Spectra Premium pourrait se rapprocher de ses clients américains

Publié le 20/08/2011 à 00:00

Spectra Premium pourrait se rapprocher de ses clients américains

Publié le 20/08/2011 à 00:00

Par François Normand

Spectra Premium caresse l'idée de s'implanter aux États-Unis, son principal marché international, pour se rapprocher de ses clients.

"C'est une possibilité, si on décrochait un gros contrat pour notre réservoir d'essence sur une chaîne de montage", précise Denis Poirier, vice-président exécutif et chef de la direction financière du manufacturier de composants automobiles de Boucherville.

Aucun investissement en ce sens n'est prévu à court terme, mais les avantages d'une implantation aux États-Unis sont indéniables.

Fondée en 1989, Spectra Premium a deux activités : la fabrication de composants de remplacement (réservoirs, radiateurs, etc.) vendus aux détaillants de pièces automobiles et la fabrication de réservoirs à essence pour voitures neuves vendus directement à General Motors, Ford et Chrysler. L'entreprise fabrique, entre autres, le réservoir pour la Volt de Chevrolet, une voiture électrique.

C'est dans ce second segment de marché (20 % des revenus) que Spectra Premium n'exclut pas de créer une coentreprise pour fabriquer des réservoirs neufs près des installations de constructeurs automobiles.

Actuellement, ces réservoirs sont fabriqués à l'usine principale de l'entreprise, à Boucherville, puis livrés directement aux manufacturiers américains. Un bureau d'ingénierie et de vente à Windsor, en Ontario, en face de Detroit, permet aussi d'avoir une relation étroite avec les constructeurs.

Fabriquer des réservoirs à proximité de chaînes de montage permettrait aux ingénieurs de Spectra Premium d'avoir des contacts plus fréquents avec leurs homologues des constructeurs et de réduire les coûts de transport.

Conditions pour s'établir aux É.-U.

Pour justifier une telle implantation, Spectra Premium doit avoir la certitude que le projet est viable, précise Denis Poirier. "Avant d'investir, nous devons être engagés dans un gros projet d'un constructeur automobile, en plus d'avoir l'assurance de sa réussite à long terme."

Implanter une usine près d'une chaîne de montage est aussi possible en Europe ou en Asie, si les conditions le permettent. "Nous avons une technologie assez spéciale en ce qui a trait à l'ingénierie et à la fabrication. Nous n'excluons pas une alliance stratégique pour la fabrication des réservoirs à essence", précise M. Poirier.

Comment vendre aux détaillants américains

L'installation en sol américain est toutefois exclu pour son autre secteur d'activité, la vente de composants de remplacement, qui représente 80 % du chiffre d'affaires de Spectra Premium. "Nous allons continuer d'exporter à partir du Canada, où nous avons quatre usines", dit-il.

Aux États-Unis, ses principaux clients dans ce segment sont des géants comme Carquest, Napa et AutoZone.

Ses deux entrepôts aux États-Unis, l'un à Ontario, en Californie, le second à Knightstown, en Indiana, lui permettent de stocker des pièces et des composants dans des villes stratégiques et d'approvisionner ainsi les milliers de succursales de ses clients.

Spectra Premium a toutefois dû être patiente avant de se faire connaître des gros détaillants, confie Denis Poirier. "Nous avons fait deux acquisitions aux États-Unis pour nous faire connaître."

En 1999, elle a acheté deux petits distributeurs de pièces, AARS, de Chicago, et NRS, de Boston, ce qui lui a permis de faire connaître ses produits. Spectra Premium a toutefois revendu ces entreprises en 2005 et en 2006, car ses activités de distribution étaient en concurrence avec de gros détaillants, les clients qu'elle sollicitait.

En 1997, Spectra Premium avait aussi mis la main sur American Designers, un fabricant de réservoirs à essence établi en Indiana, qui gérait une vingtaine d'entrepôts. La production a toutefois été transférée au Québec et les entrepôts ont été vendus en 2006.

Dans l'industrie des pièces automobiles, il faut être capable de livrer en tout temps 95 % des commandes passées par les clients, ce qui nécessite une gestion efficace des stocks. Pour y arriver, Spectra Premium recourt à des bases de données sur le type et l'âge des véhicules en circulation dans les États américains. Elle peut ainsi prévoir les besoins des détaillants et permettre à ces derniers de stocker davantage les pièces en demande.

94 M$ Montant de la privatisation de Spectra Premium, en 2007, qui a été rachetée par ses cadres supérieurs. | Source : Droit inc.

ACCROÎTRE LA PRODUCTIVITÉ POUR CONTRER LA FORCE DU HUARD

Risque de change...

Spectra Premium réalise 80 % de ses ventes aux États-Unis. Ses revenus dépendent donc grandement du taux de change. L'entreprise n'aurait pas imaginé, il y a cinq ou six ans, pouvoir résister comme elle l'a fait à l'envolée du huard par rapport au dollar américain. "Jamais je n'aurais pensé que nous pouvions survivre à un dollar canadien à 1,05 $ US", dit Denis Poirier, vice-président exécutif et chef de la direction financière. En 2005-2006, le huard oscillait entre 0,80 et 0,90 $ US. Or, depuis le 1er février, il est resté au-dessus de la parité. Spectra Premium a atténué l'effet de change sur ses résultats en faisant des gains de productivité. Elle a aussi réussi à convaincre trois clients - GM, Ford et Chrysler - de la payer en dollars canadiens, ce qui lui évite de devoir convertir 20 % de ses revenus.

Risque de protectionnisme

En sol américain, Spectra Premium fait face au protectionnisme. À produit égal (même qualité, même prix), les entreprises américaines vont souvent préférer les produits made in USA. "C'est toujours difficile de déloger des manufacturiers établis aux États-Unis", dit Denis Poirier. Pour faire face à ce risque, Spectra Premium a bonifié son offre. Comment ? En améliorant la qualité de ses produits et de son service, puis en anticipant les besoins des détaillants de pièces automobiles comme Carquest.

Risque d'approvisionnement

Comme Spectra Premium achète une bonne partie de ses matières premières en Chine et au Japon, toute perturbation des voies maritimes commerciales - en raison d'un conflit ou d'une catastrophe naturelle - pourrait provoquer des arrêts ou des retards de production.

80 % Parts de marché de Spectra Premium en Amérique du Nord dans les réservoirs à essence de voitures, dont la Volt de Chevrolet. Source : Spectra Premium

Spectra Premium en chiffres¹

Des revenus en hausse de 10 % depuis 2006

(Revenus annuels, en millions de dollars canadiens)

2006 266 M$

2010 292 M$

Les pièces de remplacement, principal marché

Ventes aux détaillants de pièces automobiles (80 % des revenus)

Réservoirs à essence

Pièces reliées au systèmede climatisation

Radiateurs

Pièces neuves vendues aux manufacturiers automobiles (20 % des revenus)

Réservoirs à essence

Les Américains, principaux clients

(Répartition géographique des revenus en 2010)

États-Unis 78 %

Canada 20 %

Europe 2 %

Spectra Premium, c'est...

4 usines (Boucherville, Québec, Laval, Calgary)

2 entrepôts aux États-Unis (Californie, Indiana)

1 bureau d'ingénierie et de vente (Windsor, Ontario)

1 200 employés (1 100 au Canada, 100 aux États-Unis)

Source : Spectra Premium ¹ L'entreprise ferme son capital au début de 2007.

Dans cette série, nous décodons la stratégie internationale d'une entreprise québécoise et analysons ses risques.

Sur le Web, Les Affaires s'associe à L'actualité, Canadian Business, The Report on Business, The Economist Intelligence Unit et à la Banque HSBC pour offrir un site axé sur les exportations. À lire sur affairessansfrontieres.ca.

françois.normand@transcontinental.ca

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