Prévention et dénonciation contre les fraudeurs

Publié le 13/04/2013 à 00:00, mis à jour le 11/04/2013 à 09:22

Prévention et dénonciation contre les fraudeurs

Publié le 13/04/2013 à 00:00, mis à jour le 11/04/2013 à 09:22

Les commerces qui ne font rien pour prévenir la fraude la subissent. L'équation est d'une simplicité désarmante. Mais elle ne convainc pas tous les détaillants d'agir à temps.

«Les entreprises traitent le problème de façon réactive. Ils attendent que les problèmes surviennent», dit François Plaisance, président et chef de la direction de CVS, une firme de consultants en prévention de Lachine. Après 28 ans dans le métier, il ne manque pas d'anecdotes savoureuses au sujet du vol dans les commerces. Il en a vu de toutes les couleurs.

Surtout, il voit l'histoire se répéter, décennie après décennie. «Au milieu des années 1980, on pognait des filles de 17 ans qui faisaient de faux retours de grosses bouteilles d'eau consignées dans les épiceries pour s'en mettre plein les poches. En 2013, j'en pogne encore», a-t-il raconté avec humour lors d'une conférence au dernier congrès du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), à la mi-mars. Le modus operandi n'a pas changé : la caissière poinçonne un retour et met les 10 $ dans ses poches, de sorte que la caisse balance. Si personne ne tient le compte des bouteilles vides, le manège peur durer longtemps...

Ce récit résume bien ce que François Plaisance s'évertue à dire à ses clients : ceux qui investissent peu en prévention risquent de vivre le jour de la marmotte. Ultramar fait partie du lot d'entreprises qui ont décidé de prendre la question de la fraude au sérieux. Une équipe de six personnes travaille à temps plein pour éviter les pertes dans les stations-services.

Chaque nouvel employé visionne une vidéo dans laquelle sont énumérées les façons de frauder. Cette stratégie permet à Ultramar de faire passer le message qu'il connaît les trucs pour voler, et qu'il sait les déjouer. À la fin, on insiste sur le fait que ceux qui sont pris la main dans le sac seront poursuivis, a raconté Daniel Croteau, superviseur de la sécurité et prévention des pertes, qui partageait la scène avec François Plaisance. De plus, il y a des caméras et des micros dans les stations-services.

Interrogés sur leurs méthodes pour prévenir les vols commis par leurs employés, Metro et Loblaw (Provigo, Maxi) n'ont pas voulu répondre. «Nous ne nous exprimons pas publiquement sur ce dossier», a dit la porte-parole de Metro, Marie-Claude Bacon.

Chez Walmart, où une ligne de dénonciation existe depuis son arrivée au Canada en 1994, chaque nouvel employé doit signer un code d'éthique et de déontologie. On y précise que les actes qui vont à l'encontre de ce code doivent être rapportés aux superviseurs.

Walmart dit ne pas poursuivre systématiquement en cas de fraude interne. «Nous n'avons pas de règle formelle, dit le représentant Alex Roberton. C'est au cas par cas.»

Mauvais calculs

Pour éviter les justifications d'employés du genre «je ne connaissais pas le règlement», Daniel Croteau conseille aux détaillants de ne rien laisser au hasard. «Le gros bon sens, c'est différent pour tout le monde. Pour certains, voler un bonbon c'est acceptable, pour d'autres, voler 50 $ c'est correct. Il faut que la politique de l'entreprise concernant la fraude soit écrite et que les conséquences soient écrites. Ensuite, il faut faire signer le document chaque année aux employés.»

François Plaisance croit que les détaillants sont parfois réticents à investir en sécurité à cause de la rareté de la main-d'oeuvre. Les responsables de la sécurité ont tout intérêt à prendre les employés malhonnêtes sur le fait pour démontrer leurs compétences et garder leur boulot. À l'opposé, les entreprises veulent conserver leurs employés difficilement recrutés et chèrement formés. «Cette incompatibilité grafigne», constate l'expert.

De plus, des entreprises évalueraient mal ce que leur coûte la fraude. Car il importe de calculer ses pertes sur ses ventes nettes et non pas brutes, fait valoir François Plaisance. «Une perte de 100 $, ça n'équivaut pas à des ventes de 400 $, mais à des ventes de 10 000 $ pour une épicerie qui fait un profit net de 1 %.» Pire, si un employé baisse de 100 $ le prix d'un vêtement pour un ami, cette perte ne sera même pas comptabilisée, a-t-il ajouté devant les dizaines de détaillants venus l'entendre.

Des solutions

Si les fraudes commises par les employés sont celles qui coûtent le plus cher aux détaillants, c'est parce que les stratagèmes durent. Pour les employés, il est facile d'agir quand une cliente met un collier dans son sac à main. Lorsqu'un collègue de travail trouve le moyen de piger dans la caisse, c'est moins évident. «On commence à enseigner aux enfants de cinq ans que ce n'est pas bien de stooler, dit François Plaisance. Alors, à 17 ans, je vous jure qu'ils ont tous compris !»

Pour encourager ses employés honnêtes à dénoncer les irrégularités, Daniel Croteau croit qu'il n'y a rien de mieux qu'une ligne 1-800. Les travailleurs consciencieux finissent toujours par être frustrés de voir leurs collègues s'enrichir de façon éhontée. Cette stratégie n'est toutefois pas à la portée des petites entreprises qui ne possèdent qu'une poignée de magasins. Il conseille aussi aux grandes sociétés de créer une culture dans laquelle l'employé «travaillera pour son gestionnaire immédiat qu'il respecte et auquel il s'identifie». Car dans les secteurs où les consommateurs ont l'impression de se faire voler (c'est le cas dans l'essence et la téléphonie mobile), «c'est clair que les employés vont voler !»

Que l'entreprise soit petite ou grande, l'important est de créer une «impression de détection». L'employé doit avoir constamment peur de se faire prendre, disent les experts. L'humain n'agit pas en fonction des règles ; il gère le risque. Ainsi, «comment être surpris que ses employés fassent le party si on ne va jamais les voir», s'interroge François Plaisance, qui suggère l'installation de caméras et de divers systèmes informatiques. Les détaillants doivent garder l'oeil ouvert et ne pas être naïfs, dit-il. «Il faut se méfier des employés qui ne veulent pas partir en vacances. S'ils sont toujours là, c'est parce que leur business est très payant.»

marie-eve.fournier@tc.tc

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