Sept stratégies pour faire échec à la hausse des taux

Publié le 07/09/2013 à 00:00, mis à jour le 05/09/2013 à 09:34

Sept stratégies pour faire échec à la hausse des taux

Publié le 07/09/2013 à 00:00, mis à jour le 05/09/2013 à 09:34

Les investisseurs n'ont pas attendu que la Réserve fédérale confirme la fin de son programme de rachat d'obligations. Les taux américains de 10 ans ont déjà doublé depuis 13 mois, passant de 1,39 % à 2,75 %. Au Canada, la hausse de 1,08 % des taux de 10 ans depuis trois mois a fait flancher les obligations et les placements sensibles aux taux : titres de dividendes, fonds immobiliers et actions privilégiées. Malgré tout, il est encore temps d'atténuer les effets néfastes d'une hausse des taux sur vos placements. Voici les conseils de six experts.

La hausse récente des taux a déjà secoué beaucoup de placements, comme en témoignent les états de compte que les investisseurs ont reçu en juin et en juillet. Heureusement, les prévisionnistes n'envisagent pas une montée en flèche des taux, car l'économie reste somme toute fragile. Si les taux américains phares de 10 ans atteignent 3,25 % d'ici la mi-2014, comme certains le prévoient, le pire est peut-être déjà passé.

«Rien ne sert de tout chambouler. Un portefeuille bien diversifié aurait bien résisté aux fluctuations de mai et de juin», dit Guylaine Dufresne, directrice principale, fonds de placement, à la Banque Laurentienne.

Bien que plusieurs conseillers préparent leurs clients à une hausse des taux depuis un bon moment, il est encore approprié d'adapter son portefeuille pour amoindrir l'effet indésirable des taux sur les placements, parce qu'on ignore quel sera le rythme de la hausse et quand elle se terminera, dit Hélène Gagné, gestionnaire de portefeuille chez Gestion privée Peak.

1 Préférez les actions aux obligations

Après que les obligations eurent connu un marché haussier de 30 ans, c'est au tour des actions d'offrir de meilleurs rendements.

«À mesure que les taux reviendront à la normale, les mordus des obligations auront de plus en plus de difficulté à supporter les pertes et retourneront aux actions. Ce déplacement donnera un nouvel appui aux actions l'an prochain», explique Martin Lefebvre, vice-président, stratégie de placement et répartition de l'actif, à la Banque Nationale.

Les experts consultés ont tous réduit la part accordée aux obligations au minimum des bornes prévues dans la répartition personnalisée de chaque client.

«Nous investissons dans les actions dans la proportion la plus élevée qu'un investisseur puisse tolérer, par l'intermédiaire des fonds de titres de dividendes. Les dividendes perdent un peu de leur lustre en Bourse, mais ils resteront un moyen prisé d'investir dans les actions, en particulier si les taux se stabilisent», indique Raphaël Hainault, conseiller à la Financière des professionnels.

Chez Valeurs mobilières Desjardins, un client qui consacrerait par exemple 60 % de son portefeuille aux obligations verrait cette répartition ramenée à 50 %, dit Jean-René Ouellet, analyste principal, services aux particuliers. Il n'est pas trop tard pour faire cet ajustement. D'autant que, si l'on tient compte de l'inflation et des impôts, les obligations procurent au final un rendement négatif.

Pour rassurer ses clients, M. Hainault prévoit leurs décaissements plusieurs années à l'avance et achète suffisamment d'obligations pour couvrir des retraits sur une période de 10 ans. De cette façon, l'investisseur est capable de faire face aux aléas normaux de la Bourse et de laisser le temps voulu aux actions de prendre de la valeur.

2 Gardez des munitions pour saisir les occasions

Bien que les actions sont à privilégier, le risque de repli augmente après quatre ans de gains substantiels. Certains conseillers conservent donc des liquidités afin d'investir dans les actions dans l'éventualité d'un recul important.

Les titres américains ont encore la cote pour pallier le manque de diversité de la Bourse canadienne. «Un investisseur peut choisir ses titres de dividendes au Canada et compléter avec de grandes sociétés américaines de la santé, de la technologie, de la consommation discrétionnaire et de l'industrie, des secteurs qui sont bien mieux représentés aux États-Unis», conseille M. Ouellet.

Ce n'est plus le moment de se ruer sur les fonds immobiliers, les fournisseurs d'électricité, les pipelines et les télécommunications, car leurs titres sont chèrement évalués historiquement, fait valoir Martin Lefebvre.

«Les occasions les plus attrayantes se trouvent dans les secteurs qui profitent de la croissance hors des ressources : les banques, les sociétés industrielles et les technologies.»

3 Limitez-vous aux obligations d'une durée de quatre ans et moins

Pour ce qui est des obligations, il vaut mieux s'en tenir aux titres d'une échéance de quatre ans et moins.

Plus l'échéance est courte, moins la valeur marchande de l'obligation reculera pendant une hausse des taux ; en effet, il reste moins de temps avant de recevoir le capital investi et d'avoir la possibilité de le réinvestir dans les nouvelles obligations émises qui offrent un taux supérieur.

Ces obligations récupéreront plus rapidement les pertes qu'elles subiront pendant la remontée des taux, dit Raphaël Hainault, conseiller à la Financière des professionnels.

La remontée récente des taux illustre bien ce phénomène, dit Dan Hallett, de HighView Financial Group. L'indice canadien DEX des obligations à court terme (durée moyenne pondérée de 2,7 ans) a procuré un rendement de 0,6 % depuis le début de l'année, tandis que celui des obligations à long terme (durée de 13,2 ans) a chuté de 7,6 %.

L'indice obligataire universel DEX le plus généraliste (durée de 6,67 ans) s'est replié de 2,6 % depuis le début de l'année.

Avec aussi peu que 100 000 $ à 200 000 $, il est possible d'acheter des obligations directement auprès des courtiers, de façon à recevoir ses intérêts et son capital en toute sécurité, souligne Jean-René Ouellet. Il déconseille les fonds communs pour les obligations, «car les frais de gestion grugent leur rendement déjà modeste», prévient l'analyste de Valeurs mobilières Desjardins.

En revanche, les fonds d'obligations négociés en Bourse offrent une bonne diversification de titres et d'émetteurs, à peu de frais.

4 Échelonnez votre portefeuille d'obligations

Les experts recommandent la tactique qui consiste à échelonner le portefeuille d'obligations (bond ladder), de façon à ce qu'une partie des titres vienne à échéance chaque année. Vous pouvez ainsi vous procurer de nouvelles obligations qui seront émises avec un coupon d'intérêts supérieurs. «L'idée est d'avoir des liquidités à réinvestir dans de nouvelles obligations. De cette façon, la perte sur papier du portefeuille d'obligations s'estompera progressivement», explique M. Hainault.

Ainsi, dans le cas d'un portefeuille échelonné sur cinq ans, un cinquième des obligations échoit chaque année.

L'investisseur qui vit de ses placements ou qui caresse des projets peut échelonner son portefeuille d'obligations pour que les échéances correspondent à ses besoins de liquidités, indique M. Hallett.

Pour l'investisseur qui est encore dans la phase d'accumulation de capital et qui achète directement ses obligations, il vaut mieux échelonner les échéances sur 10 ans, afin de mieux diversifier les émetteurs, conseille M. Hallett. Il faut un minimum de 100 000 $ pour constituer ce portefeuille, à raison de 10 000 $ par obligation gouvernementale. Si l'on veut ajouter des obligations de sociétés, il faut doubler cette somme à 200 000 $, dit-il.

Plusieurs fonds d'obligations négociés en Bourse reproduisent la tactique d'échelonnement à peu de frais (voir les suggestions d'Ian Gascon, d'Idema, ci-bas).

De plus, les gestionnaires de ces fonds obtiennent de meilleurs prix que l'investisseur individuel lorsqu'ils achètent des obligations, ajoute M. Hallett.

5 Ajoutez des obligations de sociétés

Étant donné le coupon d'intérêt anémique des obligations gouvernementales, plusieurs conseillers ajoutent des obligations de sociétés en portefeuille.

Même si ces obligations se sont déjà bien appréciées depuis 2009, elles procurent encore un rendement supérieur à celui des obligations gouvernementales, puisque les sociétés versent des intérêts plus élevés que les gouvernements pour se financer.

Ces intérêts plus élevés ajoutent un peu de rendement et amoindrissent légèrement l'influence négative des taux sur la valeur marchande des obligations. Ainsi, l'indice DEX canadien des obligations de sociétés procure actuellement un rendement moyen pondéré à l'échéance de 3,18 %, par rapport à 2,59 % pour son pendant gouvernemental.

Hélène Gagné, de Gestion privée Peak, préfère les fonds qui achètent des obligations de sociétés américaines, en raison de la plus grande diversité d'émetteurs.

Certains, comme M. Hallett, suggèrent de consacrer jusqu'à 60 % des titres à revenu fixe aux obligations de sociétés pour obtenir un rendement supplémentaire. D'autres se font plus prudents. «Je ne mettrais pas plus de 15 % d'un portefeuille réparti moitié-moitié entre obligations et actions dans les obligations à haut rendement, telles que les obligations de sociétés et des marchés émergents. L'investisseur s'expose à d'autres risques», dit M. Ouellet.

Mme Gagné propose un compromis. Elle place les obligations de sociétés dans la catégorie de revenus élevés du portefeuille, à l'écart de la répartition en obligations.

«Ce n'est pas dans la partie obligations de son portefeuille que l'investisseur doit prendre des risques. C'est la stabilité des revenus qu'on veut aller chercher dans cette section. Le risque des obligations de sociétés s'apparente à celui des actions, car leur valeur variera en fonction de la capacité financière des sociétés de verser leurs intérêts et de rembourser le capital à l'échéance», explique Mme Gagné.

6 Insérez des obligations municipales

Pour obtenir un rendement légèrement supérieur à celui des obligations gouvernementales, M. Hainault suggère des obligations municipales de cinq ans et moins. «Elles versent un intérêt d'environ 0,5 point supérieur aux obligations fédérales et provinciales», précise-t-il.

7 Considérez un compte à intérêts élevés

Pour les comptes enregistrés d'épargnants qui n'ont pas besoin de retraits pour vivre, Mme Gagné place la partie du portefeuille de revenus fixes normalement consacrée aux obligations à court terme dans un compte à intérêts élevés. «On laisse un peu d'argent sur la table en ce qui concerne les intérêts, mais le capital ne fluctue pas», dit-elle.

Le compte d'épargne d'ING Direct, par exemple, offre un taux de 1,35 % ces jours-ci.

Des repères pour prévoir la trajectoire des taux

Le taux américain de 10 ans s'établit historiquement à 2 points de pourcentage de plus que l'indice des prix à la consommation. En période normale, avec le taux d'inflation actuel de 2 %, il s'établira donc à près de 4,25 %. Toutefois, compte tenu de la croissance économique encore lente, il est plus probable que ce taux repère de 10 ans s'établisse à environ 3 %, soit 0,50 point de moins que le produit intérieur brut nominal, un autre étalon utilisé pour prévoir la direction des taux, explique Sam Stovall, stratège de S&P Capital IQ.

+ 8,1 %

Rendement du S&P 500 douze mois après la première hausse du taux directeur par la Fed.

Source : Banque Scotia

Trois FNB d'obligations échelonnées

Ian Gascon, d'Idema, suggère ces trois fonds négociés en Bourse d'obligations échelonnées. Ces FNB sont tous inscrits à la Bourse de Toronto.

iShares Laddered Corporate Bond Index Fund (CBO)

Ce fonds convient aux régimes enregistrés. Il comprend 42 obligations de sociétés. Le rendement plus élevé des versements d'intérêt atténue l'effet des taux. Toutefois, il expose l'investisseur au risque de crédit de chacune des sociétés. Il ne convient donc pas à tous les investisseurs.

Échéance moyenne : 3,45 ans.

Rendement pondéré à l'échéance : 2,48 %.

Frais de gestion : 0,28 %.

First Asset DEX 1-5 Year Laddered Government Strip Bond Index ETF (BXF)

Ce nouveau fonds convient aux comptes non enregistrés. Il comprend 25 obligations à coupon détaché de façon à ne pas distribuer d'intérêts imposables. Il distribue un gain en capital et un rendement de capital. Il s'échange peu fréquemment.

Frais de gestion : 0,20 %.

iShares Laddered Government Bond Index Fund (CLF)

Ce fonds comprend 38 obligations gouvernementales dont les échéances varient de un à cinq ans.

Échéance moyenne : 3,35 ans.

Rendement pondéré à l'échéance : 1,89 %.

Frais de gestion : 0,17 %.

dominique.beauchamp@tc.tc

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