'inquiétude financière. À cet égard, les experts estiment que la fiscalité canadienne est injuste pour le cédant, en lui refusant une déduction fiscale quand il transfère son entreprise à son enfant. Pour l'entrepreneur, cette iniquité se traduit par une perte de près de 200 000 $, qu'il ne subira pas s'il vend son entreprise à un tiers.

Aller de l'avant

Au cours des prochaines années, il faudra multiplier le nombre d'accompagnements de cédants, croit Sylvain Darche, responsable de la région de Montréal chez Raymond Chabot Grant Thornton. «Cela veut dire de la formation, du coaching, un diagnostic et un suivi», précise-t-il. La pratique du conseil en entreprise devrait aussi être revue, de façon à offrir une approche intégrée au cédant. «À l'heure actuelle, chaque type de conseiller accompagne le dirigeant dans un aspect du transfert de son entreprise - le comptable regarde la comptabilité, l'avocat, le droit, etc. -, mais le dirigeant a besoin d'être accompagné dans toutes les facettes, y compris le volet psychologique, trop souvent négligé.»

L'écosystème qui est en train de se bâtir au Québec autour de l'entrepreneuriat et du «repreneuriat» est tout jeune. Raison de plus pour «regrouper nos forces», selon M. Cisneros, entre universités, écoles, regroupements d'entreprises et chambres de commerce.

22 000

Déficit prévu de relève entrepreneuriale au Québec de 2015 à 2020.

Source : Fondation de l'entrepreneurship

SON COMMENTAIRE

Selon le gouvernement du Québec, 55 000 entrepreneurs céderont leur entreprise d'ici 2018. Si chaque entrepreneur emploie trois personnes, ce sont au moins 165 000 emplois qui seront touchés. Certes, tous ces emplois ne sont pas en danger, mais il n'en demeure pas moins que la relève est un défi de taille. Comment assurer la pérennité des entreprises québécoises qui seront cédées au cours des prochaines années ? Un lien de confiance est primordial entre le cédant et les professionnels qui l'accompagneront. La proximité entre le cédant, le repreneur et les spécialistes est un facteur clé à cet égard. L'importance d'un réseau d'experts aguerris en matière de relève et l'accès à du financement flexible ne doivent pas être sous-estimés non plus. Le repreneur doit aussi avoir un plan pour assurer la pérennité de l'entreprise : c'est l'héritage de l'entrepreneur ! C'est dans l'intérêt du Québec et de la communauté locale ainsi que dans celui de la famille du cédant.

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