Recommencer ailleurs... et au bas de l'échelle

Publié le 17/10/2009 à 00:00

Recommencer ailleurs... et au bas de l'échelle

Publié le 17/10/2009 à 00:00

Ils sont nombreux à prendre l'avion munis d'un aller simple et de leur diplôme. Nous vous présentons deux professionnels qui l'on fait.

Laurent Liagre est français d'origine et, comme des milliers de ses compatriotes, il a choisi de s'établir en Amérique du Nord, plus précisément à Montréal.

Comptable agréé (CA), Laurent Liagre est maintenant chef d'équipe senior chez Ernst & Young. Ses tâches consistent, entre autres, à former ses collègues aux normes internationale d'information financière (IFRS). Il enseigne également à l'Ordre des comptables agréés du Québec et à HEC Montréal.

Après avoir fait un doctorat à l'Université Laval, il était retourné en France, mais n'avait qu'une idée en tête : revenir s'installer ici pour de bon. Cet objectif a été rendu possible grâce à Ernst & Young, un cabinet d'audit qui souhaitait l'embaucher. Dès son arrivée, un instructeur externe lui a donné une formation d'une journée, laquelle est issue d'un programme d'adaptation culturelle du gouvernement fédéral. Son formateur lui a notamment fait part des choses essentielles à surveiller au Québec, par exemple, comment évaluer adéquatement les Québécois.

Refaire ses classes

Laurent Liagre a également dû faire ses preuves et gravir les échelons un à un. Il a pu mettre en valeur son savoir-faire au fil du temps; il a pris du galon rapidement et a même sauté des étapes. Aujourd'hui, il occupe un poste de responsabilités plus élevées qu'en France.

Par ailleurs, changer de pays signifie remettre les compteurs à zéro, en quelque sorte. Cela exige des efforts, par exemple, faire preuve d'humilité et s'accommoder des us et coutumes d'une autre culture. En fait, une intégration réussie suppose nécessairement ce passage obligé. "Il faut accepter cette réalité, autrement, mieux vaut rester dans son pays", dit-il.

"S'adapter à d'autres mentalités favorise l'avancement d'une carrière", estime M. Liagre. Au Québec, il y a une certaine absence de hiérarchie et généralement, l'ambiance au travail est beaucoup moins guindée. Certains Français pourraient s'y sentir dépaysés. Il importe également d'écouter ses collègues et d'observer leurs façons de faire. "En somme, il faut comprendre les règles et y adhérer", résume Laurent Liagre.

Une approche différente

En France, l'établissement d'enseignement où a étudié un professionnel fait souvent foi de tout, tandis qu'au Québec, les employeurs reconnaissent la qualité des prestations offertes. Si elles ne sont pas à la hauteur, ils auront tendance à user de diplomatie quand viendra le moment d'énumérer les choses à améliorer. "En France, un patron pourrait être trop direct, ce qui est démotivant", affirme le jeune homme, qui rappelle le taux de rétention très élevé du personnel au Québec, en l'occurrence chez Ernst & Young. "La gestion des ressources humaines au Canada est beaucoup plus humaine qu'en France, poursuit-il. Et pour tout dire, la culture québécoise se situe dans le juste milieu entre l'Europe et les États-Unis. Les gens d'ici sont très pondérés et relativement sociables, et ils ont à coeur d'aider les autres." En fait, le climat de travail est plus agréable. "À preuve, l'espérance de vie des CA est meilleure ici que dans mon pays", conclut Laurent Liagre.

LES CONSEILS DE LAURENT LIAGRE

Les travailleurs étrangers qui arrivent au Québec doivent décoder le milieu dans lequel ils évolueront. Toutefois, peu importe l'endroit, certains comportements pourraient être avantageux sur le plan professionnel. À titre d'exemple :

> Avoir de l'initiative et innover;

> Accepter de devoir faire ses preuves;

> Être ouvert d'esprit et s'intégrer rapidement à son milieu de travail.

S'EXPATRIER PAR AMOUR

Denis Borgia. Il a fait une maîtrise en droit des affaires pour mieux s'intégrer.

Avocat en droit des affaires et en assurance au Québec depuis 1985, Denis Borgia a choisi d'aller travailler en France il y a sept ans. Il exauçait ainsi les voeux de sa conjointe, qui voulait retourner à Bordeaux, sa ville natale.

Une fois sur place, il a fait une maîtrise en droit des affaires français et européen, à l'Université de Bordeaux. "Il ne suffit pas de débarquer dans une ville étrangère et d'apposer une plaque d'avocat à côté de sa porte", dit-il.

Avant de plonger, il faut se familiariser avec un système dont les paramètres sont très différents. "L'entente de réciprocité entre les barreaux du Québec et de la France n'oblige pas cette formation. Seul un examen portant sur les règles déontologiques suffit. Cela signifie que n'importe qui peut débarquer ici et prétendre pratiquer le droit. Dans un tel contexte, les avocats québécois et français risquent d'être grandement dépaysés, et certains d'entre eux pourraient se décourager", note Denis Borgia. Dans les faits, mieux vaut refaire ses classes et devenir ensuite stagiaire, ce qui suppose que l'on sera accompagné pendant de 6 à 12 mois."

Le droit est une profession à la fois vaste et complexe, à plus forte raison pour les avocats confrontés à un système juridique étranger. Au Québec, par exemple, les litiges administratifs et commerciaux se règlent soit devant la Cour du Québec, soit devant la Cour supérieure du Québec, selon les montants d'argent en cause. "Chez nos cousins, il y a notamment le tribunal administratif et celui du commerce", précise M. Borgia. Leur juridiction dépend plutôt de la matière du dossier, ce qui exige que l'on détermine au préalable lequel est compétent pour entendre la cause.

Tout un comité d'accueil

L'affection des Français à l'égard des Québécois ne se dément pas. Reste que les différences culturelles sont énormes. Dans le milieu du droit français, les rapports sont beaucoup plus hiérarchisés et réservés. Les gens sont moins extravertis et plus difficiles d'accès. "Ils s'ouvrent moins rapidement et ne vous donneront pas immédiatement la clé du coffre-fort", prévient le juriste de 50 ans. En outre, les titres et statuts ont encore leur importance, tandis que le Québécois en fait moins de cas. À ce chapitre, la situation en France est similaire à celle qui existait chez nous il y a 50 ans.

Le droit québécois a été simplifié au cours des 40 dernières années et est devenu beaucoup plus accessible aux justiciables. En France, l'histoire est tout autre, et un avocat québécois doit en maîtriser les nombreux tenants et aboutissants. Cela lui permettra d'offrir des prestations adéquates, efficaces et à un coût raisonnable. Sans l'ombre d'un doute, un juriste avisé et expérimenté réussira à tirer son épingle du jeu dans ce pays. "Mais il faut d'abord manger ses croûtes", prévient Denis Borgia.

LES CONSEILS DE DENIS BORGIA

Être avocat en France requiert une grande humilité, ainsi qu'une bonne préparation avant d'y débarquer.

Parmi les nombreux conseils pour réussir cette délicate transition, en voici trois :

> Avant d'arriver dans ce pays, un avocat québécois devrait d'abord trouver un cabinet en mesure de l'accueillir;

> Il est préférable de réfléchir à ce que l'on peut apporter comme valeur ajoutée au droit français;

> Mieux vaut refaire là-bas une maîtrise dans son champ de pratique.

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